dimanche 30 août 2015

Createspace: à quand une présence au Canada ?

Au moment où un livre pour enfants imprimé à la demande par Createspace se hisse à la première place des classements Amazon Etats-Unis et Barnes & Noble, ce qui laisserait à penser que les tirages papier des éditeurs sont en forte baisse, j'ai été contacté par une auteur Canadienne qui déplore à juste raison l'absence de Createspace au Canada. Cette absence nous est aussi préjudiciable, à nous autres auteurs Français. 

Voici le témoignage de Caroline Plouffe, l'auteur Canadienne indépendante dont je parlais: 

"J’ai dernièrement publié une pétition bilingue sur Change.org afin que les indés canadiens aient aussi droit aux services de Createspace pour pouvoir vendre leurs livres papier sur Amazon. Pour le moment, la seule option disponible est le Extended Distribution Channel afin de pouvoir vendre sur les Amazon des États-Unis, du Royaume-Uni et de l’Europe, et ce, avec des redevances beaucoup moins élevées, soit la moitié du montant habituel. Malgré le message standard de Createspace indiquant que les livres pourraient également se retrouver sur Amazon.ca, ce n’est pas le cas dans la réalité.

Les auteurs Canadiens ne seraient pas les seuls à être avantagés avec un Createspace.ca, mais également les auteurs de l’Europe puisque, pour le moment, eux aussi doivent utiliser le Extended Distribution Channel pour vendre au Canada, au lieu d’avoir droit à totalité de leurs redevances.

Au Canada, le marché du livre papier est encore (malheureusement) très fort. Les gens sont encore obsédés par l’odeur du papier et sa texture et ne peuvent concevoir de lire avec une liseuse. Pas tout le monde, heureusement, mais une bonne partie de la population. Je dois donc faire affaire avec un imprimeur indépendant, puisque je ne vends presque pas en format numérique. 

Voici quelques chiffres afin de vous donner une idée. Veuillez noter que j’ai fait plusieurs soumissions et c’est encore mon imprimeur actuel qui est le plus bas soumissionnaire. Avec une commande d’au moins vingt-cinq livres, mon prix de base est de 8 $ CAN (5,40 €). Je dois ensuite compter les frais de port au Canada (environ 5$, soit 3.7 €) et m’occuper moi-même de l’empaquetage et de la livraison (ce qui inclut l’achat des enveloppes capitonnées). 

Il m’est donc impossible de vendre ce même livre à un montant plus élevé que 12 $ (8,10 €) puisque je dois facturer la livraison et assumer les frais de paiement si c’est par PayPal. Vous me direz que 25 % à 33 % de gain n’est pas trop mal. Le marché reste toutefois plutôt restreint puisque je dois entrer en contact direct avec l’acheteur, aucun achat spontané n’est possible. Une fois mes stocks épuisés (car avec plus de vingt-cinq copies, je risque fort de voir mes livres prendre la poussière dans un coin avec aucune certitude de les vendre), je dois rediriger le lecteur vers l’imprimeur, qui a heureusement une librairie en ligne, mais qui facture 10 $ (6,75 €) de frais d’expédition en plus des frais de cartes de crédit. Je dois donc baisser mes redevances à 6 % pour un livre de 15 $ (10,12 €). 

J’ai fait une soumission de base sur Createspace.com afin de voir quels pourraient en être les chiffres : si je vends ce même livre sur Amazon à l’aide de Createspace à un montant de seulement 8 €, j’obtiendrais environ 3 €, soit près de 38 % de redevance, sans me soucier de l’expédition et en pouvant atteindre un plus grand public. Soyons toutefois logique : je vendrais probablement ce livre aux alentours de 10 € avec des redevances de 40 %. 

Plusieurs personnes m’ont parlé de lulu.com, mais les redevances sont minimes pour les ventes Amazon, pratiquement nulles même. J’ai regardé les chiffres et je ne vois pour le moment aucun avantage à faire le saut vers cette organisation.

Je dois avouer que, bien que ma pétition s’adresse principalement aux auteurs et lecteurs canadiens, je compte beaucoup sur mes cousins de l’autre côté de l’Atlantique pour m’aider à changer les choses. Je n’ai malheureusement pas eu un accueil très chaleureux de la part de mes homologues québécois… il a même été d’un froid digne de nos légendaires hivers. Je préfère garder pour moi l’explication à ce sujet ne désirant pas me faire plus d’ennemis que j’en ai déjà. Disons que « l’Anglais » (en tant que personne) n’est pas bien vu dans la province et que le géant Amazon est perçu comme un gros méchant menaçant l’économie canadienne tout entière. Vaut mieux rester petit… c’est plus sécurisant.

Je saisis l’occasion pour remercier mes amis auteurs de la France qui m’ont encouragé et supporté dans ma démarche (ils se reconnaitront). Sans eux, je serais comme un bateau sans phare perdu au large d’une contrée inconnue."

Je remercie Caroline Plouffe pour son témoignage. 

Sans même parler des redevances d'auteur, j'avais déjà signalé que la distribution étendue avec Createspace engendrait une perte de contrôle par rapport aux revendeurs assez inquiétante pour les auteurs.

J'ai tout de même laissé mon livre The Breath of Aoles en anglais en distribution étendue. En revanche, j'ai laissé la version française, Le Souffle d'Aoles, uniquement sur Createspace. 

La différence est édifiante entre le prix de la version papier de langue anglaise vendue sur Amazon.ca,  22,72 CDN$, et la version papier en langue française vendue sur le même Amazon.ca, 70,03 CDN$. 

La première somme correspond à environ 14€, quand la deuxième somme correspond à plus de 47 €!

Je conseille donc aux auteurs indépendants de langue française de se joindre à cette pétition de Caroline Plouffe, mais aussi pourquoi pas aux lecteurs. Plus les auteurs et lecteurs seront nombreux à signer, plus il y aura de chances que Createspace et Amazon comprennent qu'il peut y avoir un marché pour eux, et que tout le monde serait gagnant à ce que Createspace soit aussi présent au Canada. 

mercredi 26 août 2015

How to Help your Editor

For independant authors like us, it is important to help each other, but also to help the person who gives the more help when editing and improving your book: your editor.

It is difficult for an author to pay for editing services: most authors don't sell many books. It is even tougher to find a good editor, and an affordable one.

I have been blessed with both, and when it was time to help Dawn Lewis (it's her name) in getting her editing services noticed, I decided to write a reference letter. Here it is: 

Working with Dawn on my Ardalia trilogy was both a great pleasure and a tremendous help for my books. She is fast, very responsive and was really able to enter into my Fantasy world.

I had been almost "burned" by other editors, and she saved my books. It was the first time I had the feeling of being really listened to. It was a great collaborative process in which we devised the best way to work together.

She has an eye for spotting the spelling mistakes and typos. One thing very important for me is that she didn't denature my work: with another editor, I had the feeling that my book was not so much mine, because of too much rewriting. It was damaging to my self-confidence, constantly questioning my writing style .

With Dawn, it was all to the contrary. With each correction, I had the feeling the book was strengthened . She had a better understanding of my work and what I was trying to achieve than any other editor .
My primary target was the north American market, and she edited the book for this specific target.  
 When her work was finished on the first book, The Breath of Aoles, the book was vetted by the Awesome Indies website, and the reviews became glowing ones.

In one phrase , I couldn't recommend her enough!

Alan Spade
Dawn's website

If you want to check her work on the first of my book, The Breath of Aoles, it is currently free on Amazon, Barnes & Noble, Apple and Kobo. Give it a try, and see by yourself!  

Link on Awesome Indies

samedi 22 août 2015

How Amazon has us ensnared in our own trap

Some thoughts by an indie author about Amazon Kindle Unlimited (KU), the subscription service of Amazon.

A simple question for the authors who have opted in KDP Select, making their book eligible to Kindle Unlimited subscribers : do you know what will be the page rate in KU for August?

I bet you don't. Because nobody does. It depends on a variety of factors (number of page reads, number of titles and authors, amount Amazon is willing to pour).

With KU, the rule will change from month to month. That's what I call obfuscation. You can't be sure of anything from month to month.

The normal system of sales is clear. It still exists. But it is no longer the dominant one, as the testimonies of the authors who are on KDP Select establishes: provided they were already selling some ebooks on Amazon, they get more borrows than sales.

This trend will only increase, because we all know that the heavy readers who have subscribed in KU borrow more ebooks in a month than the other people who are limited by price and are not heavy readers.

Self-published authors have a common interest. We all need that Amazon's competition thrive in order to put our ebooks there. Being dependant on one retailer alone is absurd and dangerous, even if I have to acknowledge that it's more simple for the authors.

But the easiest way is not always the better way.

I name "borrowing system" a system where the authors (and books) visibility is based mostly on borrows rather than on sales. Imagine Amazon's KDP is a train. The locomotive of this train, what drives sales, is now borrows.

Not exclusively, because you can get sales because of books you put for free (you put number 1 free and you have a sale on number 2 when enough people download the first one, provided they like it).

You can also get sales by advertising, of course. 

But still. Imagine you are an author. You have the choice of being paid (not much) for an ebook that will deliver a visibility far greater than the visibility of a free book, because that ebook available in KU is listed under the paid tab.

The paid tab on Amazon gives you better credibility than the free tab. For authors who are savvy marketers, that's a no brainer: each time your ebook is borrowed on KU, your ranking improves, and the authors who sell had much more borrows than sales in July. It's natural: you borrow more when you just have to pay $9.99 a month.

This greater visibility of the ebooks borrowed add up for all the authors who go exclusive with Amazon. That means that the ebooks that will increasingly be ranked in the top will be KU ones. But the payment for these ebooks is lesser than with the classic system (something like $1.12 for an ebook of 200 pages). 

And it will probably decrease, because KU, as it is, is not sustainable by itself.

So, yes, the indie authors become increasingly competitive, and the traditionally published ebooks will suffer a lot more. But the amount sacrificed by the authors will be staggering.

And of course, these ebooks that will increasingly get to the top are KU ones, so the indie authors not participating in KU are screwed big time.
Amazon's interest diverge from authors, because Amazon has us ensnared into our own trap. We indie authors used to compete with trad pub with cheaper prices. But now, Amazon makes KU authors competing with non KU authors with cheaper prices, and by accelerating the race to the bottom, Amazon makes its store increasingly attractive to the heavy readers.

So, it's good for Amazon because these readers will also spend their money elsewhere on Amazon.

That's the big problem in dealing with the everything store: Amazon uses the indie authors' ebooks as loss leaders.

Amazon loses money with KU, but Amazon makes it back elsewhere, whereas the authors will be more and more fighting for crumbs, and not for real money.

And Amazon has done all that by inventing this "borrowing system", a system where ranking is mostly driven by borrows.

In a real economy, ranking should be driven by sales. Amazon has instituted a fake economy. This is already detrimental for a lot of authors, and it will be increasingly detrimental, even for KU authors.

mercredi 19 août 2015

Vous avez dit bizarre?

Comme c'est bizarre. J'ai cru halluciner ces trois derniers jours en observant l'évolution du nombre d'auteurs ayant opté pour Kindle Unlimited (KU), et de livres présents dans KU au niveau mondial. 

Pourquoi le nombre de livres enrôlés sur Kindle Unlimited est-il intéressant au niveau mondial? Parce que la cagnotte Kindle Unlimited est une cagnotte mondiale, et plus les auteurs y sont nombreux, au plus la compétition des titres qui arrivent à obtenir des lecteurs et des prêts, des pages lues, s'intensifie. 

Cela joue donc sur les tarifs que reçoivent les auteurs enrôlés chaque mois. Personnellement, je n'ai pas opté pour Kindle Unlimited en raison des clauses d'exclusivité, mais je suis curieux de savoir si ce service a véritablement un avenir, parce que cela conditionne énormément de choses pour la concurrence.

Or récemment, l'auteur Joe Konrath témoignait dans un article sur son blog avoir doublé ses revenus liés aux prêts Kindle Unlimited en un mois, depuis la nouvelle formule. 

Un article donc très favorable à Kindle Unlimited. 

Dans les commentaires de l'article, je disais (à 6:12 PM, heure américaine): 

One thing that will be interesting to watch in the following months will be the Kindle Unlimited Eligible category on Amazon. For the moment, it's 975,049 titles

Je parlais donc de 975 049 titres différents, qui était le chiffre que j'avais lu à approximativement 6:10 PM, heure américaine. 

J'estimais dans ce même commentaire que le nombre de titres Kindle Unlimited allait exploser dans les jours et mois à venir, parce que je pensais la nouvelle formule plus populaire auprès des auteurs. 

Or, le lendemain, moins de 24 heures après, à 7:11 AM heure américaine, curieux de savoir l'évolution, je m'aperçois que le chiffre de la catégorie mondiale sur Amazon.com "Kindle Unlimited Eligible" est passé à 972 785, soit 2264 livres de moins, en 24h! Apparemment, les auteurs se désinscrivaient en masse de Kindle Unlimited.

Yesterday, the figure was 975,049 titles in KU. One day later (less than 24 hours), it is 972,785. That's 2264 less.
Maybe I've been wrong. In this case, I've never been so happy to be wrong. (Though I know it's far too early to establish a trend).


Et devinez ce qui s'est passé quelques heures à peine après, à 2.08 PM, heure américaine: je m'aperçois que ce même chiffre est passé à un peu plus d'un million cinquante trois mille titres, soit 77 982 de plus. En quelques heures!

I'm totally confused and scratching my head. The figure on Amazon.com is now 1,053,031 titles on KU. 77,982 more than when I looked last time! It doesn't make any sense to me.

Aujourd'hui, je suis retourné sur le site d'Amazon, et les choses semblent revenues à la normale, avec 976 385 titres. 

Mais pourquoi un tel jeu de yoyo? La seule explication que j'ai va vous donner va vous paraître ahurissante, mais je pense que le blog de Joe Konrath est suivi par du personnel de haut niveau d'Amazon. 

Je pense que l'article de Joe sur la nouvelle version de Kindle Unlimited avait un intérêt stratégique évident pour les gens d'Amazon. 

Et je pense qu'un commentaire montrant que les auteurs, au contraire de ce que disait l'article, se désengageaient par centaines n'était pas le bon message au bon moment. 

Je crois donc qu'il y a eu intervention, que cette intervention a été ponctuelle, puis de nouveau rectifiée un peu plus tard, quand les gens d'Amazon se sont rendus compte que près de 80 000 auteurs qui optent pour Kindle Unlimited en seulement quelques heures, cela faisait beaucoup. 

Les chiffres d'Amazon ont une bonne réputation de fiabilité chez les auteurs indépendants, et je ne pense pas que le présent article remette réellement en cause cela. Néanmoins, quand il s'agit d'un sujet aussi sensible que Kindle Unlimited, il me semble avoir assisté à une réaction épidermique. 

Bien sûr, je peux me tromper. Il est possible que le blog de Joe Konrath ne soit pas assez influent pour donner lieu à une réaction d'Amazon par rapport à un simple commentaire d'un inconnu comme moi. Mais je crois aussi que les gens d'Amazon essaient de ne négliger aucun détail.

[EDIT 03/09/2014] Il faut savoir reconnaître ses erreurs, et il apparaît que j'ai regardé deux catégories différentes de Kindle Unlimited, une catégorie où ne figurent que les auteurs indépendants (celle en dessous d'un million de titres), et une autre où se trouvent aussi les éditeurs, qui représentent donc environ cinquante mille titres.

Reste tout de même une observation: à catégories strictement comparables, la catégorie générale française et l'américaine, il y a environ 20 000 titres de différence.

lundi 17 août 2015

Vers un portail des auteurs indépendants ?

En me mettant à la place d'un site de ventes d'ebooks sur Internet, et en supposant que les responsables du site cherchent à élargir leur catalogue d'ebooks d'auteurs indépendants, je me suis demandé comment ce site s'y prendrait. De nombreux auteurs censés être indépendants ne le sont en effet plus vraiment, puisque ayant la totalité de leur catalogue en exclusivité sur Amazon. Les responsables du site de ventes d'ebooks pourraient certes aller consulter Smashwords ou Kobobooks, mais comment être sûr de ne pas être envoyé sur les roses dès le premier contact avec l'auteur? M'est alors venue l'idée d'un portail d'auteurs vraiment indépendants, qui rendrait ce contact plus facile.

On pourrait me reprocher de vouloir monter les auteurs les uns contre les autres avec cette idée d'auteurs "vraiment" indépendants.  Malheureusement, Amazon l'a déjà fait.

En truquant son système de classement pour rendre les ebooks exclusifs à Amazon plus visibles que les autres, le site de Jeff Bezos permet à ces auteurs exclusifs, qui sont déjà presque des auteurs maison, de passer devant sur les différentes listes de bestsellers. 

En effet, devenir exclusif à Amazon, c'est aussi enrôler son ebook dans Kindle Unlimited. Une fois l'ebook dans Kindle Unlimited, chaque téléchargement dans le cadre de cet abonnement de 9,99 € par mois compte dans les listes de bestsellers comme une vente, même si l'ebook n'est pas lu. 

D'où le regain de visibilité. Qui ne se fait pas en l'occurrence forcément parce que le livre est meilleur, mais parce que l'auteur a refusé de le rendre accessible aux autres sites. 

Evidemment, il n'y a rien d'automatique. On peut très bien être sur Kindle Unlimited et rester invisible, sans aucun téléchargement. Amazon joue sur le fait qu'une partie non négligeable d'auteurs développe des talents marketing et promotionnels, qui sont de toute façon indispensables dès lors que l'on veut s'autoéditer un peu sérieusement. 

On pourrait estimer que Kindle Unlimited est une stratégie marketing comme une autre pour les auteurs, mais à partir du moment où cette stratégie induit une distorsion de concurrence majeure (1 million d'ebooks exclusifs à Amazon, comme déjà évoqué dans mes autres posts, contre 400 000 pour Kobo au niveau mondial), il y a selon moi un très gros risque. 

Le risque que de plus en plus d'auteurs amènent leurs lecteurs sur Amazon, privant les autres sites de ces mêmes lecteurs, et le risque, donc, à terme, pour les auteurs, de ne plus être indépendants du tout, c'est à dire de dépendre d'une seule source pour leurs revenus ebook. Ce qui est évidemment très dangereux, comme nous l'a appris l'expérience de l'édition traditionnelle. 

N'oublions pas que Kindle Unlimited (KU) est un système de souscription artificiellement financé, qui subventionne pour l'instant les auteurs bien au-delà de la réalité économique de l'argent rapporté par les quelques 1,1 million de personnes inscrites dans KU au niveau mondial. 

Je suis en effet persuadé que le fonds mondial est bien plus important que les 10 millions d'euros annoncés, et il faut aussi tenir compte des frais de fonctionnement du système de souscriptions. 

Cela explique pourquoi Kobo n'a pas lancé son système de souscription, et pourquoi Scribd a connu des déboires: les auteurs devraient être payés beaucoup, beaucoup moins que 0,00529 € la page (le tarif actuel) pour que le système soit rentable, compte tenu du nombre d'inscrits et de pages lues chaque mois.

Mais revenons à nos moutons. En tant qu'auteur indépendant, j'ai déjà été contacté par des plates-formes de vente. Youboox, par exemple, justement un système de souscription. Chapitre.com.

Je n'ai pas donné suite pour Youboox parce que je ne suis pas intéressé par un site qui ne travaille qu'à l'abonnement. L'abonnement constitue une bonne affaire pour les lecteurs, et donne de la visibilité aux auteurs, mais seul un système permettant à la fois l'abonnement et la vente directe, comme le fait Amazon, peut permettre une rémunération décente pour l'auteur.

Je renvoie ici à mon article sur la lecture équitable

J'ai arrêté de travailler avec le portail ebook de Chapitre.com, parce que l'idée de devoir envoyer moi-même des factures à chaque vente d'ebook mensuelle me paraissait extravagante par rapport à ce que proposent les plates-formes Kindle, Kobo, Apple et Google. Donc tous les concurrents majeurs. 

On voit donc que ce n'est pas parce que des auteurs seraient présents sur ce portail d'auteurs indépendants qu'ils seraient prêts à travailler avec des sites dans n'importe quelles conditions. Nos partenaires ont des critères de qualité sur les ebooks qu'ils souhaitent voir publiés sur leurs plates-formes? Nous avons des critères de qualité se rapportant aux conditions de publication, de rémunération, de transparence des ventes, et de facilité globale d'usage du site de publication.

Je pense que ce portail indépendant, s'il est mis un jour en place, devrait permettre aux auteurs de poster eux-même les informations sur leur livre, à l'instar de Smashwords. 

Il comporterait des informations propres à ce site:

- chez quels revendeurs est déjà proposé l'ebook (liens inclus)
- comment contacter l'auteur? (formulaire de contact présent dans le site)
- préférences de paiement: système automatisé ou envoi de factures par l'auteur
- DRM (verrou numérique)? Oui/non
- l'auteur accepte-t-il de travailler avec un distributeur numérique de type Immatériel? 
- l'auteur accepte-t-il de travailler avec un service d'abonnement de type Youboox?

Vous me direz, Smashwords remplit déjà pas mal de ces fonctions, puisqu'il référence de nombreux canaux de distribution, et joue le rôle de distributeur numérique. 

Mais justement, les auteurs indépendants n'ont pas forcément envie (et c'est d'ailleurs mon cas) de fonctionner avec un distributeur numérique. Nous préférons parfois le rapport direct avec chaque revendeur, pour des raisons de contrôle sur le contenu, de transparence des ventes et des délais de règlement. 

En plus de cela, Smashwords reste anglophone, et n'est pas forcément adapté ici en France.

Je suis persuadé qu'il faut un contrepoids, aussi modeste soit-il, à ces conditions d'exclusivité d'Amazon. En ce sens, un site permettant une visibilité aux auteurs réellement indépendants (avec au moins 90% de leur catalogue multi-plates-formes) me paraît indispensable. 

Evidemment, la question du nombre de ventes par plates-formes se pose aussi. Pourquoi faire la démarche de mettre son ebook sur une plate-forme, si celle-ci ne génère aucune vente?  Je reconnais par exemple avoir retiré mes ebooks de Youscribe parce que les ventes n'y étaient pas au rendez-vous.

Je n'ai évidemment ni l'expertise technique, ni le temps pour créer un tel portail d'auteurs indépendants. Je n'ai pas fait d'étude de marché pour savoir si un tel site pourrait réellement correspondre à un besoin de la part de sites de revendeurs d'ebooks, qui chercheraient à référencer des ebooks non exclusifs à Amazon. 

Le cherchent-ils vraiment, d'ailleurs?

Si un tel besoin devait se faire sentir, et si suffisamment d'auteurs voulaient se joindre à moi pour financer ce site, je serais prêt à mettre la main au porte-monnaie. Ou peut-être pourrait-on imaginer un partenariat avec un site d'auteurs tels qu'Iggybook.

Cela fait tout de même deux gros "si", mais l'idée est lancée.


N'hésitez pas pas à laisser vos idées en commentaire, ou encore à y référencer des sites d'auteurs indépendants que vous connaîtriez.

lundi 3 août 2015

Kindle Unlimited est-il viable par lui-même ?

La question de savoir si le service Kindle Unlimited (KU) d'Amazon est viable par lui-même pour Amazon pourrait sembler anecdotique pour nous autres auteurs. Après tout, du moment que des auteurs indépendants peuvent en tirer profit, ils n'ont pas forcément envie de se poser la question. Et pourtant... Si KU ne rapporte pas assez par le produit de ses abonnements, c'est qu'Amazon doit y injecter de l'argent. Ce qui signifie que tous les auteurs KU deviennent de facto des auteurs subventionnés. Or, un robinet à subvention, cela peut se fermer à tout moment. On peut le faire de manière brutale, en coupant le service, ou plus subtile, en modifiant les règles. Et s'il y a une chose dont on peut être sûr, c'est que les règles de Kindle Unlimited changeront de nouveau. 

L'abonnement à Kindle Unlimited revient à 9,99€ (ou $, selon les pays) par mois. Or, Amazon a annoncé pour juillet 2015 un fond mondial de 10 millions d'euros. Est-ce que cela signifie qu'il existe dans le monde 1 million de personnes ayant souscrit à KU? J'en doute. 

Mais même si c'était le cas. Combien en moyenne une personne inscrite à KU télécharge-t-elle d'ebooks en un mois? Combien lit-elle de pages? Deux questions fondamentales, pour lesquelles nous n'aurons pas les réponses, Amazon étant très secret sur ses chiffres. 

Ce que nous connaissons, c'est la tarification de Kindle Unlimited. Une lecture rapide des tarifications en suivant ce lien amène à penser que pour un livre de 200 pages emprunté et lu dans sa totalité par une personne, l'auteur touche 20€. Presque trop beau pour être vrai, sauf qu'évidemment, rares sont les livres à être lus en totalité.

Donc, admettons qu'il y ait 1 million d'inscrits sur Kindle Unlimited dans le monde et que ces personnes, plutôt que de télécharger des ebooks de manière illimitée comme le prévoit le service, se consacrent à la lecture de votre ebook de 200 pages. 

Bravo, vous venez de gagner 20 millions d'euros! Avec un seul ebook! Sauf que le fond mondial est de... euh, 10 millions d'euros. 

On voit bien que mathématiquement, il y a quelque chose qui cloche. Le site de tarification évoque, pour un livre de 200 pages emprunté et lu dans sa totalité 100 fois, la formule suivante: "10 millions € multipliés par 20 000 pages attribuées à cet auteur, le tout divisé par les 100 000 000 pages au total". 

Il faut donc qu'il y ait eu 100 millions de pages lues au total sur Kindle en un mois pour obtenir ce tarif. Pas davantage. Cependant, les spécialistes s'accordent à penser que le chiffre total de pages lues en un mois sur Kindle serait plutôt de 1 milliard 666 millions. 

Là, il faut refaire le calcul, et cela revient à 0,006 € la page, soit 1,20 € le livre de 200 pages. A vérifier avec les paiements à venir.

On s'aperçoit donc qu'il y a une forme de partage fait avec ce pot commun de 10 millions d'euros. 

On peut aisément conjecturer, si KU connaît du succès (ce qui est le cas) et qu'Amazon souhaite continuer à payer suffisamment les auteurs pour chaque ebook emprunté, de manière à ce que les auteurs ne quittent pas ce service, qu'Amazon mette davantage d'argent sur la table.

Parce que plus le nombre de pages lues augmentera, plus la paie pour les auteurs diminuera.

Mais cet argent sera-t-il couvert par le produit des inscriptions au service? L'est-il, d'ores et déjà? On peut fortement en douter, surtout lorsque l'on sait que la plate-forme concurrente, Scribd, a dû bannir 200 000 ebooks de son catalogue, car les lecteurs de ces ebooks, de la romance, avaient tendance à trop télécharger, ce qui remettait en cause son modèle économique. 

J'évalue personnellement à 99% de chances le fait que Kindle Unlimited, en lui-même, soit déficitaire, et qu'Amazon y injecte de l'argent venu d'autres bénéfices. 

Pourquoi Amazon irait-il injecter de l'argent dans un service déficitaire? Tout simplement parce que les ebooks peuvent être un moyen d'attirer sur le site des clients qui y achèteront autre chose que des ebooks. C'est aussi très bon pour l'image et la réputation de générosité du site auprès de ses clients. 

Cela donne de surcroît un avantage de compétitivité énorme à Amazon par rapport à ses concurrents sur l'ebook, et ce d'autant plus que les ebooks Kindle Unlimited, sauf rares exceptions comme la série des Harry Potter (oui, Harry Potter est dans KU), sont exclusifs à Amazon, en raison des règles propres à KDP Select (KDP Select permettant à un ebook d'auteur indépendant d'être enrôlé dans Kindle Unlimited). 

Un million d'ebooks exclusifs à Amazon! Sacré avantage de compétitivité, tout de même...  

Certains auteurs, sur la planète Internet, se demandent de manière romantique si à l'instar de Robin des Bois, Amazon ne reverserait pas dans Kindle Unlimited sa marge de 30% sur les ebooks vendus par les gros éditeurs. L'ironie de la chose aurait de quoi faire sourire n'importe quel auteur indépendant.

Il n'empêche que cet argent reversé s'assimile à de la subvention. Quand un pays européen subventionne certains secteurs de son économie, les autres pays européens sont en droit de protester qu'il y a une distorsion de concurrence, et qu'ils ne peuvent plus lutter à armes égales. 

Dans le domaine de l'ebook, Amazon règne aux Etats-Unis de manière si écrasante sur le marché que l'on peut commencer à parler de monopole. En subventionnant massivement les auteurs indépendants qui rejoignent Kindle Unlimited, il me paraît évident qu'il va mettre très rapidement en danger, ou sous l'éteignoir, les concurrents que sont Kobo, Apple et Google. 

Regardons les choses en face: Kobo, avec ses 400 000 ebooks en tout (contre un million d'exclusifs à Amazon, et trois millions en tout, rappelons-le), n'a pas les moyens de lutter contre Amazon. Apple et Google ont les moyens financiers, mais ils sont trop en retard. 

Apple s'intéresse avant tout à la musique (pour rappel, Steve Jobs ne croyait pas en l'avenir de la lecture) et Google n'a pas forcément envie d'investir un milliard de dollars pour concevoir sa propre liseuse numérique (ce qui me paraît indispensable pour lutter contre Amazon) liée à un site qui tienne vraiment le choc. 

En plus de cela, le streaming, dans les domaines de la télévision (Netflix) ou de la musique, a le vent en poupe, avec des résultats en nette hausse. Les services de souscription (streaming) Spotify et Pandora ont ainsi connu une hausse de 46% en 2014, contrairement aux ventes de MP3 chez Apple, en baisse de 13%.

Cela fait proclamer à des auteurs comme Joe Konrath que la lecture en streaming est l'avenir de l'ebook. 

Et Amazon, bien sûr, de surfer sur la vague dont ses concurrents ne peuvent profiter, par manque de moyens financier. 

En réalité, le modèle de souscription est désastreux pour les auteurs. Je l'avais classé juste un degré au-dessus du piratage dans mon article sur la lecture équitable

Je pourrais malgré cela l'utiliser ponctuellement s'il n'y avait pas de condition d'exclusivité: en effet, en tant qu'auteur indépendant, je n'hésite pas à mettre des ebooks entiers gratuits de manière permanente afin d'améliorer la visibilité de mes livres. 

La visibilité se paie.

Sans exclusivité, un système de souscription pourrait être un système de remplacement idéal pour les ebooks en permafree (gratuité permanente), mais je ne l'utiliserais que pour la visibilité: en aucune façon, je ne compterais faire de l'argent avec des ebooks en souscription. C'est d'ailleurs ce que font les artistes de la musique avec Deezer et autres. Ils l'utilisent pour être mieux connus et remplir les salles au moment des concerts. 

Le fait que pour l'instant, KU soit en fait souvent rentable pour les auteurs qui y sont, et permette une meilleure visibilité (à chaque emprunt, votre ebook monte en classement, même s'il n'est pas lu) n'est à mon avis que provisoire et fortement artificiel. 

En tant qu'auteur indépendant, je n'ai pas envie de baser mon modèle économique sur un effet d'aubaine. Je n'ai pas envie d'être subventionné pour mon travail. A bâtir sur des sables mouvants, ce n'est pas le ciel, mais mon propre toit qui me retomberait sur la tête.

[EDIT 16 août 2015] : Le prix de la page Kindle Unlimited est de 0,00529 euros. Cela signifie qu'un roman de 200 pages rapporte à l'auteur KU 1,05 euros, et un roman de 400 pages, 2,11 euros. Mais ce n'est pas gravé dans le marbre, et je fais le pari que la rémunération sera à la baisse dans les mois à venir.