mardi 8 décembre 2015

Mon point de vue sur les corrections et réécritures en externe

Mine de rien, le fait de voir son livre réécrit et amélioré par une maison d'édition, cette idée de franchir un ou plusieurs "paliers de qualité", constitue toujours un facteur de motivation non négligeable pour de nombreux auteurs... et donc, une partie du "fonds de commerce" des maisons d'édition. Quant aux auteurs indépendants dont je fais partie, rien ne nous empêche bien sûr d'externaliser nos corrections. Mais quelle attitude, point de vue et méthode peut-on adopter dès lors qu'il s'agit de corrections? 

A l'époque où je travaillais en tant que rédacteur, puis chef de rubrique jeux vidéo pour le magazine PC Team, au début des années 2000, nous avions un secrétaire de rédaction qui faisait plus que de la retouche d'article: souvent au grand dam de notre directeur de publication, il s'engageait dans la réécriture complète de certains articles, et partielle de tous les articles. Entraînant des retards de publication qui faisaient grincer des dents.

Le but? Créer une véritable empreinte éditoriale permettant de dire que tel ou tel article relève d'une entité collective. Une entité collective appelée PC Team à l'époque. 

Mes articles n'étaient jamais entièrement réécrits, mais déjà à l'époque, je trouvais ces retouches souvent agaçantes. 

Je savais qu'une partie de l'identité de l'individu vient de sa manière de dire le monde, de l'exprimer, et je ressentais dans mes tripes cette dilution de l'identité individuelle au moment de l'intégration de cette entité collective, de cette fameuse ligne éditoriale du magazine. 

Lorsque j'ai été amené à quitter PC Team (pour d'autres raisons que celle-ci, je pensais avoir une opportunité ailleurs qui ne s'est pas concrétisée), je me suis mis à rechercher un poste entre deux piges. 

L'une de mes pistes m'a amené à une légère réorientation: j'ai postulé pour un poste de secrétaire de rédaction. Mon expérience chez PC Team m'avait déjà conduit à avoir une opinion bien arrêtée sur la réécriture. Ainsi, j'expliquai lors de mon entretien d'embauche ma philosophie, qui serait de respecter au maximum la pensée originale de l'auteur et son style d'écriture, en allégeant les retouches. 

Il s'est trouvé que le recruteur recherchait exactement l'inverse, donc l'entretien n'a pas débouché sur un emploi. 

Je ne suis pas sûr, avec le recul, qu'il se soit agi d'un échec. Cette affirmation de l'importance de l'auteur portait en germe celui que j'allais devenir, et en particulier, l'auteur indépendant qui était en moi. Ce que le recruteur avait refusé était l'affirmation de mon identité profonde. J'avais tout à gagner à la défendre, et tout à perdre à la renier. 

Même en ayant été publié entre 2009 et 2011 par une micro maison d'édition, je n'ai jamais travaillé avec un éditeur pratiquant les corrections et la réécriture. Pour autant, je sais que nous développons parfois le fantasme du Guy de Maupassant ou du Victor Hugo qui, en tant que correcteur dans une maison d'édition, va permettre à notre manuscrit de franchir un ou plusieurs paliers, nous élevant au niveau des plus grands noms. 

J'ai aussi fait partie de ceux qui pensent que le simple fait de travailler aux côtés de grands pros va nous aider à nous améliorer. A peu près tous les auteurs souffrent, à des degrés divers, d'un complexe de légitimité de leurs écrits. Stephen King lui-même souffre de ne pas avoir intégré certains cénacles d'écrivains, s'il faut en croire l'auteur Kristine Kathryn Rusch (désolé, je n'ai pas le lien vers l'article exact où elle en parlait).

Et il est vrai que travailler avec d'autres auteurs peut vous aider à vous améliorer, à partir du moment où les critiques sont constructives et ne visent pas à imposer un point de vue, j'allais dire un égo, sur un autre. En ce sens, les forums d'entraide entre auteurs peuvent être d'une aide infiniment précieuse. 

J'ai moi-même un jour donné des conseils d'écriture à un de mes pairs, mais je me suis aperçu en voulant le faire à fond que c'était en réalité mon point de vue que j'essayais d'imposer sur le sien. Ma manière de dire les choses. Faute de pouvoir définir une frontière nette entre ce qui relevait de ma personnalité et une correction entièrement neutre et objective, j'ai décidé de ne plus jamais recommencer l'expérience. 

Si je me méfie de moi-même en tant qu'auteur-correcteur, vous pensez bien que je me méfie de n'importe quel auteur qui pratique des corrections, qu'il le fasse de manière indépendante ou au sein d'une maison d'édition.

Et je ne parle pas que des grosses maisons d'édition. J'ai récemment appris de source sûre qu'une petite maison que je connais, mais uniquement de l'extérieur, réécrivait des chapitres entiers de livres. Peut-être les maisons qui agissent ainsi devraient-elles se mettre en relation avec des spécialistes en développement personnel. 

Encourage-t-on vraiment l'éclosion d'une vraie personnalité, d'une vraie voix en remodelant à tout bout de champ de manière autoritaire? Je ne le crois pas.

S'il est une chose essentielle si l'on veut savoir écrire, c'est de savoir lire. Mon style d'auteur, c'est au travers de mes lectures que je l'ai développé. Par agrégation ou rejet. Des choix personnels, à chaque fois. Qui reflètent l'homme que je suis.

Pour autant, je ne conseille absolument pas aux auteurs de tout faire tout seul. Une vision extérieure sur nos écrits reste indispensable, à la fois sur la forme et sur le fond. Pour des problèmes d'orthographe, de grammaire, de syntaxe, mais aussi de logique, de cohérence, de rythme, de prévisibilité de l'intrigue. De bon sens.

Il existe de nombreux paramètres qui sont objectifs et qui vont nous permettre d'améliorer notre prose.

Ma méthode pour tout ce qui est intrigue et développement de fond d'une histoire consiste à la soumettre à un ou plusieurs lecteur(s) de bon sens, mais pas à un auteur. Il faut bien évidemment connaître la ou les personnes, et la notion de confiance est ici fondamentale.

Pour les problèmes de forme, un logiciel comme Antidote est un outil précieux, à condition d'en identifier les limitations. Cela ne dispense pas de faire appel à un professionnel, mais là encore, attention, car la forme est souvent indissociable du fond. 

Si par exemple, à cause d'un problème de syntaxe, la personne qui vous corrige vous suggère une nouvelle phrase, rien n'empêche de faire une ou plusieurs contre-propositions, sous forme de commentaires en renvoyant le texte.

Si vous faites comme moi une traduction de votre propre livre, vous pouvez même prendre les devants en proposant plusieurs expressions et tournures possibles sous la forme de commentaires, afin d'être certain que le sens que vous souhaitez sera présent au final.

C'est l'un des plus grands avantages de l'autoédition: c'est vous qui de toute façon aurez le dernier mot. Et dites-vous bien une chose, c'est que l'écriture ne sera jamais une science aussi exacte que les mathématiques. 

C'est bien plus organique que cela. Et c'est tant mieux.