mardi 24 juin 2025

A truand, truand et demi

Le bouffon orange, Trump, a, malgré tout son épouvantable passif, un mérite. Un escroc sait reconnaître un escroc. Un prédateur sait reconnaître un prédateur. Et donc, Trump a su reconnaître que le régime des mollahs s'efforçait de la faire à l'envers pour toute la communauté internationale, concernant son programme nucléaire. Son unique mérite au cours de son mandat en cours est selon moi d'avoir autorisé, fut-ce de manière illégale, et sans l'aval du Congrès, le bombardement des usines d'enrichissement d'uranium en Iran.

Je pense sincèrement que le but du régime des mollahs, c'était de ne faire découvrir au monde qu'ils possédaient l'arme nucléaire qu'en frappant Israël à l'aide de cette même arme.

L'article du site classe internationale brosse le tableau d'un pays, l'Iran, qui s'est efforcé depuis le shah d'Iran en 1970, d'obtenir l'arme nucléaire.
Et pourtant, dès 1968,
l’Iran est l’un des premiers États signataires du TNP, le traité de non prolifération. 
En 1974,
Reza Pahlavi s'efforce de faire avancer le nucléaire civil en se dotant auprès de la France de quatre réacteurs nucléaires. L'Iran est alors contrainte de signer un accord de garantie avec l'AIEA. Mais dès les années 1970, le shah mène un programme secret de nucléaire militaire. 
A son arrivée au pouvoir, Khomeny se débarrassera de ce programme, mais pour le reprendre dès 1980, constatant l'intérêt de la dissuasion nucléaire suite à la guerre menée par l'Irak contre l'Iran. 
Dès 1985, le Pakistan fournit à l'Iran des centrifugeuses, lui permettant de faire avancer son programme nucléaire militaire. 
En 1989, Khomeny accélère ce programme grâce à un accord avec l'Union soviétique. Accord finalement rompu en 1994 après que Bill Clinton ait confronté Boris Eltsine sur ses ventes de centrifugeuses à l’Iran.

S'il y a un paragraphe du site classe internationale qui retient l'attention, c'est celui-ci : 

Le 14 août 2002, Alireza Jafarzadeh, un dissident iranien exilé issu du groupe d’opposition Organisation des moudjahiddines du peuple iranien (OMPI), révèle que la République islamique a construit deux sites nucléaires à l’insu de l’AIEA : une installation d’enrichissement de l’uranium à Natanz (Ispahan) et une installation à l’eau lourde à Arak (Markazi). Ces deux technologies permettraient à l’Iran d’acquérir l’arme nucléaire. Entre 20 et 30 kg d’uranium enrichi (ou uranium 235) sont nécessaires pour construire un missile nucléaire. Quant aux réacteurs à l’eau lourde, ils peuvent produire chaque année entre 9 et 10 kg de plutonium, alternative à l’uranium 235, un missile nécessitant entre 6 et 10 kg de plutonium. Ces technologies, que ce soient les plans, pièces détachées ou centrifugeuses, ont été fournies par le Pakistan dès 1985. Abdul Qadeer Khan, père du nucléaire pakistanais, avoue en effet avoir doté l’Iran et la Corée du Nord de leurs premières centrifugeuses. En tant qu’État non partie au TNP, le Pakistan échappe à l’interdiction faite aux États parties d’aider les États signataires non dotés de l’arme nucléaire à l’acquérir. En revanche, l’Iran peut être condamné en vertu de l’article 2 du Traité pour avoir accepté une telle aide du Pakistan. En février 2003, le président iranien Mohammad Khatami confirme les suspicions des États parties au TNP en avouant l’existence de sites destinés à enrichir l’uranium en plus de ceux de Natanz et Arak : Ispahan et Yazd. C’est à partir de cette date que les États-Unis, l’Allemagne, la Grande-Bretagne et la France, conjointement avec le directeur général de l’AIEA Mohammed El-Baradei, entreprennent de faire signer à l’Iran le protocole additionnel aux accords de garanties de 1997.

L’Iran et ses relations extérieures en 2003

En 2003, les motivations de l’Iran à se doter de l’arme nucléaire vont au-delà de la simple dissuasion qu’il pourrait exercer sur ses voisins.

L'Iran du Guide suprême Ali Khamenei signe en 2003 le protocole additionnel du Traité de non prolifération. 

Sur Wikipédia, on apprend le contexte et les détails de la signature du traité de Vienne en 2015, négocié et signé par Obama et Khamenei. Le traité limite le programme nucléaire iranien en échange d'une levée des sanctions internationales contre l'Iran. 

En 2018, Trump déchire l'accord en se désengageant. Ce qui permet à l'Iran de reprendre son programme. 

Mais le régime des mollahs avait-il jamais vraiment abandonné son programme? L'Iran aurait dépensé 2000 milliards de dollars pour son programme nucléaire. Le seul traité de Vienne aurait-il permis d'interrompre un tel immense investissement? Malgré toute cette tradition, toutes ces décennies de développement secret de l'arme?

Il y avait des inspecteurs de l'AIEA, mais ça n'a pas empêché l'Iran de construire l'usine secrète de Fordo sous la montagne. Un projet sans doute pharaonique. 

Et donc, pour moi, l'instinct de Trump, et les renseignements du Mossad étaient les bons: il fallait interrompre ce programme par une action militaire. 

Une action illégale, donc, et sans l'accord du Congrès. Mais pour un pays comme Israël, c'est une question de survie. L'Iran est à un an ou un an et demi de posséder l'arme nucléaire. Ou en tout cas l'était, avant les frappes.

Si l'on compare à une autre action illégale, celle de Poutine, on a un Etat russe qui attaque illégalement un Etat respectant les règles internationales, l'Ukraine. Là, avec les Etats-Unis, c'est un pays attaquant illégalement un Etat ne respectant pas les règles internationales, et développant la plus terrible des armes. Donc oui, c'est illégal, mais vous savez ce qu'on dit: "nécessité fait loi". Et là, en l'occurrence, c'est la nécessité de la survie pour Israël. Là où Poutine doit être combattu avec une grande force, puisque lui aussi menace la survie d'un Etat, l'Ukraine. Trump ne menace pas la survie de l'Iran.

Alors, évidemment, Trump n'a pas agi par bonté d'âme, mais pour restaurer son ego meurtri par : 

- le meme TACO (Trump always Chicken Out, Trump cède toujours à la trouille)

- ses lamentables échecs diplomatiques précédents, que ce soit avec l'Ukraine et la Russie ou avec l'Iran

- l'affaire Epstein

- le désastre DOGE et le conflit avec Musk

- la calamiteuse gestion de l'immigration, et l'envoi de la Garde nationale en Californie

- etc.

Un petit mot sur l'Iran. Il s'agit d'un Etat islamique depuis 1979, avec une constitution qui proclame notamment, je cite: "l’armée islamique et les forces de sécurité auront pour mission non seulement de protéger les frontières, mais également de porter le drapeau de la mission idéologique de l'État, à savoir le djihad pour Allah, dans le monde entier." L'armée islamique et les forces de sécurité, notez bien. On peut donner au djihad une connotation non guerrière. Mais pas en y associant les mots d'armée et de forces de sécurité. Les dictateurs annoncent toujours ce qu'ils font. Parfois, ils l'écrivent. Il faut les écouter. Et il faut savoir lire.

Pour moi, d'ailleurs, la constitution de l'Etat islamique d'Iran est illégale vis-à-vis de la Charte des Nations Unies. Pas en raison du caractère théocratique de l'Iran islamique, mais bien en raison de son caractère éminemment agressif.

Observons à présent le rapport nucléaire des deux pays, Israël et l'Iran. Israël n'a jamais signé le traité de non prolifération. Israël ne s'est jamais servi de l'arme nucléaire contre un autre pays. La doctrine d'Israël est une doctrine classique d'"Etat perché", un Etat se servant de l'arme nucléaire comme outil dissuasif. 
L'Iran a signé le TNP, mais que ce soit sous le shah ou avec Khomeny, a toujours cherché à développer l'arme nucléaire en secret. 

Si l'Iran avait voulu devenir, au même titre qu'Israël, un Etat perché, ils n'avaient qu'à se retirer du traité de non prolifération pour développer l'arme. Mais l'Iran, en restant dans le traité, en laissant l'AIEA faire ses vérifications tout en développant en secret l'arme atomique, montrait clairement une duplicité, qui est le signe, au niveau psychologique, d'une intention malveillante. Endormir l'ennemi pour que le réveil soit le plus terrible possible. 

Ce qu'a fait Trump, c'est faire goûter à l'Iran des mollahs de sa propre médecine. Trump a fait croire à l'Iran qu'il ne ferait rien, avant de frapper un coup suffisamment décisif pour retarder le nucléaire militaire iranien de plusieurs années. C'est un succès d'autant plus brillant pour Trump que c'est le seul de son mandat 2025, absolument catastrophique. Mais l'avenir dira si ce n'est pas un succès qui va se retourner contre lui.

On peut penser que les frappes israéliennes et américaines combinées ont coûté des milliards, voire des centaines de milliards de dollars à l'Iran. Pour Khamenei, qui a 86 ans, c'est une baffe monumentale. L'une de celle dont aucun dirigeant ne peut se relever. Et il est même probable que son fils ne lui succède pas. 

Les mollahs sont déjà en train de choisir leur prochain guide, les événements ayant précipité la préparation de la succession. 

Est-ce que l'affaiblissement du régime sera suffisant pour inciter le peuple à se révolter? Je crois personnellement qu'il faudra une révolte passive très forte, une asphyxie progressive de l'économie iranienne par la passivité des travailleurs iraniens pour faire tomber le régime. Et donc, c'est avant tout au peuple de trouver la solution. Même si une action extérieure peut parfois aider.  

Le peuple iranien a d'autant plus intérêt à se révolter que si un jour, le régime des mollahs nucléarise Israël, la riposte nucléaire contre l'Iran sera inévitable.  

[EDIT 25/06/2025] Un rapport du renseignement du Pentagone chargé d'évaluer les dommages aux centrifugeuses semble établir que celles-ci auraient échappé à la plupart des dégâts liées aux bombardements de Fordo. C'est une éventualité à prendre en compte, puisque le renseignement américain sur les endroits précis où faire les frappes pouvait ne pas être le bon. Etant donné les enjeux, c'est une information qui demande bien évidemment à être vérifiée. Ce type de bombe n'avait été utilisé qu'une fois en Afghanistan. Pour moi, cette opération, même si elle devait être un échec, montre la capacité des Américains à frapper sans être vus, et donc, c'est une épée de Damoclès qui va continuer à peser sur le régime. Tout va dépendre à présent de la qualité des renseignements concernant ces centrifugeuses.  

 

mercredi 4 juin 2025

Le ping, un sport de schizo

Le ping, quelque part, est un sport de schizophrène. En tout cas pour les joueurs qui entendent en faire une profession.

En tant qu'ancien petit joueur de club, j'ai gardé l'impression de l'importance du club. De mouiller le maillot pour le club, un peu comme en foot. J'ai joué principalement au stade de la départementale (au niveau le plus faible) au TT Manosquin dans les années 80 (le club a changé de nom depuis). Le président du club s'appelait Monsieur Vincent. J'ai eu la chance et le privilège d'être entraîné par Christophe Lebrun, frère aîné de Stéphane, qui n'est autre que l'un des oncles des fameux frères Lebrun.
En anglais, on aurait pu dire de Christophe "he's a natural". Ou si vous préférez : il a les gènes du ping. Limité par un souffle au cœur, il n'a jamais été mieux classé que 30 (à ma connaissance). Pas trentième, 30. Son frère Stéphane a été quant à lui 7ème joueur français. Je garde un excellent souvenir de mon passage en club, et de cette formation.
 

Christophe Lebrun, entraîneur du TT Manosquin 
à l'époque où j'y étais
 
Peu de clubs en France ont les moyens de payer un salaire à leurs joueurs. Mais pour les joueurs qui en bénéficient, ça se tient de mouiller le maillot pour le club, et de lui rester fidèle: ces clubs vont offrir aux joueurs pro le plus de stabilité financière. En Bundesliga, Timo Boll touchait 500 000 euros par an. Des stars moins connues pouvaient toucher plus de 150 000 euros par an. Régularité. Stabilité.
On vient d'apprendre que l'ancien numéro 1 mondial chinois, la médaille d'or des JO 2024 Fan Zhendong, venait de rejoindre le club de Sarrebruck. C'est dire le besoin de stabilité d'un joueur malmené par le circuit international de la WTT. 
Les clubs de ping ont même créé la ligue des champions, ce qui pourrait donner l'impression de se rapprocher du modèle du foot, avec un nom extrêmement prestigieux.  
Mais en réalité, le ping partage avec le tennis le même ADN de sport individuel.
Ainsi, il faut savoir que les matches de ligue des champions de ping, qui sont des matches de club, n'engrangent aucun point de rang international pour les joueurs. Ce sont donc des matches qui vont encombrer le calendrier sans pour autant permettre un meilleur classement, et donc d'accéder à de meilleurs tournois.
Là où les matches de circuit WTT et les matches de compètes internationales reconnues par l’ITTF (JO, championnats du monde...) permettent à la fois un meilleur classement et un plus grand prestige, tout en offrant la possibilité d'affronter les meilleurs joueurs du monde.
Mais là où le bât blesse, c'est dans la dotation de ces tournois. Les deux plus importants tournois de ping sont dotés à 3 millions de dollars, là où Roland Garros 2025 est doté à plus de 56 millions d'euros. Le WTT Champions de Montpellier, par exemple, était doté à 460 000 €. Mais avec le ping, les sommes baissent très très vite dès que l'on parle de Contender ou de Feeder (les différents échelons du circuit). 
Les lecteurs de ce blog se souviennent de l'article intitulé "Scandaleux" que j'avais écrit au sujet de la rémunération des tournois WTT. 
Et donc, la plupart des joueurs de ping pro restent dépendants de leur club pour leurs revenus, ce qui crée une situation davantage schizophrénique que complémentaire: les joueurs attirent du prestige sur leur club en participant au circuit international, certes, mais la WTT exige une participation minimale aux meilleurs joueurs, ce qui ne peut manquer de créer un fossé avec les clubs et le public qui suit les compètes de club.
J'ai posé la question suivante à Chat GPT : "dans quelle mesure le circuit WTT, en imposant des règles de participation à ses tournois pour les meilleurs joueurs, ne se met-il pas en compétition avec les championnats de clubs?"
Réponse :
Excellente question : tu touches à un point de tension réel dans le tennis de table mondial actuel. Le développement rapide du circuit WTT (World Table Tennis), avec ses règles de participation strictes pour les meilleurs joueurs, entre clairement en concurrence avec les championnats de clubs, notamment en Europe (Bundesliga, Pro A, ETTU Champions League). Voici une analyse détaillée.
🎯 Les règles imposées par le circuit WTT
Depuis sa refonte en 2021, le circuit WTT a :
- centralisé les tournois internationaux ITTF dans une nouvelle structure plus médiatisée et lucrative (WTT Contender, Star Contender, Champions, Grand Smash)
- imposé des obligations aux meilleurs joueurs, par exemple :
Obligation de participer à un certain nombre de tournois WTT pour être éligible aux WTT Finals et aux points ITTF.
Réduction des wildcards et introduction de restrictions d’inscription (classement minimum requis, quotas de joueurs par pays, etc.).
Certaines fenêtres de tournoi sont fixées dans des calendriers bloqués, incompatibles avec les matchs de clubs.
⚔️ Tensions avec les championnats de clubs
En quoi le WTT est en concurrence directe :
Tension 
⏰ Conflits de calendrier 
Les meilleurs joueurs doivent parfois choisir entre leur club et un tournoi WTT, car les dates se chevauchent (notamment les WTT Champions et Grand Smash).
⚖️ Risque de surcharge physique 
Le rythme WTT est intensif et mondial (Asie, Moyen-Orient, Europe), ce qui limite la disponibilité des joueurs pour les matchs de championnat hebdomadaires.
💰 Incompatibilité financière potentielle 
Certains clubs paient cher des joueurs vedettes… qui manquent des matchs clés car ils privilégient leur carrière WTT.
🎟️ Perte d'attractivité locale 
Pour les spectateurs des championnats nationaux, voir des stars absentes ou peu impliquées nuit à l'intérêt du public et des sponsors.
🤝 Mais aussi des convergences et adaptations
Certaines structures trouvent des compromis :
Adaptation 
Exemple :
📆 Clubs adaptent le calendrier 
Des clubs comme Düsseldorf ou Chartres laissent partir leurs stars (ex. Boll, Gauzy) sur les WTT, quitte à faire tourner l’effectif.
🤝 Accord verbal ou contractuel 
Les clubs et joueurs fixent à l’avance les priorités de présence, souvent autour des phases décisives (playoffs, Ligue des Champions).
🌍 WTT module son calendrier Le WTT évite parfois certains créneaux clés (comme pendant les Championnats Nationaux européens).
💡 En résumé
Aspect WTT Championnats de clubs
Objectif Développer une ligue mondiale avec prestige et points ITTF Stabilité financière et compétition collective
Public ciblé International, sponsors globaux Régional/national, abonnés
Flexibilité Moindre : présence imposée pour classement Moyenne : dépend des clubs
Tension ? ✅ Oui, croissante ✅ Oui, en particulier avec les grands clubs
🔮 Vers une "WTT-first generation" ?
La tendance actuelle pousse les jeunes talents à privilégier le circuit WTT, surtout pour :
Gagner en visibilité mondiale.
Monter au classement ITTF.
Se qualifier pour les JO et mondiaux.
Mais cela crée une fracture avec les clubs, surtout ceux qui misent sur la régularité des meilleurs joueurs.
 
ADDENDA 05/06/2025: là où le circuit WTT, pour ses tournois les plus importants, se différencie du tennis, c'est qu'on a un accompagnement des joueurs qui se rapproche plus de la Coupe Davis en tennis, et non par exemple des tournois du Grand Chelem. A savoir que c'est le staff technique au niveau national qui va accompagner les joueurs participants à ces tournois les plus prestigieux (donc, pas les Contender ou les Feeder), et qu'un seul entraîneur national coachera tous les joueurs d'une même nation. Pour les clubs de ping, du coup, l'analogie qu'il y a à faire irait plutôt du côté du football que du tennis: les clubs vont mettre à disposition leurs joueurs pour des compètes internationales. 
Cela est à mettre en relation avec la structuration des instances de type International Table Tennis Federation (ITTF) et World Table Tennis (WTT). Ainsi, le président du conseil de la WTT est Liu Guoliang, ancien champion olympique et anciennement sélectionneur en chef de l'équipe de Chine. Il s'agit donc de structures fédérales, étatiques, et non de structures issues des clubs qui organisent le circuit mondial. 
Or, ce sont les clubs qui sont le mieux à même de recruter des licenciés, et de faire venir le public. C'est en tout cas mon avis personnel. Dans l'idéal, les clubs devraient s'arranger pour créer des structures de supervision avec des représentants qui organiseraient le circuit international, permettant aux joueurs un calendrier, et une récupération idéale. 
A cet égard, la réussite du WTT Champions Montpellier au niveau de l'affluence du public tend à prouver que c'est bien aux clubs qu'il faut donner ce pouvoir de supervision du circuit international, et non à des structures étatiques trop détachées du terrain. En conséquence, les joueurs participant au circuit international ne représenteraient plus leur pays, à l'exception des Championnats du monde, de la Coupe du monde et des JO, et pourraient avoir leur propre staff ou celui de leur club. 

mercredi 30 avril 2025

Les trois corruptions de l'entrepreneur

En tant qu'auteur autoédité, je suis un entrepreneur qui n'emploie que lui-même. Je noue bien sûr des partenariats artistiques et commerciaux. Même si je peux mettre en compétition différents prestataires, mon business repose avant tout sur la coopération. Cela me met de facto à l'abri des trois formes de corruption susceptibles de toucher l'entrepreneur. C'est d'ailleurs l'un des avantages de ma situation: me permettre de poser un regard critique sur le monde du travail. 

La première des corruptions dont est susceptible d'être victime l'entrepreneur disposant d'employés dans sa compagnie, c'est de se croire supérieur à ses employés parce qu'il les a embauchés. A partir du moment où leur niveau de vie ou leur statut (et notamment pour les cadres) dépend de lui, l'employeur va se sentir intrinsèquement supérieur. Ça n'arrive pas pour tous les employeurs, bien sûr, mais c'est une tendance qui les guette d'autant plus dans les périodes de crise où le chômage est élevé, et où ils sont en situation de monopole ou quasi monopole dans leur branche.
Même dans des cas où le rapport de force est plutôt favorable à l'employé, qui peut démissionner et retrouver du travail ailleurs, le salaire de l'employeur étant plus élevé que celui de l'employé, l'idée de supériorité du patron est toujours à l'arrière-plan. Et d'autant plus si lui-même a tendance à considérer ses employés comme des larbins plutôt que comme des membres de sa famille étendue. A faire preuve de malveillance plutôt que de bienveillance.

La deuxième des corruptions de l'entrepreneur, c'est de se croire supérieur à ses employés parce qu'il peut les virer. A partir du moment où un employeur prend plaisir à virer ses employés, par exemple en paradant dans ses locaux avec un évier comme Elon Musk, on peut être sûr qu'il est victime de cette corruption. Autre élément de preuve, le fait de licencier en si grand nombre que l'on est obligé de réembaucher derrière. Là, on est clairement dans la jouissance du pouvoir sur des vies et des destinées d'employés. Ce pouvoir est d'autant plus manifeste que les salariés se sentent démunis, sans possibilité d'avoir recours à des syndicats ou de démissionner. En d'autres termes, ce pouvoir ne provient que de ce que les salariés sont prêts à concéder à l'employeur. De leur soumission. Le pouvoir n'est jamais à sens unique. C'est un échange dynamique s'inscrivant dans la dialectique du maître et de l'esclave. 

La troisième des corruptions de l'entrepreneur, c'est de se croire supérieur non seulement à ses employés, mais aussi au reste de la société. Cela se manifeste par du chantage à l'emploi auprès du gouvernement afin d'améliorer ses marges bénéficiaires. La corruption est telle, à ce stade, que l'entrepreneur va s'engager dans des manœuvres de lobbying afin de faire pression pour, de manière classique, faire baisser les charges et impôts dont est redevable sa compagnie. Ce type d'employeur succombera aussi à la tentation de la collusion d'intérêts avec ses pairs pour fixer les prix à un certain seuil, aux dépens du consommateur. L'un des exemples qui vient à l'esprit est la collusion des éditeurs sur le prix des ebooks. 

Quant au chantage à l'emploi, les exemples sont multiples, mais l'un des plus flagrants est celui de l'un des hommes les plus riches du monde, Bernard Arnault, qui a menacé de faire migrer ses entreprises aux Etats-Unis. Imaginez la haute couture à la française, Dior sans aucun employé ou créateur français, mais que des Américains. Ça semble si absurde, la rupture de l'image de marque de ces compagnies serait si complète qu'on a envie de dire à Arnault: "vas-y, fais le mon grand ! Ton départ sera l'opportunité d'un futur concurrent."

Les moyens de lutter contre ces corruptions? Faire en sorte que les gouvernements eux-mêmes soient incorruptibles, et que les candidats à la présidentielle ne bénéficient que de dons de particuliers et non d'entreprises. Faire en sorte de casser tous les monopoles, afin de permettre aux employés de démissionner pour se faire employer par la concurrence dès qu'ils se sentent rabaissés. Favoriser les petites entreprises, auto entreprises et artisans via des charges allégées et un allègement considérable de la paperasse et des formalités. Donner à des agences gouvernementales comme Pôle emploi des compétences syndicales, de défense des employés afin de mieux protéger les travailleurs des PME et des grandes entreprises dépourvues de syndicats. Et pourquoi pas, d'ailleurs, en lien avec l'inspection du travail, la médecine du travail et la justice. 

Les entreprises ressemblent encore trop souvent à de mini dictatures où c'est le psychopathe ou le pervers narcissique qui est récompensé et promu. Où règne le harcèlement, parfois jusqu'à conduire des employés au suicide. Il y a énormément à faire pour promouvoir la démocratie en entreprise. Ça passe forcément par un moindre pouvoir, ou un pouvoir plus encadré de l'entrepreneur.

mercredi 23 avril 2025

L'Essence des Sens : épilogue

Et nous arrivons finalement à l'épilogue de mon dernier roman de Science-Fiction, L'Essence des Sens. Une expérience de partage d'écriture qui n'aura occasionné aucune remontée des ventes du roman. Dans un univers de surabondance culturelle, c'est une nouvelle preuve que ce qui n'est pas directement monétisé est souvent considéré, consciemment ou non, comme n'ayant aucune valeur. Je pense que pour faire prendre conscience aux gens de ce qui compte pour eux, il faudrait supprimer Internet pendant au moins une journée. On pourrait appeler cela la Journée des Créateurs. De la prise de conscience massive qui s'ensuivrait, l'idée déjà bien présente selon laquelle il faudrait se diriger vers un revenu universel inconditionnel, seul à même de démultiplier les richesses gratuites présentes sur Internet, pourrait se renforcer grandement. 

Epilogue 

Le petit cube doré était étonnamment lourd au milieu de sa chaîne. Après lui avoir mis autour du cou le cubar miniature, Belganov fit l’accolade à Lucinda. 

« Quand nous nous sommes rencontrés il y a deux ans et demi, dit-il, je n’avais que peu d’espoir que vous seriez à même de m’aider dans ma tâche. Citoyenne d’honneur Lucinda Vels, sachez que vous avez dépassé toutes mes espérances. Vous m’avez donné le pouvoir d’endormir par simple contact les nanites ektrim. Mieux encore, le casque que nous avons mis au point ensemble a protégé durablement le citoyen Jaynak, de la 574e strate. Le héros qui allait nous permettre, en mettant nos efforts en commun, d’identifier enfin ce parasite ektrim. Et avec l’aide de la Confédération des Planètes Unies, nous avons ensuite pu réaliser une contre-mesure efficace. Vous avez changé à jamais le destin de notre peuple, c’est pourquoi ce titre de citoyenne d’honneur n’est qu’un faible témoignage de notre reconnaissance. » 

Les drones-cam qui retransmettaient la scène dans tout le système flottaient autour de Belganov et Lucinda dans la salle du trône du Palais de la Première Strate. Six mois s’étaient écoulés depuis la Bataille de la Libération de Nadar. Les pertes nadariennes avaient été si lourdes que la société en était transfigurée. 

« Premier Coordonnateur, répondit Lucinda, vous me faites un très grand honneur. Je chérirai ce titre de citoyenne d’un peuple qui a montré le plus admirable des courages devant l’adversité. 

– Nous aiderez-vous encore, citoyenne ? Depuis que nos compatriotes ont réalisé l’ampleur de la trahison des Ektrims, une trahison qui les a touchés dans leur intimité la plus profonde, celle de leurs pensées, beaucoup ont peur de l’avenir. Ils craignent de se retrouver victimes du même complot pernicieux, un jour ou l’autre. Nous aiderez-vous en fondant une succursale de votre société Vels & Compagnie sur Nadar ? Pour nous permettre de nous protéger, aujourd’hui comme demain ? 

– Je vous le promets, Premier Coordonnateur. A vous et à tous vos concitoyens, que je considère désormais comme mes frères et sœurs. » 

Lucinda afficha un sourire rayonnant. La question posée par Belganov n’était bien sûr pas une surprise — tout avait été préparé. Les plans pour la succursale étaient prêts. Lucinda, avec l’accord de Belganov, travaillait depuis plusieurs mois déjà sur le projet. 

Le traumatisme collectif infligé par les Ektrims et les Fengirs aurait sans doute provoqué un dramatique repli sur soi des Nadariens, si la Confédération des Planètes Unies ne s’était portée à leur secours. La peur de se retrouver manipulés de nouveau à leur insu affectait toutes les strates de la société. L’argelen, cette roche merveilleuse, incroyable, ne suffisait pas. Les citoyens désirant se prémunir contre l’intrusion de nanites en s’implantant d’autres nanites, dont ils maîtriseraient toutes les fonctions, s’avéraient beaucoup plus nombreux qu’on ne l’aurait cru au début. Il y avait là un vrai marché. Ce n’était pourtant pas la course aux crédits qui attirait Lucinda — elle était déjà démesurément riche. Le sentiment de redonner le contrôle de leur destin aux Nadariens était un puissant aiguillon. 

Belganov lui souriait, et elle hocha la tête en lui rendant son sourire. Qui aurait cru qu’elle aurait pu nourrir ce genre de pensées, elle la « Tradi », si attachée à sa propre intégrité physique et surtout intellectuelle ? La vie était décidément pleine de paradoxes. 

*** 

« Tu crois que Merek a exagéré son récit ? demanda Naldeia. Deux jours à la dérive dans l’espace ! 

– Il a dit vrai sur ce coup-là, répondit Jaynak. J’avais vérifié les données auprès de Shaella elle-même peu après la bataille. Son Retaliator avait bien été désactivé par un canon à ion peu après qu’il ait détruit un Zarin. Plus aucune communication. Comme il était parti à la dérive, il a été jugé inoffensif par les belligérants. Les débris sont ensuite devenus tellement nombreux qu’il a fallu du temps, et de la chance, pour le retrouver en vie. Son système de survie vivait ses derniers moments, et lui aussi, du coup. » 

Jaynak contempla Ulicron la bleue, qui emplissait tout le cockpit du transporteur à présent. Naldeia et lui avaient passé la soirée de la veille chez Merek, évoquant la Bataille de la Libération telle que chacun l’avait vécue six mois plus tôt. Jaynak n’avait pas eu grand-chose à dire en ce qui le concernait. Belganov avait tenu à ce qu’il reste sur Nadar, estimant qu’il avait épuisé ses réserves de chance au cours de ses aventures précédentes. Il avait donc observé depuis la console de ses parents, focalisé en particulier sur les relevés du Rapier, où se trouvait Naldeia. Leurs retrouvailles après la victoire avaient été inoubliables, et les célébrations sur la planète, euphoriques. Nadar était maintenant candidat officiel à l’intégration dans la Confédération des Planètes Unies, et bénéficiait de démarches administratives accélérées. Les arrivées d’autres espèces sur la planète, parmi lesquelles celle des humains, se faisaient plus fréquentes. Comme il leur était difficile de visiter les cités elles-mêmes en raison de leur gravitation particulière, des centres touristiques avaient été bâtis aux emplacements où se trouvaient certains des bâtiments des Fengirs. 

Le transporteur se posa dans le spatioport d’Uls. La lune possédait une atmosphère compatible avec le système respiratoire des Nadariens, qui y bénéficiaient d’une gravité moins forte et pouvaient évoluer par bonds. Naldeia et Jaynak traversèrent les couloirs du spatioport avant de rejoindre par navette la cité minière. Autour d’eux, il n’y avait que droïdes, drones et androïdes. Depuis le Grand Dévoilement — ainsi avait été baptisée la révolution nadarienne —, Ulicron exploitait toujours son tirinium, mais sans plus se servir de prisonniers reconvertis en esclaves. L’ambiance était industrieuse, mais froide. 

Le glisseur déposa Naldeia et Jaynak devant le Centre du Recueillement. Surmonté d’une double coupole, le bâtiment était aussi imposant que lumineux. A l’intérieur flottait une odeur de sengré allégé. Jaynak avait sélectionné un nom sur sa tablette. Lui et Naldeia avaient ensuite pris place dans un bipode. Celui-ci fila le long des corridors, prit des embranchements à vive allure, avant de ralentir, puis de s’arrêter. 

Jaynak sentait sa compagne nerveuse. Il serra sa main dans la sienne, et ensemble, ils franchirent le seuil. Comme la plupart des salles de ce qui était un véritable musée, celle-ci possédait des appareils de minage authentiques, ainsi que des blocs de tirinium. Elle était également équipée des différents projecteurs permettant de simuler une réalité virtuelle. Pour l’heure, les fonctions holographiques n’étaient pas activées. Le personnage qui se tenait à quelques pas était bien réel, et il sembla à Jaynak qu’il avait perdu de sa carrure. Son séjour dans le Cœur d’Argea devait y être pour quelque chose. Surveillé en permanence par trois drones de surveillance-répression, Grendchko les toisait avec sa malveillance coutumière. 

L’individu avait perdu une chose en plus de son poids — son arrogance, remplacée par de la servilité. Naldeia retira sa main de celle de Jaynak et croisa les bras, se plaçant en face du Premier Coordonnateur déchu et le fixant dans les yeux. « Comment se passe ton stage de Remise sur la Voie ? » demanda-t-elle.  

Grendchko se contenta d’un geste impuissant. 

« Tu n’as pas envie de me violer ? Je ne suis pas armée, vas-y ! 

– Je… ce n’est pas permis », croassa-t-il. A son timbre de voix, il était évident qu’il n’avait plus l’habitude de parler. 

Jaynak soupçonnait que si le billet pour Ulicron n’avait pas été si onéreux, ses anciennes victimes auraient fait la queue pour venir lui rendre visite. Les drones SR ne servaient pas seulement à surveiller Grendchko, mais aussi à neutraliser tous ceux qui auraient été tentés de se faire justice. 

Jaynak s’approcha d’une console, et composa le nom de Lorckcho. « Journée typique », articula-t-il. Aussitôt, leur ancien compagnon d’infortune apparut. Aminci, les yeux exorbités, la bave aux lèvres, sous emprise, il marchait dans le couloir d’une mine, son extracteur à la main. Grendchko, Naldeia et Jaynak ne voyaient que lui, avaient l’impression d’être Lorckcho tout en le contemplant de l’extérieur, tant la simulation était immersive. Quand Grendchko essayait de fermer les paupières, une décharge électrique en provenance d’un drone les lui rouvrait. Lorckcho titubait, parfois. Ses yeux étaient entièrement jaunes. Les trois Nadariens suivirent chacun de ses mouvements pendant des minutes qui ressemblaient à des heures. Parvenu à un gisement de tirinium qu’éclairait un drone, Lorckcho activa son extracteur. Il découpa, et une fois les blocs détachés, le drone qui l’accompagnait les emprisonna dans un champ magnétique, puis les plaça dans une large hotte que portait le misérable détenu. En dépit de la gravité moindre, les jambes de celui-ci fléchirent sous le poids. Puis il s’écroula. Il mit plusieurs minutes à réussir à se relever en haletant, plus hébété que jamais. 

Naldeia et Jaynak avaient les larmes aux yeux. Grendchko, quant à lui, considérait la scène avec une moue méprisante. Lorckcho se mit à marcher péniblement sous sa charge. La holosim semblait devoir se prolonger indéfiniment. 

Naldeia et Jaynak n’eurent pas le cœur de poursuivre jusqu’à la mort par overdose de leur compagnon. 

« Tu sais qui est ce prisonnier ? demanda Jaynak. 

– Non, citoyen, répondit Grendchko. 

– Quelle politesse, de ta part ! dit Naldeia. Je suppose que ce sont ces charmants drones qui se sont chargés de te l’inculquer. 

– Il s’appelait Lorckcho et était l’un des citoyens condamnés à ton fameux Stage de Remise sur la Voie pour s’être trouvé dans les Cavernes d’Ambre d’Argea au mauvais moment, l’informa Jaynak. Souviens-toi bien de son nom. Ton Adepte, Ymeo, l’avait jugé inapte et l’avait fait transférer dans les mines d’Ulicron. 

– C’est à elle que vous devriez vous en prendre, alors. Pas à moi ! 

– Oui, tu es innocent du crime dont on t’accuse, bien sûr, dit Naldeia. 

– On dit qu’on peut mesurer le degré de civilisation d’un peuple à la manière dont il traite ses prisonniers, fit Jaynak. Tu as été jugé coupable de la plupart des charges retenues contre toi, dans les procès auxquels tu as eu à faire face. Condamné à devenir guide touristique ici, gardien de la mémoire des tourments que toi et tes sbires avez infligés. J’espère que tu mesures bien la différence avec ce qu’était devenue la civilisation de Nadar sous ta direction. J’espère que tu comprends où se trouve la vraie grandeur. 

– Je crois que tu espères beaucoup, mon amour », dit Naldeia. 

Jaynak prit la main de sa compagne, et ils firent demi-tour. Peu avant de franchir la porte, Jaynak se retourna en direction de Grendchko. « Nous ne te souhaitons pas bonne chance dans ta nouvelle vie. »

Le résumé de ce chapitre, commenté

par deux voix de l'IA en anglais.

 

 

lundi 14 avril 2025

L'Essence des Sens : chapitre 42

A titre expérimental, j'ai décidé de faire paraître un nouveau chapitre de mon dernier roman, L'Essence des Sens (Science-Fiction), sur ce blog chaque semaine. Voici le quarante-deuxième.  

42. Rétribution 

 « Les rapports des espions de la Confédération sont formels, dit Naldeia. Les forces de l’Expansion font mouvement. La IIIe, la Vème, la VIIe et la IXe flotte. De deux choses l’une. Soit il s’agit d’un leurre et les Ektrims et leurs alliés Zayborgs et Fengirs vont attaquer ailleurs. Soit ils se dirigent vraiment sur Nadar pour y semer la destruction et y récupérer un maximum de ressources. Si c’est bien leur plan, dans un second temps, ils mettront le cap vers Quantor, où les attendent d’autres réserves de trinocium et denorium. L’amirauté de la Confédération des Planètes Unies croit en cette seconde hypothèse. Elle pense que les espions ennemis se sont laissés endormir par les rumeurs de massification de la flotte de la C.P.U. dans les secteurs les plus stratégiques du quadrant. En résumé, Coordonnateur, d’après l’amirauté, l’Expansion a bel et bien l’intention de faire de Nadar un exemple. 

– Et donc, la Confédération nous demande l’autorisation de pénétrer en masse dans notre système ? » 

Par delà les années-lumière, l’hologramme du Coordonnateur Telnov regardait Naldeia d’un air martial. L’homme avait les épaules larges. Au-delà de sa rigidité toute militaire, de l’intelligence brillait dans l’éclat bleuté de ses yeux. Il donnait le sentiment de la compétence. 

« C’est exact, Coordonnateur. L’arrivée des flottes ennemies dans notre système serait une question de jours tout au plus. 

– Vous avez l’autorisation. Que les strates de nos ancêtres nous soient favorables. 

– Elles le seront, Coordonnateur. Je vous transmets les coordonnées des points d’entrée prévus de l’ennemi, et ceux de notre flotte. » 

Naldeia salua, puis mit fin à la communication avant d’envoyer les données par un canal ultra sécurisé. Un mois en temps galactique universel s’était écoulé depuis que le croiseur ektrim avait manqué anéantir toute vie sur Nadar en cherchant à s’en prendre à Altanis. Jaynak avait recouvré son vrai visage, au sens premier du terme. Les moments qu’ils avaient vécus ensemble avant son retour sur Nadar avaient été d’autant plus intenses et grisants que tous deux savaient qu’ils étaient peut-être les derniers. Dans ses périodes de doute, Naldeia puisait dans ces souvenirs de l’intimité partagée sur le Rapier pour retrouver de la confiance. Il y avait aussi ces messages que Jaynak lui envoyait de temps en temps. 

Tous les Nadariens s’étaient vus retirer leur nanite ektrim. La sœur de Jaynak, Niducia, n’en revenait pas de son ignorance passée ni de l’étendue des secteurs d’ombre dans lesquels baignait la mémoire collective des Nadariens. En historienne passionnée, elle s’était plongée dans les zones de la matrice qui avaient été jusque là interdites à ceux qui n’étaient pas des Réfractaires. L’oncle de Jaynak, Irkouk, n’avait cessé de pavoiser depuis que sa famille avait été mise devant l’évidence, quitte à encourir l’irritation des parents de Jaynak. Merek avait eu du mal à accepter un changement aussi radical. Faire le deuil d’un proche aurait déjà été quelque chose, mais faire celui d’une réalité entière était une toute autre montagne à gravir. A l’instar de très nombreux de ses concitoyens, il avait recours à des Sondeurs de l’âme pour le guider au travers de ses phases de déni, et démonter les informations falsifiées que l’ennemi s’efforçait de colporter au sein des réseaux internes de la planète. Processus aussi délicat que difficile, tant l’ego était au cœur du déni. Mais les preuves en faveur des Réfractaires étaient multiples, et l’argelen, le plus précieux des alliés. Merek avait fini par accepter de remonter dans un chasseur, et de se mettre au service de la nouvelle alliance. Ses compétences allaient être sollicitées beaucoup plus rapidement qu’il ne l’aurait sans doute souhaité. 

Naldeia retransmit auprès de Shaella et de l’amiral du Rapier le consentement de Telnov. L’heure était venue de retourner au bercail, mais les circonstances n’auraient pu être plus dramatiques. 

Shaella McGinnis embrassa du regard le panorama au travers de la baie vitrée. Les astéroïdes épars faisaient figure d’intrus au milieu du rassemblement de bâtiments. Il y avait là L’Axanor, le Ka’Zel’Tan, le Thaïlakan, le Casper Prime, L’Ondarim, le Trompe la Mort, L’Ixu, le Longarm, et bien d’autres. Issus pour la plupart des systèmes de la Confédération des Planètes Unies, les immenses croiseurs, accompagnés de frégates et de destroyers étaient venus discrètement, au compte-goutte. Des dispositifs d’occultation installés sur les astéroïdes assuraient une relative confidentialité à la flotte — les perturbations gravitationnelles pouvaient signaler à un observateur attentif qu’il y avait anguille sous roche. Aussi imposante fût-elle, la flotte ne représentait cependant qu’une partie du dispositif mis en place. D’autres forces de projection s’apprêtaient à emprunter différents Relais en direction du système d’Altanis. La Confédération jouait gros dans cette partie de poker menteur. Si les Ektrims perçaient à jour ses intentions, la C.P.U. délivrerait un effroyable coup d’épée dans l’eau, qui aurait au mieux pour conséquence la perte de l’une de ses planètes ou de ses bases stratégiques. 

Au pire, des systèmes entiers pouvaient tomber. 

C’était l’audace même du pari qui en faisait tout le sel. L’amirauté avait souscrit à l’idée de Shaella. Selon elle, les Ektrims estimeraient probablement que l’action de la Confédération envers Nadar se limiterait à ses opérations commando et autres tentatives sous couverture de subversion du pouvoir. Pour renforcer ce point de vue, quand le Coordonnateur Belganov avait déclaré placer sa planète sous la protection de la Confédération, le Haut Conseil de la C.P.U. n’avait confirmé aucun engagement immédiat. Un processus législatif avait bien été annoncé du bout des lèvres, long et tortueux, qui devrait permettre à Nadar d’adhérer à la Confédération des Planètes, à terme. Mais cette démarche prendrait des années, laissant l’opportunité à l’Expansion de frapper bien plus tôt. L’idée était de donner l’impression de faiblesse, de lourdeur et d’irrésolution au niveau politique, du côté de la Confédération. Nadar, quant à elle, en se proclamant sous la protection de la C.P.U. sans vraiment l’être officiellement, apparaissait comme désespérée, réalisant tout à coup que son départ de l’Expansion la plaçait dans un vide juridique extrêmement dangereux. 

Nadar était la chèvre attachée à son piquet, qui bêlait d’autant plus fort qu’elle sentait le prédateur se rapprocher. 

Le jeu était cruel, mais nécessaire. Shaella se tourna vers Lucinda. A sa surprise, la dirigeante de Vels & Associés avait tenu à rester sur le Rapier, où se trouvait aussi son compatriote Balchak. « Vous êtes sûre que vous ne voulez pas retourner parmi les vôtres ? L’Amaranox pourrait vous accueillir. » La frégate quantorienne était l’une des quelques-unes qui devaient participer à l’engagement. La Fondation des Indépendantistes avait été prévenue de la probabilité d’une bataille galactique, mais n’avait dépêché en soutien que de rares bâtiments de tonnage moyen — c’était sans doute pour le mieux, car des mouvements trop importants auraient risqué d’éveiller l’attention des espions de l’Expansion. 

« Je souhaite abuser encore un peu de votre hospitalité, dit Lucinda. Comme je vous l’ai déjà expliqué, vous m’avez trop bien convaincue. Je ne pourrais croire en l’avenir de Quantor que si les forces de l’Expansion sont stoppées pour de bon. Le Rapier me paraît le meilleur point d’observation. 

– Parce que vous croyez que nous allons nous contenter d’observer ? 

– Je me suis préparée à cette bataille. 

– Dans ce cas, veuillez regagner votre cabine et prendre un peu de repos. Vous pourrez nous rejoindre au poste d’observation réservé aux membres du Diligent quand nous serons sur le point de sortir de l’hyperespace. » 

 

Belganov se précipita sur la console qui relayait les données des détecteurs longue portée. Les analyseurs étaient formels, une flotte appartenant à l’Expansion venait bien d’apparaître aux confins du système d’Altanis. Le moment était venu de voir si les exercices d’entraînement à la défense interstellaire avaient été bien assimilés. « Déclenchez l’Opération Riposte, dit-il au Coordonnateur Telnev. Placez la planète en alerte indigo. » Il tourna son regard vers l’icône représentant Halnev. C’était un canal d’urgence, et le Premier Guide Communiant d’Argea ne tarda pas à se manifester. « Vous prenez le relais sur la planète, dit-il après lui avoir expliqué la situation. Je vais coordonner la défense à partir du Strator

– Comme vous voudrez, Premier Coordonnateur. » L’air peiné sur le visage d’Halnev ne laissait aucun doute quant à sa désapprobation. 

Belganov ne chercha pas à lui fournir de justification. Ils en avaient déjà discuté et débattu, Belganov ne pourrait se contenter d’organiser la défense à partir d’Argea. C’était pourtant simple à comprendre. Il n’avait pas sauvé miraculeusement la planète une première fois, en prenant l’initiative d’une intervention de la dernière chance, pour assister de loin au combat interstellaire qui allait décider du destin de son peuple. Il se leva de son fauteuil et prit place dans son monopode. Equipé de propulseurs antigrav, l’engin, suivant sa programmation, le conduisit vivement au hangar où l’attendait sa navette. L’équipage de six personnes y arriva au même moment. Bientôt, le transporteur léger décolla en direction de l’orbite éloignée de Nadar, où veillait le Strator

Les robots de réparation avaient redonné au vaisseau mère nadarien toutes ses capacités. Depuis un mois, toute la planète avait complètement basculé en économie de guerre. Les chantiers navals tournaient à plein régime, essentiellement focalisés sur la remise en état de la flotte. Coupée qu’elle était des relations économiques avec ses anciens alliés, Nadar ne pourrait sans doute pas tenir indéfiniment à ce rythme, c’est pourquoi il y avait une petite part de soulagement mêlée aux inquiétudes terribles qui assaillaient Belganov — enfin, le dénouement approchait. Il rejoignit la salle de commandement du Strator. 

« La flotte ennemie est de taille beaucoup plus modeste que nous le craignions, annonça Telnev. C’est la VIIe. Il est possible que les autres aient été retardées. Si nous frappons maintenant, les probabilités de l’emporter sans trop de pertes sont de 80 %. Cela nous permettrait de réduire les forces ennemies, plutôt que d’attendre qu’elles se regroupent. 

– C’est sans doute un piège, dit Belganov. Mieux vaut patienter, puisque nos alliés ne sont toujours pas arrivés. 

– S’ils arrivent », dit Telnev. 

Belganov l’interrogea du regard, mais le Coordonnateur de la flotte n’ajouta rien. S’il y avait eu du nouveau du côté de Naldeia, il l’en aurait prévenu. Ses doutes ne reposaient donc que sur le caractère extraordinairement inhabituel de cette alliance avec la C.P.U. Plutôt que de répondre, Belganov se contenta de s’efforcer de communiquer la confiance par son attitude. Il passa en revue les croiseurs, cuirassés, destroyers, et frégates qui s’éloignaient en ce moment de Nadar afin d’éviter à la planète toute retombée néfaste du titanesque combat à venir. Du coin de l’œil, il surveillait la flotte de l’Expansion. Il remarqua une nuée de petits points s’échapper du corps des troupes. 

« Chasseurs ennemis déployés », dit l’Adepte affecté aux détecteurs courte portée. 

Belganov vérifia les données transmises par l’Intelligence Synthétique du Strator. Parmi les chasseurs et bombardiers des premières vagues adverses, il n’y avait que des Retaliators et des Crushers. Des vaisseaux pilotés par des nadariens, faisant partie des forces détachées de manière permanente au sein des flottes de l’Expansion. Depuis la révolte sur Nadar, le commandement s’était en vain efforcé de joindre ces chasseurs. Il aurait fallu les rapatrier et extraire leurs nanites ektrims avant de commencer les séances de désendoctrinement, mais ce n’avait pas été possible. 

« Ils cherchent à créer de la confusion, dit Belganov. Provoquer de l’indécision parmi nos pilotes pour les rendre plus vulnérables. 

– A mon avis, c’est pire que ça, dit Telnev. Regardez ! » 

Magnifiée par les soins du Coordonnateur de la flotte, des lignes de chasseurs Zarin Zayborgs, accompagnés d’Intimidators et Gen-A fengiriens s’étaient mis en formation d’attaque. L’Intelligence Synthétique du Strator fit apparaître un second hologramme sur un champ plus large, où l’on aperçut distinctement un destroyer faire feu de ses canons à protons sur l’un des chasseurs aux avant-postes, qui explosa. En passant d’un hologramme à l’autre, Belganov vit que les Zarins et Intimidators tiraient également. Les Retaliators et Crushers disparaissaient les uns après les autres dans des gerbes de plasma. 

« Ils sont en train d’assassiner les nôtres ! 

– Comme nous avons détruit les leurs, dit sombrement Telnov. C’est une rétribution. Une vengeance, si vous préférez. » 

Belganov fut sur le point de donner l’ordre de se lancer à l’assaut. Il vérifia alors les détecteurs. 

Une flotte de la Confédération des Planètes Unies venait d’apparaître, mais à l’autre bout du système — bien trop loin pour aider les chasseurs nadariens. « Votre hypothèse d’un piège qui nous est tendu semble bien se confirmer, fit Telnov. Les forces de l’Expansion cherchent à nous attirer près de leur point de chute. L’IS du Strator estime elle aussi que nous sommes loin d’avoir vu la totalité de la flotte ennemie. Une partie est probablement occultée, mais la majorité doit sans doute être en hyperespace. 

– Nous n’avons pas le choix, dit Belganov avec résignation. Notre premier devoir est envers Nadar. En nous rapprochant d’eux, c’est notre planète que nous risquerions. Activez les détecteurs de neutrinos. Nous devons identifier toute tentative de contournement pendant que notre attention est attirée ailleurs. » 

Les Retaliators et Crushers en avant de la flotte ennemie effectuaient des manœuvres d’évasion sans pour autant répliquer contre leurs agresseurs. Que leur comportement soit dû à l’implantation de nanites ektrim, à leur conditionnement ou à la désactivation à distance de leurs armes par l’ennemi, le résultat était dramatique. Ils disparaissaient les uns après les autres, balayés par une adversité bien supérieure. Belganov reçut plusieurs appels de commandants de vaisseaux désireux de se porter au secours des pilotes nadariens

Il leur interdit de bouger. Le spectacle de destruction était à vous glacer le sang. Belganov devait se répéter que la puissance ne résidait pas dans l’action dans ce cas de figure, mais bien dans le contrôle de ses émotions. Il fallut attendre qu’il ne reste plus aucun des chasseurs nadariens issus des rangs de l’Expansion pour que la IIIe, la Vème et la IXe flotte apparaissent dans toute leur écrasante supériorité. La Vème et la IXe se révélèrent toutes proches de la VIIe, prouvant que la mise à mort des chasseurs nadariens avait bien été un traquenard — la IIIe provenait d’un autre point du système. La Vème et la IXe se mirent à s’éloigner de la VIIe, de manière à maximiser l’impact lorsqu’elles frapperaient simultanément. 

« C’est la fin, murmura Telnov. Nous ne pourrons jamais espérer résister contre cela. 

– Il le faudra bien, dit Belganov. Nous devons faire front, envers et contre tout. » 

Vaisseaux mères, vaisseaux amiraux, croiseurs, cuirassés, destroyers, frégates et porte-missiles étaient en nombre si important que l’on aurait pu croire qu’il s’agissait de chasseurs. Quoique plus puissantes que la VIIe flotte, les forces nadariennes allaient être submergées. 

Le Rapier était lancé à vitesse maximale en direction de la flotte des protecteurs de Nadar. Il n’était que l’un des croiseurs parmi les centaines en provenance du système d’Estregor. Une à une, les autres flottes de la Confédération des Planètes Unies apparurent dans le système d’Altanis. Shaella nota avec satisfaction que trois des flottes alliées avaient emprunté des trajectoires qui leur permettraient d’empêcher la IIIe flotte ennemie de rejoindre la bataille. Le piège se refermait — à moins bien sûr que les espions de la Confédération n’aient été bernés et que l’Expansion n’envoie en ce moment même des flottes supplémentaires. 

Une fois le Rapier suffisamment proche des forces de Belganov, ses Skinangels, Ionthunder et Belligerant jaillirent de ses hangars, comme ils le faisaient de ceux des autres bâtiments de tonnage important. Il était temps, car les chasseurs nadariens se battaient quant à eux à un contre dix contre l’ennemi. Pour se maintenir en vie, ils n’effectuaient que des incursions rapides hors de la protection des boucliers de leurs croiseurs, destroyers et cuirassés. Ces mêmes boucliers rougeoyaient sous l’éclat incessant des tirs de turbolasers et canon à plasma, et voyaient leur résistance sapée par les canons à ions et à protons. Des éclairs bleutés jaillissaient de croiseurs ektrims. L’espace était illuminé d’explosions, souvent d’ailleurs en provenance de contre-torpilles venant annihiler les tentatives de destruction on provenance de l’ennemi. 

Shaella fit un point rapide sur la situation. La convergence des alliées à impulsion maximale avait été massive. Les flottes parvenues en défense de Nadar s’avéraient désormais plus nombreuses et mieux équipées que celles pourtant très imposantes de l’Expansion. 

L’augmentation cérébrale de Shaella fonctionnait à plein régime, lui faisant remonter les données en provenance des différentes zones du secteur. Ce n’était pas elle qui était aux commandes du Rapier, mais elle approuvait les décisions de l’amiral qui officiait dans la salle de commandement. 

Longtemps, la bataille titanesque parut indécise. Shaella apprit que quatre croiseurs ennemis s’étant désoccultés non loin d’Altanis avaient été détruits. Elle se félicita de la décision des plus hautes instances de la C.P.U., qui avaient envoyé six croiseurs renforcer les défenses nadariennes déjà présentes dans le secteur. 

La flotte de Belganov connaissait de nombreuses pertes, mais ne fut mise en défaut qu’une seule fois dans sa défense de la planète. Un croiseur et deux destroyers fengiriens parvinrent à franchir le rideau défensif pour se diriger droit sur Nadar. Une fois en position, des escouades de chasseurs s’attaquèrent aux satellites postés en sentinelle et aux Retaliators en défense orbitale. 

Le Rapier lui-même, secondé de cinq destroyers et une dizaine de frégates intervint à temps. Quatre des plus importants satellites de défense venaient d’être détruits quand les alliés de la C.P.U. achevèrent enfin d’éliminer les Fengirs. Fanatisés, ceux-ci se sacrifièrent pour leur cause. Les boucliers planétaires avaient tenu, et les épaves des transports de troupes fengiriens se calcinaient à leur contact. 

Shaella consulta les détecteurs. Débordée de toutes parts, mise au supplice, la IIIe flotte de l’Expansion était en train de se faire annihiler méthodiquement. La Vème, la VIIe et la IXe avaient toutes subi des pertes considérables. Lorsqu’il ne resta plus un seul vaisseau opérationnel de la IIIe, et que les flottes de la Confédération issues de cette partie du secteur se dirigèrent vers le gros de la bataille, les forces de l’Expansion, déjà terriblement éprouvées, n’eurent d’autre choix que de battre en retraite. Elles subirent de nouvelles lourdes pertes avant de pouvoir s’enfuir par les différents Relais d’Accélération qu’elles avaient utilisés à l’aller. 

La bataille pour la défense de Nadar se soldait par une victoire éclatante. En vérifiant les boucliers du Strator, Shaella constata qu’ils n’étaient plus qu’à 10 %. La tension qui l’habitait ne la quitta vraiment qu’en écoutant le discours de célébration et de remerciement de Belganov.

Le résumé de ce chapitre, commenté

 par deux voix de l'IA en anglais.

 

ebook 3,99 €

AMAZON    LA FNAC   KOBO   APPLE

Retrouvez les cinq premiers chapitres en cliquant sur ce lien.


lundi 7 avril 2025

L'Essence des Sens : chapitre 41

A titre expérimental, j'ai décidé de faire paraître un nouveau chapitre de mon dernier roman, L'Essence des Sens (Science-Fiction), sur ce blog chaque semaine. Voici le quarante-et-unième.  

41. Le Cœur d’Argea 

Belganov et Balchak accueillirent Jaynak, Naldeia ainsi que Shaella et son commando sur le destroyer qui les avait recueillis, L’Ambré. C’était celui des deux qui était en meilleur état. Contrairement au Réfractaire et au second destroyer, ses capacités motrices avaient résisté aux combats et aux radiations d’Altanis. Bien que le rendez-vous avec la flotte ait été manqué, Belganov pourrait rejoindre celle-ci rapidement en orbite de Nadar. Le croiseur et les deux destroyers devraient subir des réparations extensives dans les chantiers spatiaux, afin de redevenir opérationnels le plus tôt possible. 

Belganov sourit en pénétrant dans la salle de détente où se trouvaient ses anciens compagnons. « Pas la moindre égratignure ! C’est un miracle, nous avions cru vous avoir perdus. 

– Nous pouvions dormir sur nos deux oreilles, répondit Shaella en lui rendant son sourire, parce que nos ennemis avaient pris soin de nous enfermer dans des champs de stase quasiment indestructibles. 

– Leur seul point faible était leur alimentation, compléta Naldeia. Et elle a été coupée juste au moment propice. 

– Très heureux de vous revoir en si bonne santé, fit Balchak. 

– Merci d’être allé chercher de l’aide, dit Shaella. Vous êtes arrivés à point nommé. » 

Balchak se contenta de hocher la tête. 

« Les Quantoriens sont toujours là quand on a besoin d’eux, commenta Belganov. Je savais que notre planète courait un danger mortel, mais sans Balchak pour nous aiguiller au bon endroit… Et puisqu’on en est aux remerciements, merci encore pour votre opération sur Nadar, Shaella McGinnis. Grâce à vous et votre équipe, nous avons découvert par quel moyen les Ektrims nous ont implanté leurs nanites. Figurez-vous qu’ils utilisaient de petits drones furtifs. 

– Notre alliance produit déjà d’appréciables résultats, dit Shaella. J’espère que votre peuple s’en réjouit. » 

Belganov prit une expression embarrassée. « Je l’avoue, certains de mes Guides ont été très surpris quand je leur ai annoncé que c’était des humains qu’ils devaient rechercher dans ce croiseur ektrim. Les choses sont allées si vite que même parmi les Réfractaires, tout le monde n’a pas encore assimilé cette nouvelle alliance avec la Confédération des Planètes Unies. Je n’en ai pas encore informé le peuple, mais la Ruche s’est fait un plaisir de donner l’information, mélangée à un tel déluge de fake news que nous avons dû couper nos semblables du réseau de l’Expansion. Les gens sont très désorientés. Heureusement que nous avons l’argelen pour les aider à retrouver leurs repères. Et cette découverte d’une usine secrète de drones furtifs devrait peser lourd pour les convaincre du bien-fondé de notre action. Surtout quand ils sauront que tous les nanites ektrim étaient piégés. Nous ne leur dirons qu’après les avoir enlevés, bien entendu. 

– Et quand vous leur apprendrez que la bien-aimée Expansion a essayé de détruire Nadar en surchauffant Altanis, dit Jaynak. 

– Sans oublier, enchaîna Shaella, les prochaines représailles que préparent déjà les Ektrims. Avec tout mon respect, Premier Coordonnateur, vous n’allez plus pouvoir garder le secret au sujet de notre alliance. Il vous faut préparer au plus vite votre peuple à la confrontation. L’ennemi a prouvé qu’il ne perdait pas de temps. Qui sait, le fait d’annoncer publiquement que vous êtes sous la protection de la Confédération des Planètes Unies le dissuadera peut-être de passer à l’acte. 

– Vous avez raison, bien sûr. Quoique, concernant l’aspect dissuasif de notre alliance, je n’ai guère d’espoir, connaissant le caractère vindicatif des Fengirs. 

– De notre côté, nous aurions besoin que vous mettiez à notre disposition un transporteur, dit Shaella. 

– Certainement, dit Belganov. Vous souhaiteriez une escorte ? 

– Je ne crois pas que nous aurons une autre mauvaise surprise. Balchak nous accompagnera de nouveau avec L’Eclat d’Alcor, n’est-ce pas ? 

– Avec plaisir, répondit l’intéressé. 

– Dans ce cas nous n’aurons rien à craindre. Assurez-vous simplement que le Relais vers Estregor nous livre le passage. 

– Ce sera fait. » 

Jaynak fit signe à Belganov, qui l’interrogea du regard. 

« Puis-je me joindre à eux ? demanda Jaynak. Avant de revoir mon frère et ma famille, je souhaiterais retrouver mon visage d’avant, vous comprenez. » Jaynak désigna sa figure, toujours modifiée par l’empreinte de la moussor. 

Naldeia lui pressa la main, ce que Belganov remarqua. Il se demanda si la requête n’était pas un prétexte pour passer un peu plus de temps avec la jeune femme avant leur séparation. Jaynak et sa nouvelle compagne avaient côtoyé la mort de si près… « Requête accordée, dit Belganov. Autre chose ? » 

Il n’y avait rien d’autre. Ils décidèrent de partager un ultime repas avant de se quitter. 

Dès son retour sur Nadar, Belganov convoqua le Coordonnateur de la flotte. Il fit à Telnov le compte-rendu des derniers événements. Tous deux convinrent de faire surveiller Altanis par quatre bâtiments de classe Protector munis de détecteurs de neutrinos, afin de repérer un éventuel vaisseau camouflé. Solution provisoire en attendant de renforcer la défense de l’étoile de manière permanente par la construction de nouvelles stations d’observation et de surveillance. Telnov n’accueillit pas avec enthousiasme le fait de devoir sacrifier une part aussi importante de sa flotte — en plus des quatre bâtiments sur place, huit autres devraient assurer le ravitaillement et la rotation des équipages. Néanmoins, ils n’avaient pas le choix et le Coordonnateur de la flotte le savait. 

Belganov demanda ensuite au Premier Guide Communiant d’Argea de préparer le peuple à un grand discours de sa part. Dès qu’il eut achevé de le mettre au point, à l’heure fixée par Halnev, Belganov prit la parole. Son allocution fut retransmise par les mêmes médias autrefois à la solde des Fengirs, à l’exception bien sûr de la Ruche, qui n’était plus opérationnelle. Belganov y annonça l’alliance avec la Confédération des Planètes Unies, et se donna un an pour stabiliser la situation avant d’organiser des élections libres. Il détailla toutes les mesures militaires et civiles mises en œuvre. L’extraction des nanites ektrim était l’une des priorités, mais Belganov ne cacha pas le péril mortel auquel venait d’échapper la planète. Pour appuyer sa démonstration, il retransmit le message de l’Exarque stellaire Than’Agh. 

Les films holo enregistrés par les vaisseaux qui avaient intercepté le croiseur ektrim et ses armes létales vinrent ensuite attester que les paroles de l’Exarque ektrim n’avaient pas été de vaines menaces. 

« Mon prédécesseur va devoir être jugé, annonça Belganov. Le nombre de procès qui l’attend est toutefois tellement important que cela va prendre du temps de réunir tous les éléments nécessaires. Une chose ne change malheureusement pas par rapport aux derniers mois — la flotte va avoir besoin de très nombreux bras. Chers enfants des strates, je vous engage à vous porter volontaire en masse si nous voulons offrir un avenir à notre planète. » 

Belganov surveilla avec anxiété les conséquences de son discours. Il craignait en particulier des émeutes incitées par les partisans de Grendchko. 

Il s’avéra que la plupart des gens étaient tellement soulagés de revoir leurs proches partis pour la guerre contre Oblan, mais aussi tellement déstabilisés par les dernières informations qu’ils se révélaient incapables de réagir contre le nouveau pouvoir. Quant aux anciens Fervents, la disparition des Fengirs de la surface de la planète les laissa désemparés. A l’instar de la grande majorité de la population, ils retrouvaient le chemin des Cavernes d’Ambre de chaque cité, désireux de se plonger dans l’argelen, à la recherche de repères. La perspective d’une guerre contre les alliés d’antan agissait pour sa part comme un vent puissant dissipant les brumes de l’incertitude afin de remobiliser les masses. 

Le lendemain de son discours qui fut ensuite connu sous le nom de Séisme de Belganov, le Premier Coordonnateur reçut en son Palais un prisonnier de marque. Grendchko était escorté de quatre soldats. Trois drones SR assurant sa protection personnelle, Belganov fit signe aux gardes de se reculer. Grendchko n’était pas entravé. Il semblait stupéfait de ce qu’il voyait. 

« Vous avez volé mon trône ! accusa-t-il bille en tête en le désignant du doigt. J’ai gagné les élections à la loyale ! Vous n’avez pas le droit d’essayer de me les voler. » Poussant un grondement, il se rua tête baissée sur Belganov. 

Son corps fut pris d’un tremblement. Activé par l’un des gardes, le dispositif fixé à sa taille venait de lui envoyer une décharge qui le priva du contrôle nerveux sur ses membres — il s’effondra sur le ventre. Belganov fit signe aux soldats de le retourner. Ensuite, il entreprit de marcher sur le torse de l’ennemi vaincu, magnétisant ses pieds afin de se maintenir en équilibre. L’éclat bleuté des yeux de Grendhcko ne perdait aucun de ces mouvements. Le Premier Coordonnateur déchu s’efforça de parler, sans y parvenir. 

« Sans les nanites ektrim qui conditionnaient nos semblables à voter pour le favori des Fengirs, vous n’auriez jamais pu être élu, dit Belganov en baissant les yeux. Remarquablement, nos analyses ont révélé que vous-même n’avez pas été parasité par l’un de ces nanites. Je soupçonne vos anciens alliés d’avoir été tellement satisfaits de découvrir quelqu’un d’aussi naturellement stupide et servile qu’ils ont décidé de ne rien changer. Vous étiez la marionnette idéale, celle dont on peut modéliser la moindre des réactions, tant vous êtes mu par vos pulsions primaires. » 

Belganov contempla un instant le plafond, comme pour se recueillir. « Vous restez néanmoins un Nadarien. A ce titre, et eu égard à votre rang, certes usurpé, d’ancien Premier Coordonnateur, vous allez être détenu, dans l’attente de votre jugement, dans notre lieu le plus sacré. Le Cœur d’Argea va vous accueillir. » 

Belganov ne manqua pas de relever la lueur d’effroi dans les yeux de Grendchko. Le Cœur d’Argea était une pièce profondément enfouie dans les Cavernes d’Ambre, où la gravité décuplée ne vous laissait faire le moindre mouvement qu’au prix de terribles efforts. L’endroit n’était pas mortel, mais donnait l’impression de réintégrer la roche, expérience mystique prisée de certains, qui en connaissaient toutefois les conséquences. Il était en effet impossible de sortir du sanctuaire sans aide extérieure, et s’y nourrir était une vraie épreuve. 

Belganov demeura immobile un instant, comme s’il attendait une réponse. Puis il hocha la tête d’un air satisfait et démagnétisa ses pieds pour se diriger avec nonchalance vers son trône.

Le résumé de ce chapitre, commenté par deux voix de l'IA en anglais.

ebook 3,99 €

AMAZON    LA FNAC   KOBO   APPLE

Retrouvez les cinq premiers chapitres en cliquant sur ce lien.