vendredi 23 septembre 2022

Gouvernement mondial

Beau discours de Mitterrand en 1992, à l'occasion du traité de Maastricht. J'apprécie tout particulièrement le passage ci-dessous. Mais en même temps, je trouve qu'il faut aller plus loin, tout en reconnaissant que les obstacles sont immenses.   

« Allons-nous fabriquer, construire une Europe pour la guerre, au bénéfice du futur vainqueur (mais lequel?), ou pour la paix? Il arrive un moment où l’on se lasse des guerres, où l’on se lasse aussi des paroles toutes faites. D’une génération à l’autre, nous avons appris que la France avait des ennemis héréditaires; mais ce n’étaient pas les mêmes! La France a compté comme ennemis héréditaires à peu près tout le monde en Europe. Le temps de l’Angleterre est bien connu, mais celui de l’Espagne pas si lointain; et l’Empire austro-hongrois, la Prusse, l’Union Soviétique et l’Allemagne, disons le Reich, cela fait beaucoup d’ennemis héréditaires, et même un peu trop si l’on veut pouvoir s’y reconnaître. Je me souviens d’avoir fait le compte: en vérité, il n’y a qu’un seul pays en Europe avec lequel nous n’ayons jamais fait la guerre. Le seul pays avec lequel nous n’avons jamais été en guerre – c’est l’occasion de le rappeler, et on ne va pas la faire –, c’est le Danemark!

Bref, la France a été la plupart du temps un voisin incommode. On ne devrait pas le dire, eh bien moi, je m’autorise à le dire: un voisin incommode. Mais les autres aussi. »

Tiré de cet article du site Il faut sauver l'Europe, où vous pouvez retrouver l'intégralité du discours.

Dans ce discours, il apparaît en filigrane que l'Europe de Maastricht, bâtie pour la paix, reste une Europe conflictuelle en matière économique: c'est un rassemblement d'Etats dans le but de peser économiquement, de pouvoir résister aux grands blocs de l'Est, de l'Asie et des Amériques. C'est une communauté d'intérêts économiques.

On voit malheureusement de nos jours avec le conflit avec la Russie que l'économie n'est pas une île. L'économie ne peut être tout à fait dissociée des notions politiques, des notions de démocratie et de dictature ni même des notions militaires.

Le rapprochement des pays d'Europe au sein d'une même entité répond en premier lieu à des données d'emplacement géographique: des pays proches les uns des autres. Ensuite vient l'idée de ne plus se faire la guerre, corrélée aux intérêts économiques de compétitivité par rapport au reste du monde. Puis vient la culture et la religion. La condition de tout cela est que ce rapprochement d'un grand bloc qu'on appelle l'Europe se fasse sous un régime démocratique limitant la corruption.

C'est cette condition à laquelle ne répond pas la Russie post-soviétique ni vraisemblablement la Hongrie, malgré l'incongruité de sa présence dans l'Europe.

Ces grands blocs économiques sont souvent critiqués pour leur aspect technocratique, et ont quelque chose d'artificiel. Ce qui n'a rien d'artificiel, en revanche, c'est la différence entre pays démocratiques et autocratiques. 

Comme on le voit avec la faiblesse de l'ONU, avec son conseil de sécurité qui ne sécurise pas grand-chose, les pays autocratiques sont aujourd'hui le principal obstacle à l'établissement d'un gouvernement mondial, où des notions finalement rétrogrades de domination économique, et de concurrence de grands blocs les uns par rapport aux autres, cèderaient la place à une plus grande coopération entre les peuples, sans pour autant étouffer les différentes cultures.

Le passé a aussi ses chaînes, dont il faut pouvoir se libérer. Cela prendra sans doute beaucoup de temps, malgré le facteur accélérant que peut constituer un outil comme Internet.

dimanche 11 septembre 2022

Un boulet nommé Boeing

« Pour 2,2 milliards de dollars, t'as plus rien! » C'est ce que pourraient s'exclamer les pontes de la NASA, qui évaluent à cette somme le simple lancement du Space Launch System, la fameuse fusée SLS devant donner le coup d'envoi de la mission Artémis sur la Lune. La fusée, dont le premier étage et les moteurs sont construits par Boeing, ne cesse de subir retard sur retard, augmentant sans cesse les coûts. En faisant le choix de l'hydrogène liquide comme carburant, Boeing a pris une option de nature à faire exploser les coûts, et à ne préparer en aucun cas l'avenir. Là où son concurrent Space X, en choisissant le méthane comme carburant pour son futur Starship, mise au contraire sur la fiabilité, la réduction des coûts et l'avenir. 

Je n'ai abordé véritablement les défis du spatial, en consacrant l'article à Space X qu'une seule fois sur ce blog, en 2016. Et encore, à l'époque, j'avais privilégié l'angle de la médiatisation, qualifiant le mensonge par omission que constitue Space X dans les médias de Plus grand scandale médiatique de ces dernières années. 

Ah 2016! Que de choses se sont passées depuis! Ou, en termes plus familiers, bordel, qu'est-ce que le monde a changé en 6 ans! Nostalgie... Space X s'est mis à envoyer des astronautes sur la station spatiale internationale et à les faire revenir sur Terre. La constellation Starlink, qui n'était qu'à l'état de projet au mieux en 2016, compte maintenant plus de 3000 satellites, tous envoyés par des fusées Falcon 9 dont le premier étage s'est quasiment systématiquement reposé sur la terre ferme, ou le plus souvent sur des barges automatisées dans l'océan. Le coût de l'abonnement Starlink a été divisé par deux en France, à 50 € par mois, et il est maintenant possible de se connecter de n'importe où sur l'hexagone si l'on dispose de l'abonnement et de l'équipement approprié.

A noter que les fusées Falcon, avec leurs réacteurs Merlin, ces modèles de fiabilité, utilisent du kérosène et non de l'hydrogène liquide comme carburant. (Je ne parlerai pas ici de comburant pour limiter la complexité de l'article.)

Depuis 2016, le projet Starship a grandement avancé. Les scientifiques ont cru qu'Elon Musk était tombé sur la tête quand il a dit qu'il comptait récupérer le Starship à l'aide de bras articulés, ce qui ne s'est jamais fait dans l'histoire de la conquête spatiale. Mais en même temps, ces mêmes scientifiques spécialisés dans les technologies spatiales ont cru la même chose quand le même Musk avait parlé de faire atterrir des étages de fusées... Voire, avec Starship, une fusée entière. 

 

La leçon à en tirer? C'est peut-être en réussissant des paris impossibles qu'on fait le plus progresser la technologie. A condition toutefois que ces paris ne soient pas juste un tour de force du moment, mais qu'ils ouvrent la voie à quelque chose d'industrialisable, et donc, de nature à faire baisser drastiquement les coûts. Disruption, quand tu nous tiens...

La plupart des auteurs autoédités comme moi connaissent certains modes de pensée assez courants chez les auteurs traditionnellement édités. Le fait par exemple que parler de l'argent, c'est vulgaire, ça ne se fait pas. C'est limite salissant. Eh bien on peut se demander si chez les scientifiques spécialisés dans le spatial, on n'a pas la même dérive, en fait. 

Après tout, le spatial étant financé par la manne de l'argent public, il n'y a pas à se préoccuper d'argent, n'est-ce pas? Le rêve avant tout. Dépensons sans compter l'argent du contribuable!

Sauf que le Congrès américain, en son temps, n'a pas hésité à couper les vivres à la navette spatiale, non seulement pour des raisons de fiabilité, mais surtout pour des raisons de coût. Ce qui a entraîné la dépendance envers la technologie russe, à une certaine période, pour l'accès à la Station spatiale internationale. Eh oui, les reality checks, des fois, ça fait mal...

Revenons donc à cette histoire de carburant. L'hydrogène liquide est l'un des éléments de l'univers qu'il est le plus difficile d'isoler et de maîtriser, il ne faut donc pas s'étonner que d'énormes quantités d'hydrogène liquide utilisés comme carburant par Boeing dans la fusée SLS provoquent des fuites à répétition... ces mêmes fuites qui, si elles atteignent un certain seuil, vont provoquer des explosions. L'hydrogène liquide, qui semble à la base avoir des coûts raisonnables, dans le cadre du spatial, induit donc des coûts cachés qui sont redoutables. Et d'autant plus pour des fusées très puissantes, qui doivent se mettre en orbite autour de la lune, et qui vont donc en utiliser beaucoup plus que pour le simple envoi de satellites. Plus vous en utilisez, moins c'est maîtrisable.

Le méthane ne garantit pas l'absence d'explosion, comme on l'a vu avec l'un des essais sur le starship, mais s'avère beaucoup plus stable. Et dans le cadre de la conquête future de mars, le méthane est bien évidemment la solution à privilégier, puisqu'il sera possible d'en produire directement sur la planète rouge. L'atmosphère y étant principalement composée de CO2, grâce à l'installation de centrales solaires sur mars, il serait possible de mettre en œuvre le processus Sabatier en provoquant l'électrolyse du carbone mélangé à de l'eau glacée trouvée sur la planète. Ce qui produirait du méthane, sur place. 

Il existe même des méthodes expérimentales pour se passer d'hydrogène et convertir directement le CO2 de mars en méthane, grâce au zinc. 

L'autre alternative, l'envoi des quantités nécessaires de carburant sur place pour permettre à une fusée de redécoller s'avère prohibitif en coût, en énergie et en complexité.

Là où Space X va progressivement réduire le coût d'envoi et de réutilisation de ses Starships, à la condition bien sûr que la société parvienne à récupérer les fusées sans que l'atterrissage n'occasionne de dégâts sur les fusées Raptor, grâce aux bras articulés, là où la compagnie a fait le choix de la fiabilité du carburant, on voit donc que Boeing nous propose une technologie nettement plus aléatoire, et qui ne permettra de toute façon pas de faire redécoller les fusées sur mars. Qui prépare le mieux l'avenir, à votre avis? Alors même que la mission Artémis est censée préparer mars...

Oui, je sais Space X ne pourra pas directement accueillir ses Starships sur mars à l'aide de bras articulés, il y aura certainement des modèles intermédiaires de starships qui proposeront des pieds pour atterrir, ou amarsir, de manière classique. Mais qui peut le plus peut le moins. Si la technologie de rattrapage marche sur Terre, elle devrait aussi fonctionner à terme sur mars. 

Et les fusées Ariane, dans tout ça? Elles n'utilisent pas de méthane, mais du propergol solide, et je vous le donne en mille, de l'hydrogène liquide comme carburant. La fusée Ariane 6, qui sortira si tout va bien en 2023, bien que moins coûteuse en carburant, ne sera toujours pas réutilisable. Il en va de même, bien sûr, pour le Space Launch System.   

Pour reparler de Boeing, il nous reste tous à espérer que la Nasa ait blindé son contrat avec eux. En cas d'échecs répétés du SLS, la Nasa devrait être capable de réattribuer le contrat à un autre opérateur qui permettra de gagner du temps et de l'argent. 

Alors, bien sûr, le Starship n'est pas encore prêt. Starship qui présente à priori une triple évolution par rapport au Falcon 9: 

- il n'y a que deux étages

- les deux étages seront réutilisables

- le mécanisme de type Mechazilla, ou "chopsticks", ou bras articulés, permettra de récupérer le booster principal (premier étage)

Néanmoins, Space X a beaucoup progressé. Dans sa volonté de réduire drastiquement les coûts, l'entreprise n'est bien sûr pas non plus exempte d'erreur, comme en a témoigné un tir statique récent des six raptors de l'étage supérieur. Comme Space X avait rogné sur le déluge d'eau pour noyer les réacteurs, et comme la société n'avait pas été autorisée à débroussailler les environs en totalité, des broussailles ont pris feu, cela s'est propagé, et les pompiers ont dû s'employer à éteindre l'incendie. 

De quoi entraîner de nouveaux retards, mais Space X apprend de ses échecs et va vers toujours plus d'efficience au niveau de l'ingénierie. Et donc, il est très possible, presque prévisible en fait, si le SLS prend du retard sur plusieurs mois, que le Starship finisse par le rattraper et devienne, de loin, la meilleure option. En attendant, c'est avec un certain scepticisme que je vais assister à la prochaine tentative de lancement de la mission Artemis et du SLS le 23 (ou le 27) septembre. 

[EDIT 20/09/2022] : L'article de Numérama sur le sujet, qui ne m'a pas convaincu. C'est en effet dans les mois à venir que l'on saura si Space X a eu raison ou non de s'engager dans la voie du méthane. Et mon petit doigt me dit qu'ils sont sur la bonne voie...

vendredi 9 septembre 2022

Ma Kindle lit des fichiers epub !

Comme l'avait annoncé Amazon, il est désormais possible de lire les fichiers epub directement sur nos liseuses kindle. A condition, toutefois, que les fichiers en question ne soient pas protégés par verrou numérique (DRM). Inutile de racheter une nouvelle liseuse kindle: mon ancienne paperwhite de 2012 est arrivée à lire sans problème l'epub de Pandore abusée, de Peter Hamilton.

Mine de rien, c'est une révolution. Qui aurait pensé qu'Amazon abandonnerait le caractère propriétaire de son format? Pas moi, en tout cas. Je pensais que Jeff Bezos s'était calé sur le modèle Apple, et qu'Amazon resterait avec ses fichiers propriétaires sans jamais accepter de recevoir des epubs. 

Il est donc maintenant possible de s'envoyer des fichiers epub sans verrou numérique sur sa liseuse Kindle de deux manières : 

- via l'application smartphone Kindle (Android ou iOS)

- en s'envoyant le fichier sans DRM sur son adresse kindle par email, comme je l'ai fait moi-même avec Pandore abusée

Plus besoin, donc, de recourir au logiciel Calibre pour effectuer la conversion de l'epub au format compatible kindle par exemple. 

Qu'est-ce que ça change pour moi? 

En tant que lecteur, c'est plus simple bien sûr, puisque je peux acheter des ebooks sur d'autres sites qu'Amazon et me les envoyer directement sur ma liseuse, à condition bien sûr de vérifier qu'il n'y ait pas de verrou numérique. Sinon, il faut les faire sauter, ce qui reste bien sûr toujours possible avec le logiciel approprié. Vous trouverez en suivant ce lien un tutoriel pour le faire.

Autre possibilité, acheter directement l'ebook et ses DRM sur Amazon, solution qu'on privilégiera souvent par simplicité, et parce que les prix sont homogènes quel que soit le site de vente. 

En tant qu'auteur, je gagne aussi en simplicité avec mes lecteurs. Comme je leur offre l'ebook gratuit sans DRM s'ils prennent le livre papier en dédicace, je n'aurais plus besoin de leur demander quel appareil ils ont chez eux. Je pourrai leur envoyer systématiquement l'epub s'ils l'acceptent. Vive la simplification!

Vous ne connaissez pas votre adresse email kindle? Deux méthodes pour la retrouver. Soit vous allumez votre kindle, vous allez dans les paramètres, puis options de l'appareil, puis "personnalisez votre kindle", et vous tomberez sur le pavé du bas, "adresse d'email d'envoi du kindle". 

Soit vous vous rendez sur l'onglet "gérez votre contenu et vos appareils" sur le site d'Amazon. Vous cliquez ensuite sur l'onglet Préférences, puis sur le lien tout en bas, "paramètres de documents personnels". Votre adresse kindle apparaît alors. 

Bonne chance!