jeudi 7 décembre 2023

Clitoris et religion

 

L'école républicaine est censée être laïque. On n'est pas censé éviter l'enseignement de telle ou telle particularité pour ménager telle ou telle religion. Or, au collège, en biologie, un organe du corps féminin est totalement ignoré : le clitoris. L'organe du plaisir féminin. Ou s'il est mentionné, ce n'est qu'en passant. Cela pourrait être dans le but de ne pas distraire les collégiennes par rapport au travail et à la discipline que cela requiert. Mais moi, je formule ici l'hypothèse que c'est surtout pour ne pas faire de vagues par rapport à la religion, et en particulier à la religion qui décourage le plus le plaisir des femmes, l'islam. Ce qui n'est évidemment pas normal dans un pays laïque.

"Elles le découvriront bien assez tôt" diront certains. "Il y a suffisamment de sexe sur Internet sans encore en parler au collège." Ou encore, "mieux vaut ne pas les distraire avec ça, et en faire de bonnes travailleuses bien disciplinées". Certains diront aussi que ce n'est pas à l'école d'enseigner cela, qu'ils s'en chargent eux-mêmes. Mais le font-ils vraiment? Et comment? 

Comme on le voit, il y a d'autres raisons que la raison religieuse pour éviter de parler du clitoris en classe. Je pense néanmoins qu'une grande majorité de professeurs a reçu une éducation religieuse, et que le tabou du sexe, que j'évoquais dans cet autre article, joue dans la décision de ne pas aborder le sujet. 

Et il y a aussi la crainte, bien sûr, que les parents de confession musulmane ne retirent leur fille du collège sous prétexte que cet enseignement heurte leur morale. Sous-entendu, il est décadent d'évoquer ce sujet. 

Le truc, voyez-vous, c'est que le plaisir féminin, c'est important. Parce que ça dit beaucoup de notre manière de traiter les femmes dans notre société. Cet enseignement du rôle du clitoris, je le juge nécessaire non seulement pour les adolescentes, mais aussi pour les adolescents. Parce que dans un rapport librement consenti, cet organe est fondamental dans la stimulation du désir féminin, et dans ce que l'on appelle les préliminaires. Une femme insuffisamment stimulée va éprouver de la douleur lors du rapport. Pour que les choses se passent bien, il faut donc que les deux partenaires soient au courant du mode d'emploi du clitoris.

Certains professeurs pourraient craindre de se voir traiter de pédophile parce qu'ils dispensent cet enseignement. Pour moi, c'est le contraire. Un pédophile va tenter de profiter de la naïveté de l'adolescente par rapport à son corps. Une ado avertie en vaut donc deux, d'autant que ce type de cours peut justement être l'occasion de discuter de la pédophilie. Vous pensez peut-être que l'inceste est inexistant dans les familles? Ce genre de cours peut aussi aider à détecter cela. 

Il y a aussi le reproche d'introduire de la pornographie à l'école. Là encore, pour moi, c'est le contraire. Ce type de cours peut être l'occasion d'enseigner aux garçons que la fellation, s'ils la réclament à une fille sans contrepartie, équivaut à une demande de soumission. Ce sera le moment d'évoquer le symbolisme du nombre 69, qui est le nombre de la réciprocité et de l'égalité sexuelle.

Sans aller jusqu'aux travaux pratiques, ce type d'enseignement serait l'occasion de mettre nos ados, en quelque sorte, "sur les bons rails" par rapport au respect que chacun doit avoir pour son partenaire. La même empathie que l'on enseigne à la maternelle aux bambins doit être réenseignée au collège. Avoir de l'empathie au moment du rapport, c'est prendre soin du plaisir de sa partenaire, ou de son partenaire. 

Que faire si cela contrevient à l'enseignement de l'islam, et que des élèves s'y opposent? Je pense qu'il faudrait présenter ce cours comme un cours de biologie, de découverte d'une partie importante du corps féminin, et un cours d'éducation sexuelle. Dans un second temps seulement, le professeur pourrait dire qu'il autorise les personnes heurtées par le contenu du cours à sortir, mais en leur demandant d'écouter malgré tout le début pour se faire une idée

Nous vivons en république. Nous devons vivre tous ensemble en tenant compte des sensibilités des uns et des autres. Mais un enseignement le plus complet possible ne saurait en aucun cas être dicté par la peur d'aborder tel ou tel sujet. J'ajouterais que l'école n'est pas forcément là pour ne former que des futurs travailleurs et travailleuses. Elle est là aussi pour former des êtres humains avec un sens de leur responsabilité d'être humain, et avec une conscience éveillée. 

La religion elle-même devrait être un sujet d'étude, comme je l'évoquais dans un autre article, au titre qui pourrait vous paraître paradoxal par rapport à celui-ci, L'école est-elle trop laïque?  Et il y aurait beaucoup à dire sur l'idée selon laquelle le paradis, et donc la notion de plaisir intense, ne saurait exister qu'après la mort. Alors que le clitoris, n'est-ce pas, peut provoquer un plaisir divin de manière tout à fait naturelle, à condition de déculpabiliser les ados, notamment par rapport à la masturbation...

mardi 28 novembre 2023

L'Etat de Palestine

Comment est-ce que j'imagine le futur Etat de Palestine? Ma vision est évidemment celle d'un Occidental qui n'est pas un expert sur le sujet. Elle se base sur la logique, ce qui est contradictoire dans une région où règnent les passions. Mais justement, une solution viable, durable aussi bien pour les Israéliens que pour les Palestiniens ne pourra intervenir qu'en rejetant les passions. Ce qui signifie qu'il faudra aussi rejeter certaines traditions, si elles aboutissent aux passions. 

Le monde est régi par des rapports de force. Les guerres du passé nous apprennent qu'Israël est en position de force dans la région qu'elle occupe au Proche-Orient. Son étroite alliance avec les Etats-Unis y est pour beaucoup. Mais l'Histoire nous apprend aussi que la seule domination militaire est loin de pouvoir garantir la paix. Pour garantir la paix, il faut faire des compromis. 

Je ne vois pas le pays le plus puissant de la région, Israël, accepter à ses portes la création d'un Etat Palestinien doté d'une armée, si cet Etat a pour principe la destruction d'Israël. Nétanyahou a déjà commis cette erreur avec le Hamas, et je ne vois pas Israël commettre de nouveau cette erreur. C'est ce que dicte la logique.

J'irais même plus loin. Israël n'acceptera sans doute que la Palestine soit dotée d'une armée que s'il s'agit d'un Etat frère. 

Et étant donné l'influence de pays comme la Russie, l'Iran et la Syrie, la Palestine aura besoin d'une armée pour se prémunir des influences étrangères. En fait, ce sont ces influences étrangères qui empêchent la paix dans la région, allié à la volonté de colonisation d'une partie des Israéliens. Ce sont donc les deux tendances qu'il faut réprimer. 

Je vois également un troisième travers à éliminer, qui est la corruption. Il faudra que la constitution palestinienne prévoie de solides garde-fous contre la corruption .

Ce futur Etat palestinien, je le vois s'étendre de la bande de Gaza à la Cisjordanie. La constitution palestinienne devra prévoir un Etat laïc, allié avec Israël. Mais attention, la création de l'Etat palestinien devra aller de pair avec une refonte de la constitution israélienne. Israël deviendra ainsi également un Etat laïc, qui aura pour principe l'interdiction de toute colonisation des pays voisins, et en particulier la Palestine. Dans la constitution israélienne figurera le principe non seulement de paix, mais de vie en harmonie, et même d'alliance avec l'Etat palestinien. 

La constitution du futur Etat palestinien devra prévoir des garde-fous interdisant les influences étrangères à partir du moment où elles mettent en danger l'alliance avec l'Etat d'Israël. 

La grande concession de la part de l'Etat palestinien viendra des terres volées par les colons israéliens: les colons pourront y rester, à condition de prendre la nationalité palestinienne. S'ils refusent, ils devront rentrer en Israël. 

La grande concession de la part d'Israël sera que le pays perdra 200 000 citoyens, appelés à devenir Palestiniens s'ils ne rentrent pas en Israël

L'Etat palestinien sera indépendant et autonome, dans les limites de son alliance avec l'Etat d'Israël. Même chose pour Israël. 

En cas d'attaque des pays voisins, Israël se portera au secours de l'Etat de Palestine. La réciproque sera également vraie. 

Vous comprenez maintenant pourquoi je parle de rejet des traditions. La tradition des Palestiniens est la guerre et la résistance à Israël. Parfois avec une dose d'antisémitisme, il faut être clair. La tradition israélienne est la conquête de nouveaux territoires et la colonisation aux dépens des Palestiniens. Souvent avec une fausse impression de supériorité civilisationnelle, il faut le dire. Ce sont ces deux traditions qu'il faut abolir. 

La seule réponse est la laïcité, car la religion, dans des contextes de tension, est ce qui fanatise les gens. Laïcité ne veut pas dire absence de religion ni de foi dans chaque pays. Cela signifie juste que la religion ne doit plus rien avoir à faire avec le pouvoir et la guerre, que ce soit en Israël ou en Palestine. 

C'est un immense changement. Et même si l'on imagine ce changement arriver, il y aura sans doute d'autres guerres à venir, l'alliance des Israéliens et Palestiniens devant faire face à des pays arabes qui ne manqueront pas d'être hostiles dans un premier temps. C'est le double prix à payer pour parvenir à une stabilité future, voire à la paix et la prospérité dans la région. Ce que je souhaite de tout cœur.


mardi 21 novembre 2023

Gouverner, c'est aimer

Les mères de famille sont, à leur niveau, des gouvernantes. Les pères de famille sont, à leur niveau, des gouvernants. Nous faisons de la politique quand nous élevons nos enfants. Nous prenons les décisions. Nous sommes ministres de l'éducation (y compris sexuelle), de la culture, de la justice, du travail, de l'intérieur, de la défense, du sport. Nous sommes présidents. Et si nous ne pouvons pas avoir d'enfants? Nous devenons ministres de l'immigration en adoptant un ou plusieurs enfants.

Un chef d'Etat qui n'a pas eu d'enfants ne devrait pas, à mon sens, être autorisé à gouverner. Il n'a pas la maturité nécessaire. L'expérience de vie. N'est-ce pas, Macron?

Si l'on y réfléchit, on ne juge pas assez nos hommes et femmes politique selon leur vie privée. En France, nous n'avons eu que des chefs d'Etat masculins. Le seul critère appartenant à la vie privée selon lequel nous jugeons nos présidents, c'est: est-il un homme fidèle? Un certain François Hollande, qui avait une maîtresse, a ainsi vu sa popularité dégringoler durant son quinquennat.

Associer la fidélité d'un homme à sa fiabilité, c'est un bon critère. Mais si c'est le seul, ça reste simpliste. Trop limité. Que pensent les enfants de nos chefs d'Etat de leurs parents? De la manière dont ils ont été gouvernés, élevés, éduqués durant l'enfance? Voilà un vrai critère. 

Il est vrai qu'un chef d'Etat n'a pas à élever sa population. Ce serait infantilisant, abêtissant. Ce n'est pas ce qu'on leur demande. On leur demande de faire ce qu'il faut pour l'intérêt commun.

Mon avis personnel, c'est que ce sont nos enfants qui nous indiquent comment les élever au mieux. De la même manière qu'un bon conseiller emploi sait écouter son client en recherche d'emploi, parce que c'est souvent lui qui a la clé de son retour vers l'emploi, un bon parent sait écouter ses enfants. Il a de l'empathie, de la sensibilité, cette forme d'intelligence particulière qui permettra à l'enfant de donner le meilleur de lui-même sans être contraint, mais volontairement. 

L'intérêt commun, c'est le peuple qui sait en quoi il consiste. Un bon gouvernant saura le détecter en écoutant son peuple. Pas toujours, vous me direz. L'enfant refuse parfois de manger des légumes, ou de la soupe. Le peuple refuse de faire tout ce qui est nécessaire pour lutter contre le réchauffement climatique. Alors, il faut trouver des compromis. Il faut aussi mener par l'exemple, montrer l'exemple. 

Un parent va-t-il obtenir les meilleurs résultats avec son enfant s'il lui témoigne du mépris? Ou va-t-il le faire grandir en lui faisant confiance? 

Il ne s'agit pas, je le répète, pour un chef d'Etat, de materner sa population. Aimer n'est pas forcément materner. Aimer, c'est rendre plus indépendant, donner du pouvoir. Décentraliser. 

Et Science-Po, me direz-vous? Et l'ENA? Utiles pour apprendre le cadre dans lequel on gouverne, les institutions, les lois. L'essentiel est pourtant ailleurs. L'essentiel vient de la manière dont nos gouvernants se sont comportés en tant que parents. Il y a fort à parier qu'ils réagiront de la même manière en gouvernant, avec les mêmes travers et les mêmes qualités.

Un chef d'Etat prometteur pourrait être une mère qui a eu un enfant juif, un musulman, un catholique, un animiste, un agnostique et un athée, et qui les aura élevé dans l'harmonie, pour leur meilleur bénéfice, avec un souci d'équité dans la répartition de son amour. 

A ce stade, ce n'est plus une question de parti, de droite ou de gauche, d'extrême-droite ou d'extrême-gauche. C'est une question d'avoir été un bon parent.

dimanche 12 novembre 2023

L'auteur et le réalisateur

Ce n'est pas possible, pour un auteur de Science-Fiction, d'avoir autant de chance. Dans la vraie vie, ça n'existe pas. Et pourtant...

Imaginez, vous êtes auteur de Science-Fiction, avec à votre actif trois romans, des nouvelles de SF, et des articles pour Time/Life. Un jeune réalisateur non seulement génial, mais bankable auprès de Hollywood vous contacte. Il a eu tellement de succès avec son dernier long métrage qu'il est sûr de pouvoir imposer son film de SF.

C'est déjà une double chance extraordinaire d'être contacté par un réalisateur doué, mais en plus bankable. Mieux encore, le réalisateur en question n'a pas vraiment d'idée pour son film, et va accepter de s'appuyer sur l'une de vos nouvelles de SF pour le scénario. Il vous propose carrément d'écrire le roman tout en participant à l'écriture du script.

Vous vous rendez compte de la chance que ça représente, au niveau liberté créatrice, pour l'auteur? L'écriture conjointe d'un roman qui va devenir un film, ça n'existe pas dans le milieu du cinéma. J'ai déjà rencontré en séance de dédicace des gens qui travaillaient pour Netflix, mais qui avaient déjà leur propre univers, leurs propres idées et qui vous embauchent pour travailler dessus. C'est ça, ou bien des adaptations de roman déjà écrits. Mais travailler dans la dimension créative sur l'écriture d'un roman inspiré d'une de vos nouvelles en parallèle avec l'écriture d'un script tout en ayant l'assurance que le film sortira, le tout en collaborant avec un réalisateur surdoué, ça n'arrive jamais pour les auteurs. 

Alors certes, l'écriture d'un scénario est contraignante, et le script va aussi contraindre le roman pour homogénéiser les deux. La liberté de création est donc loin d'être totale, mais tout de même. Ce qui arrive à cet auteur de SF a tout d'un rêve. 

Mais ça ne s'arrête pas là. Imaginez que ce réalisateur vous ait contacté en 1964. Et que vous terminiez avec lui l'écriture du script et du roman en 1968. Juste avant le lancement de la mission Apollo où les premiers hommes vont marcher sur la lune! Ce serait une coïncidence historique absolument fabuleuse, de nature à vous faire penser que les étoiles s'alignent vraiment pour vous.

Imaginez aussi que vous ayez écrit ceci au début de votre roman: It was a vague and diffuse sense of envy - of dissatisfaction with his life. He had no idea of its cause, still less of its cure; but discontent had come into his soul, and he had taken one small step towards humanity. Traduction : "C'était un sentiment vague et diffus d'envie - d'insatisfaction à l'égard de sa vie. Il n'avait aucune idée de sa cause, encore moins de son remède ; mais le mécontentement était entré dans son âme, et il avait fait un petit pas vers l'humanité.

Imaginez maintenant qu'un astronaute du nom de Neil Armstrong ait lu votre roman. Et qu'il ait décidé de modifier quelque peu ce que vous avez dit tout en le prolongeant. Bref, de s'en inspirer. Un petit pas pour l'homme, un grand bond pour l'humanité. Et au moment le plus critique! Juste avant de commencer à marcher sur la Lune!

Ce serait vraiment du délire, n'est-ce pas?

Mais ça ne s'arrête toujours pas là. Imaginez maintenant que les critiques fassent du film coécrit avec ce brillant réalisateur l'un des dix meilleurs films de tous les temps. Parce que, encore une chance dans la chance, la collaboration s'est bien passée et a été très productive.

Je veux dire, un cul bordé d'autant de nouilles, ça n'existe pas, non? Ça ne peut pas arriver? 

Eh bien si. Cet auteur de Science-Fiction, c'est Arthur C. Clarke, et ce réalisateur, c'est Stanley Kubrick. Ce film encensé par la critique, c'est 2001, l'Odyssée de l'Espace. 

A un certain niveau, la chance, c'est comme une poupée russe. La plus grosse de ces poupées, c'est d'être né dans un pays de privilégiés par rapport à la majorité des humains. La seconde de ces poupées, c'est de bénéficier de gènes propres à garantir votre santé et votre longévité tout en vous faisant disposer de bonnes facultés mentales dès le jeune âge. La troisième, ce sont les parents. Une autre de ces poupées, c'est votre éducation. Une autre encore, votre aptitude au bonheur. 

En ce qui concerne Arthur C. Clarke, on a l'impression que l'emboîtement des poupées a été beaucoup plus long que la normale. 

dimanche 1 octobre 2023

L'auteur de SF précurseur de la bombe atomique

L'un des premiers hommes à avoir l'idée d'une réaction en chaîne au niveau atomique, réaction qui sera utilisée de manière modifiée pour produire une bombe atomique n'est autre que le père de la Science-Fiction, j'ai nommé John W. Campbell. Nul autre que celui qui a dirigé le magazine Astounding Stories et donné leur chance à des auteurs aussi célèbres qu'Isaac Asimov ou Robert Heinlein, entre autres. Nul autre que l'un des créateurs du genre de la Science-Fiction. Attention, cet article contient des spoilers du recueil The Space Beyond, de Campbell, et notamment de Marooned et The Space Beyond.


Vous aimez le type de héros à la MacGyver, capable de se tirer de n'importe quelle situation à l'aide d'une invention rapidement mise au point, mais souhaiteriez voir ce que cela donne en Science-Fiction ? Non, je ne vais pas vous parler de la série StarGate, mais bien des romans de John W. Campbell.

En tant qu'auteur notamment de Science-Fiction, quand j'écris mes romans, j'ai souvent l'impression d'avoir mon frère aîné Tristan Guillot qui regarde par-dessus mon épaule de son œil féroce. Non pas que je fasse appel à lui pour mes romans, non. C'est juste une impression qui me vient sans doute de mon enfance et de mon adolescence et du rôle qu'il a joué dans celles-ci.

Pour vous donner une anecdote, le premier film que je sois allé voir au cinéma, à Manosque à l'époque, était l'Empire contre Attaque, de George Lucas, réalisé par Irvin Kershner. J'étais allé le voir avec mon frère. Le film m'avait complètement retourné. Une révélation. Je le trouvais génial, incroyable. Pour moi, même maintenant, ça reste le meilleur de la trilogie. 

Quelle surprise, en partageant mon enthousiasme à mon frère, quelle douche froide de lui voir à peine attribuer la mention "pas mal" au film! Quel coup de poing dans l'estomac! Plus tard, en tant que conseiller emploi à Pôle enploi spectacle, j'ai eu le plaisir de voir que le scénario de l'Empire contre Attaque de Leigh Brackett et Lawrence Kasdan, d'après une histoire de George Lucas, était cité en exemple dans au moins un guide professionnel destiné aux scénaristes. Et à juste titre, selon moi.

Tristan est devenu depuis chercheur astrophysicien au CNRS, spécialisé dans l'étude des couches internes de Jupiter. Alors quand j'ai lu Marooned (Naufragé), issu du recueil The Space Beyond, de John Campbell, il m'a été difficile de ne pas être pris de fou rire. 

The Space Beyond est un recueil paru en 1976, mais Marooned a été écrit entre 1934 et 1935. Dans l'époque futuriste (2133) qu'évoque la novella, un métal révolutionnaire, le synthium, a été inventé. Le synthium est d'une résistance quasiment infinie et ne subit aucune altération, quelle que soit la pression. Il faut savoir que les héros scientifiques de John Campbell sont des sortes de mâles alpha scientifiques et ingénieurs. On est sur du velu, très velu. 

Ni une ni deux, l'un des scientifiques millionnaires, Bar Corliss, décide de mettre sa fortune sur deux vaisseaux spatiaux dont la carlingue serait de synthium, afin de brûler la politesse à tout le monde pour explorer Jupiter. Ces vaisseaux sont pourvus d'ailes rétractables qui elles ne sont pas en synthium. Je vous le donne en mille, le vaisseau de Bar Corliss voit ses ailes arrachées par l'énorme pression des couches internes de Jupiter. 

Et là, Corliss de s'exclamer: "nous avons voulu faire trop vite! Nous aurions dû étudier la structure interne de Jupiter avant de lancer l'expédition." Ah ben oui, c'est ballot. Je n'ai pas pu m'empêcher de m'imaginer la tête de mon frère s'il avait lu ce passage. 

A noter quand même que dès cette époque des années 30, Campbell avait pronostiqué l'existence d'une atmosphère sur Ganymède, l'une des lunes de Jupiter. Hypothèse qui ne sera confirmée que dans les années 70. J'ai beau me moquer gentiment de lui, le bonhomme avait de l'intuition. Une sacrée intuition, même. Nous y reviendrons.

Le vaisseau à la dérive de Corliss parvient sur l'un des pôles de Jupiter, endroit où il y a beaucoup moins d'interférences, ce qui permet à Corliss d'entrer en contact avec le second vaisseau et de lui donner l'ordre de ne pas chercher à lui venir en aide, sous peine d'avoir à son tour les ailes arrachées. 

Et comment réagit le commandant du second vaisseau? Il se dit que Corliss est devenu fou et continue sa descente. A son tour, il a les ailes arrachées. Les explorateurs ont l'air fin... 

Les personnages de Campbell sont des MacGyver, mais à la puissance 100 : c'est à dire qu'ils sont aussi brillants théoriciens qu'ingénieurs. Et là, Corliss, en bon Géo trouve-tout, va inventer un générateur qui, en se servant d'une simple petite batterie, génère une puissance infinie. Avec Campbell, c'est toujours quand la pression est extrême que l'on travaille le mieux. 

Comme l'équipage n'a pas le droit de sortir du vaisseau en raison de l'atmosphère mortelle à l'extérieur, Corliss va aussi concevoir des sphères qu'il va gonfler de l'intérieur, et grâce à la puissance infinie de son générateur, va rejoindre l'autre vaisseau auquel il aura donné les indications pour réaliser les mêmes inventions. C'est normal qu'ils se retrouvent si facilement malgré les perturbations et l'impossibilité de guider la trajectoire des vaisseaux, Jupiter étant une toute petite planète, c'est bien connu. Et ensemble, ils vont s'en sortir. Ben voyons.

Dans une autre histoire, The Space Beyond, un premier équipage met au point une nouvelle technologie, une Flamme aux effets complètement inattendus. Le vaisseau spatial change de dimension pour rejoindre le centre de l'univers, bien au-delà de notre galaxie. Le point de rencontre de toutes les galaxies, le point central. Le vaisseau se retrouve environné de soleils géants. Un second scientifique comprend ce qu'il s'est passé est met au point une expédition pour aller chercher le premier. 

Mais devinez quoi? Le scientifique est tellement velu et mâle alpha qu'il ne pense même pas au moyen de revenir sur Terre! Heureusement qu'un autre de ses collègues participant à l'expédition avait prévu le coup..

Vous trouvez que je suis irrespectueux de ce grand mâître qu'était John W. Campbell? Voici ce que nous dit Isaac Asimov, en VO puis en VF, de la science de John Campbell. 

A great deal of Campbell's science is sheer gobbledigook that you must not take seriously. You have to read it as a foreign language that the characters understand and for which the action and the astronomical background serve as a translation. In some places, Campbell is deliberately and bullheadedly wrong and one can never be sure whether he actually believes the nonsense, or whether he is doing it just to irritate and provoke readers into thinking hard. 

J'adore, chers amis lecteurs de ce blog, ce mot de "gobbledigook". Passons à la traduction.

Une grande partie de la science de Campbell est du pur charabia qu'il ne faut pas prendre au sérieux. Il faut la lire comme une langue étrangère que les personnages comprennent et pour laquelle l'action et le contexte astronomique servent de traduction. À certains endroits, Campbell se trompe délibérément et de façon éhontée, et on ne sait jamais s'il croit réellement à ces absurdités ou s'il le fait simplement pour irriter et inciter les lecteurs à réfléchir sérieusement.

Ce que nous dit aussi Asimov, c'est que « les hommes balaises de Campbell construisent des armes balaises en quelques jours. Des armes qui n'ont aucun défaut sérieux, ou en tout cas, aucun défaut qui ne puissent être corrigés de la manière suivante: "Hmm... il y a quelque chose qui ne va pas - oh! je vois- bien sûr." Puis, en deux heures, quelque chose serait construit à la va-vite pour réparer la technologie conçue à la va-vite. »

Difficile, donc, de prendre quelqu'un comme cela au sérieux. Et pourtant, Campbell, avec son extraordinaire imagination, a grandement influencé les auteurs majeurs de Science-Fiction, y compris un auteur comme Asimov comme il le reconnaît lui-même dans la préface de The Space Beyond. Y compris, avec la novella "All", quelqu'un comme Robert Heinlein et son Stranger in a Strange land, Etranger en terre inconnue. Asimov parle aussi d'une autre novella de Heinlein appelée "Sixième colonne", très proche de "All."

Je dirais que la grande différence entre Campbell et moi, c'est qu'il ne semblait pas avoir de grand frère qui se penche au-dessus de son épaule. Il n'avait pas, en d'autres termes, un risque aussi fort de s'autocensurer. Ce qui pouvait, chez Campbell, mener au meilleur aussi bien qu'au pire. 

Dans sa préface, Isaac Asimov évoque la manière dont Campbell dans The Space Beyond, écrit au milieu des années trente, va préfigurer la technologie de la bombe atomique. Rien de moins.

Dans The Space Beyond, Campbell mentionne que le lithium bombardé par des protons produit des particules alpha et que le béryllium bombardé par des particules alpha produit des protons, et que les deux mélangés peuvent s'entretenir mutuellement dans une "explosion atomique auto-entretenue".
 

En réalité, ce n'est pas le cas. Il faut un proton de haute énergie pour déclencher la réaction du lithium et le béryllium libère des protons de faible énergie ; en tout cas, des protons de trop faible énergie pour décomposer le lithium. Il en va de même, en sens inverse, pour les particules alpha.

Néanmoins, la suggestion est remarquable. Elle a été faite au milieu des années trente et il est certain que peu de gens pensaient alors à la possibilité d'une réaction nucléaire en chaîne, ce que Campbell suggérait. Finalement, peu d'années après la rédaction de The space beyond, une réaction nucléaire en chaîne pratique a été découverte, celle de la fission de l'uranium. Elle était pratique précisément parce qu'elle fonctionnait sous l'impulsion de neutrons de faible énergie. 


La clarté avec laquelle Campbell a perçu l'importance de la réaction nucléaire en chaîne pourrait bien expliquer la plus remarquable de ses visions prédictives : pendant la Seconde Guerre mondiale, il n'a cessé d'insister sur le fait que l'énergie nucléaire serait développée avant la fin de la guerre. Après avoir entendu parler de la découverte de la fission de l'uranium, sa compréhension des réactions nucléaires en chaîne lui a permis de considérer la bombe atomique comme une conséquence naturelle. 

J'avais déjà évoqué, dans l'article Elon groks the fullness? l'importance d'un auteur de science-fiction nommé Robert Heinlein dans la chute de l'Union soviétique. Vous pourrez d'autant mieux concevoir qu'un auteur comme Campbell se soit montré inspirant pour la bombe atomique en sachant que l'armée française avait il n'y a pas si longtemps lancé un appel à texte d'auteurs SF avec pour sujet les technologies d'armement du futur. 

Y a-t-il de quoi tirer de la fierté de l'importance des auteurs de Science-Fiction quant à la conception de nouvelles armes plus destructrices ? Sans doute que non. Néanmoins, si vous réfléchissez à la manière dont des auteurs de SF ont pu influer sur des événements historiques et sur l'évolution de l'humanité, vous devrez sans doute reconnaître que la rétribution financière desdits auteurs n'est pas réellement proportionnée à leur apport dans la société. Loin s'en faut, me semble-t-il. D'autant qu'il n'y a pas que la technologie. La SF, par exemple celle d'Ursula Le Guin, peut aussi évoquer des évolutions sociétales ou de mœurs. Les sujets de recherche ne se résument pas à la technologie.

mardi 8 août 2023

Limiteur de vitesse Tesla : aïe aïe aïe !

En voyage en Italie dans ma Tesla Model 3 SR+, j'ai pu tester le régulateur de vitesse de manière plus extensive que je ne l'avais fait jusqu'à présent. J'ai compris pourquoi j'utilisais si peu ce régulateur, avec notamment une très mauvaise surprise en Italie. 

Je reviendrai en fin d'article sur le voyage en Italie en lui-même, mais j'ai pris conscience que le simple régulateur de vitesse dynamique, sans même parler de l'autopilot et des fameux "freinages fantôme" posait des problèmes de sécurité suffisamment graves pour faire l'objet du corps de l'article. 

Le très gros problème, à mon sens, du régulateur de vitesse Tesla est qu'il ne régule pas seulement la vitesse, mais a également l'ambition de réguler la distance de sécurité avec la voiture qui précède... mais pas avec la voiture qui vous suit! On a là un morceau de code que l'on sent détaché de l'ensemble du code informatique de conduite autonome. Un morceau de code qui a l'ambition de prendre des décisions quasiment de vie et de mort, en étant détaché de son programme principal. La conduite autonome, de toute façon, en Europe, n'est pas mise en place au niveau législatif, et la plupart des gens, comme moi, font le choix logique de ne pas se l'offrir. 

J'ai demandé à mon frère, qui a une Prius, s'il avait le régulateur de vitesse simple, sans distance de sécurité, et il m'a répondu par l'affirmative. L'heureux homme! Si un régulateur tout bête, sans distance de sécurité, existait sur les Tesla, je l'utiliserais nettement plus souvent sur les trajets longs et fatigants pour le pied. Ce serait tellement plus simple...

Il est en principe possible de régler la distance de sécurité, pour autoriser plus de mansuétude, moins de rigidité du système. Mais à ce sujet, le manuel de la Tesla Model 3 a évolué. Voici le manuel qui date de 2020, année d'achat de mon véhicule: 


D'après ce manuel, on peut, en naviguant dans les menus, modifier la distance de sécurité. Fort bien. Sauf qu'avec les mises à jour, ce n'est plus possible de cette manière. On ne peut y parvenir qu'en direct, en conduisant, comme l'atteste le dernier manuel de 2023.



Et vous noterez que la fonction de régulateur dynamique de vitesse a changé de chapitre, se retrouvant dans "fonctionnalités de l'autopilot" dans le dernier manuel. Ce qui prouve bien que ce morceau de code-là est très lié au code général de l'autopilot, et sans doute de la conduite autonome. 

Changer la distance de sécurité en direct, j'avoue que je ne l'ai pas fait sur ce trajet. Je l'ai fait dans le cadre de cet article, et je me suis aperçu qu'il était réglé sur son réglage par défaut pendant le voyage, à savoir 3. Je ne pense donc pas que ça aurait changé grand-chose à mon expérience, la distance de sécurité minimale étant de 2.

En Italie, les camions ne suivent pas toujours les lignes sur autoroute. Il suffit qu'un véhicule morde d'un chouïa sur votre ligne pour que le régulateur de vitesse estime que le véhicule empiète entièrement sur votre ligne, et que c'est à vous de réagir en conséquence, en freinant de manière à remettre de l'écart avec ce véhicule qui n'est pourtant pas, en grande majorité, sur votre ligne. Donc, le régulateur le fait à votre place, et freine. C'est hyper emmerdant, disons-le, même si on peut contrecarrer la chose en réaccélérant. On se rend bien compte que le régulateur de vitesse/contrôleur de distance de sécurité n'en a rien à faire de la distance de sécurité avec le véhicule qui se trouve derrière vous. 

J'en ai eu l'illustration de manière bien plus criante encore dans un petit village d'Italie où j'avais régulé la vitesse en raison de la présence d'un radar. Cette fois, le conducteur d'une Fiat arrivait en sens inverse quand il a débordé légèrement sur ma voie, alors qu'il y avait une ligne infranchissable. La Tesla a réagi de manière hystérique, en déclenchant le freinage automatique d'urgence. Ce qui, bien sûr, a manqué de causer un accident avec le véhicule qui me suivait, qui m'a copieusement klaxonné, et à juste raison. Là encore, le régulateur de vitesse/contrôleur de distance de sécurité n'a pas tenu compte de l'écart avec la voiture qui me suivait. Il a suivi son programme, qui signalait une collision inévitable à l'avant. Il a donc tenté de réduire les dégâts en m'immobilisant. 

Sauf qu'en fait, il y avait largement la place de s'éviter, ce qui a été fait. 

Quand on analyse ce que Tesla a fait, on s'aperçoit que la compagnie a donné à un bout de code le pouvoir de prendre des décisions drastiques, que seul un humain devrait pouvoir prendre, et en ayant une conscience bien trop limitée de la situation, puisque l'intégralité du code de la conduite autonome n'est pas en place sur mon véhicule. 

Vous saisissez le problème? On a là Tesla, une société typique de la Silicon Valley, qui va typiquement considérer que la puissance de calcul du processeur installé allié à la fiabilité de son logiciel va supplanter les capacités humaines... y compris quand le code est incomplet! Et ça, à mon humble avis, ça cause beaucoup plus de problèmes que ça n'en résout. 

Donc, Tesla, merci de nous offrir lors d'une prochaine mise à jour un régulateur de vitesse simple, sans contrôle de la distance de sécurité. Ce contrôle est un paramètre bien trop complexe pour être confié à la simple version de l'autopilot (puisque, rappelons-le, la partie sur le régulateur de vitesse se trouve dans le chapitre autopilot). 

Et ce voyage en Italie? Il a débuté par une très désagréable surprise. Le règlement par carte bancaire automatique en Superchargeur ne marche pas avec toutes les cartes bancaires et dans tous les pays, même si votre carte est une carte visa avec paiement autorisé dans le pays en question, comme j'en ai eu confirmation en interrogeant à ce sujet le groupe Facebook dédié à la Model 3 et Y. Il faut donc privilégier à tout prix le règlement SEPA (par Iban) si vous voyagez à l'étranger.

Au premier superchargeur suisse, celui de Krienz, après la recharge je reçois le message sur écran comme quoi la supercharge est bloquée pour cause de non paiement. J'accède alors au message sur mon compte en passant par l'application Tesla et je paye directement en passant par l'appli par CB. Le message d'avertissement s'enlève de l'écran
.
Au deuxième superchargeur suisse, celui de Beckenried, rebelote, même message comme quoi je n'ai pas payé après la recharge, même solution en passant par l'appli. Le message d'avertissement concernant la supercharge disparaît de l'écran de la voiture après paiement. 
 
Au troisième superchargeur suisse, celui de Melide, de nouveau le message s'affiche, de nouveau je passe par l'appli pour payer. Mais cette fois, non seulement le message d'avertissement concernant la supercharge ne disparaît pas de l'écran de la voiture, mais je perds la connexion entre l'appli et ma voiture. 
 
Arrivé au superchargeur de Modène en Italie, impossible de supercharger. Le message est toujours affiché sur l'écran. Je ne peux pas non plus passer par l'onglet entretien, ayant perdu la connexion avec la voiture sur l'appli. J'essaie de contacter Tesla, sans succès. 
 
Je me replie en catastrophe sur une borne Enel, je prends une formule d'abonnement, et je finis par bénéficier d'une recharge à 50 kw. Résultat, trois heures de trajet de perdus, avec le stress lié au fait que mon hôte Air BNB m'attendait bien avant. 
 
Le lendemain, je finis pas arriver à joindre Tesla France. Ils me remettent ma connexion sur l'appli, et il apparaît que la troisième fois, j'avais bien payé la charge: ce n'était donc pas une erreur de ma banque ou autre, mais bien un problème 100% Tesla. Je leur envoie la facture acquitée, et le problème sur l'écran est réglé.
Tesla a refusé de faire un geste commercial à la suite de cette méga galère.  
 
Par la suite, j'ai pu recharger sans problème sur un Superchargeur en Italie, même sans avoir fait le changement lié au prélèvement (c'est à dire que le paiement automatique par carte est passé sans problème).  

Au niveau du temps d'attente dans les superchargeurs, ça a été très satisfaisant malgré la période estivale plus chargée: j'ai attendu une seule fois environ trois minutes, au tout début. J'ai aussi pu supercharger à légèrement plus de 170 kw, qui est la limite absolue sur ce modèle, ce qui ne m'était jamais arrivé avant.

En dehors des problèmes de régulateur de vitesse, j'ai été toujours aussi satisfait de la consommation de la voiture et de son comportement routier. Toujours autant de plaisir à la conduite.

J'ai pu recharger dans mon logement Air bnb sans problème (je m'en étais bien sûr assuré auparavant). 


Et la Toscane est bien sûr une région magique à visiter, que je recommande. 























  On pourrait intituler ce tableau "naissance de la Fantasy"


Ce ne devait pas être un bon été pour Tesla chez moi, car en revenant chez moi, mon Wall Connector Tesla (borne de recharge) m'a lâché. Heureusement, il était sous garantie et va être remplacé. 

Au final, et malgré les problèmes de jeunesse de Tesla, je reste un client satisfait. La satisfaction n'empêche pas l'esprit critique, et c'est l'esprit critique, et constructif, qui peut faire naître de futures améliorations pour tous les utilisateurs. 

P-S : je parle dans le titre de "limiteur de vitesse Tesla" qui n'est pas le terme techniquement correct. Ce dont il est question dans l'article est bien le régulateur adaptatif, ou dynamique de Tesla. J'ai utilisé le terme de "limiteur de vitesse" car il m'a semblé plus accrocheur dans le titre. Pour moi, la solution que doit mettre en place Tesla serait un simple régulateur, non adaptatif, non dynamique.

Il existe bien un limiteur au sens strict du terme chez Tesla, que l'on peut régler à condition de mettre le véhicule en mode "Park" (frein à main), puis d'entrer un code pin, ce qui est bien sûr très contraignant.


Autres articles sur le même sujet : 

- Un an de Tesla, ça donne quoi ? 

- Ma Tesla et moi

lundi 3 juillet 2023

Elon groks the fullness?

Même ses détracteurs doivent le reconnaître, le multi-milliardaire Elon Musk, avec notamment ses entreprises Tesla et Space X (et anciennement Paypal) a un véritable impact sur ses contemporains. Mais qu'est-ce qui a un impact sur Elon? Ou plutôt, qu'est ce qui a eu un fort impact sur lui? Eh bien, un simple roman. Et pas n'importe lequel. Un roman de Science-Fiction de Robert Heinlein publié en 1961, Etranger en terre inconnue (Stranger in a strange land). Robert Heinlein, nul autre que l'écrivain qui, dans les années 1980, a été l'un des piliers du « Conseil citoyen sur la politique spatiale» à l'origine de l’Initiative de défense stratégique du président Ronald Reagan. L'un des hommes, décédé en 1989, qui a mis au point le concept de guerre des étoiles, lequel a entraîné la chute de l'URSS. Rien que ça. Chute qui a encore des répercussions sur tout un chacun aujourd'hui, notamment avec la guerre en Ukraine. Comme on le voit, l'influence d'un auteur de science-fiction comme Heinlein, l'impact qu'il a sur chacun de nous, se fait à plusieurs niveaux, et lui survit largement.

Elon se décrit lui-même souvent comme un alien venu de la planète Mars, et cherchant à y retourner. Stranger in a strange land, de Robert Heinlein, Etranger en terre inconnu retrace l'histoire de l'homme né sur Mars, un individu humain ayant fait son apprentissage auprès des Martiens. Cet homme aux pouvoirs extraordinaires se retrouve dépêché sur Terre en tant qu'espion par les "Grands Anciens" de Mars. Le roman sorti en 1961 d'Heinlein, que je vous recommande très chaudement si vous ne l'avez pas déjà lu, a été comme par hasard l'un des favoris d'Elon Musk dans sa jeunesse en Afrique du Sud.

Je vais ici vous présenter, en français et en anglais, quelques extraits qui tendent à prouver l'influence qu'a eu ce roman sur ce milliardaire qui veut envoyer l'homme sur Mars. A vous de décider si cet impact est uniquement une idée fumeuse de ma part, où si cette hypothèse repose sur des bases concrètes. Attention aux spoilers bien sûr!

En plus de sa longueur épuisante, le trajet était très hasardeux. Ce n'est qu'en se réapprovisionnant à une station spatiale, puis en virant de bord presque dans l'atmosphère terrestre, que ce cercueil volant primitif, l'Envoyé, pouvait espérer faire le voyage. Une fois sur Mars, il pouvait être capable de revenir - s'il ne se crashait pas à l'atterrissage, si l'on pouvait trouver de l'eau sur Mars pour remplir ses réservoirs de réaction massique, si une espèce de nourriture pouvait être trouvée sur Mars, si un millier d'autres choses ne partaient pas en sucette.

Besides its wearing length, the trip was very chancy.  Only by refueling at a space station, then tacking back almost into Earth's atmosphere, could this primitive flying coffin, the Envoy, make the trip at all. Once at Mars she might be able to return-if she did not crash in landing, if water could be found on Mars to fill her reaction-mass tanks, if some sort of food could be found on Mars, if a thousand other things did not go wrong. 

On voit ici une description très détaillée du voyage sur Mars avec réapprovisionnement en route du vaisseau, ce qui est exactement le projet de Space X pour son Starship. 

"Cette idée qu'un seul homme possède une planète... c'est fantastique !
- Ne prononcez pas ce mot devant un avocat, il ne vous comprendrait pas. Se frotter à des moucherons et avaler des couleuvres est un passage obligé dans toutes les facultés de droit. D'ailleurs, il y a un cas d'école. Au quinzième siècle, le pape a cédé tout l'hémisphère occidental à l'Espagne et au Portugal et personne n'a prêté la moindre attention au fait que le terrain était déjà occupé par plusieurs millions d'Indiens avec leurs propres lois, coutumes et notions de droit de propriété. Son acte de concession a aussi été sacrément efficace."

"(...) This notion of a single man owning a planet... it's fantastic!

- Don't use that word to a lawyer; he won't understand you. Straining at gnats and swallowing camels is a required course in all law schools. Besides, there is a case in point. In the fifteenth century the Pope deeded the entire western hemisphere to Spain and Portugal and nobody paid the slightest attetion to the fact that the real estate was already occupied by several million Indians with their own laws, customs, and notions of property rights. His grant deed was pretty effective, too."

Dans le roman, l'homme venu de Mars est extraordinairement riche, et il pourrait même juridiquement posséder la planète Mars dans sa globalité. Elon Musk est un homme de pouvoir. L'idée de posséder une planète entière n'a pu, selon moi, qu'être très séduisante pour lui.

Le Royaume d'Afrique du Sud, membre associé de la Fédération, a de nouveau été assigné devant la Haute Cour pour persécution de sa minorité blanche.

The Kingdom of South Africa, Federation associate member, had again been cited before the High Court for persecution of its white minority.

Un passage d'une ironie mordante puisque écrit en 1960 ou 1961, à l'époque de l'apartheid. En tant que lecteur, Elon Musk, qui percevait les changements en cours dans son pays, avec la lutte de Nelson Mandela pour la fin de la ségrégation, a dû là encore être séduit par ce moment du roman se référant au pays où il vivait à l'époque. A noter aussi que Robert Heinlein a correctement anticipé la transition du pouvoir en Afrique du Sud. 

"(...)Capitaine, vous ne savez manifestement pas ce qu'est l'extrême richesse d'un vieil homme de la mer. Ce n'est pas une bourse bien garnie et du temps pour la dépenser. Son propriétaire est assailli de toutes parts, à toute heure, où qu'il aille, par des solliciteurs persistants, comme des mendiants à Bombay, chacun exigeant qu'il investisse ou donne une partie de sa fortune. Il se méfie des amitiés honnêtes, qui lui sont d'ailleurs rarement offertes ; ceux qui auraient pu être ses amis sont trop délicats pour se laisser bousculer par des mendiants, trop fiers pour risquer d'être pris pour eux. Pire encore, sa vie et la vie de sa famille sont tout le temps en danger. Capitaine, vos filles ont-elles déjà été menacées d'enlèvement ?
- Quoi ? Mon Dieu, j'espère que non !"
- Si vous possédiez la richesse de Mike, vous feriez garder vos filles nuit et jour - et même là, vous ne vous reposeriez pas, car vous ne seriez jamais sûr que ces mêmes gardes du corps ne soient pas tentés. Regardez les archives de la dernière centaine d'enlèvements dans ce pays et notez combien d'entre eux impliquaient un employé de confiance... et notez aussi combien peu de victimes s'en sont sorties vivantes. Demandez-vous alors s'il existe un luxe que la richesse puisse acheter et qui vaille la peine que le joli cou de vos filles soit en permanence enserré dans un nœud coulant."

"(...)Captain, you obviously don't know what an Old Man of the Sea great wealth is. It is not a fat purse and time to spend it. Its owner finds himself beset on every side, at every hour, wherever he goes, by persistent pleaders like beggars in bombay, each demanding that he invest or give away part of his wealth. He becomes suspicious of honest friendship-indeed honest frindship is rarely offered him; those who could have been his friends are too fastidious to be jostled by beggars, too proud to risk being mistaken for one. Worse yet, his life and the lives of his family are always in danger. Captain, have your daughters ever been threatened with kidnapping? 
-What? Good Lord, I should hope not!
- If you possessed the wealth Mike had thrust on him, you would have those girls guarded night and day -and even then you would not rest, because you would never be sure that those very guards were not tempted. Look at the records of the last hundred or so kidnappings in this country and note how many of them involved a trusted employee... an note, too, how few victims escaped alive. The ask yourself: is there any luxury wealth can buy which is worth having your daughters' pretty necks always in a noose?"

Un passage démontrant les dangers de la richesse extrême, qui n'a en rien empêché Musk de devenir extrêmement riche. Là, on est dans le cas où la mise en garde contre la richesse extrême produit l'effet inverse de celui désiré, en en renforçant l'attrait. Selon Justine Musk, ex épouse d'Elon, celui-ci court après la célébrité. Elle a raison, bien sûr, mais pas seulement. D'après moi, Elon Musk court au moins en partie après le pouvoir, et le pouvoir passe par l'argent. On ne peut pas vouloir avoir un impact sur notre monde sans courir après le pouvoir. C'est impossible. Et c'est valable aussi pour moi en tant qu'auteur, j'en ai conscience. 
 
Jubal dit lentement : "Si je me souviens bien, Prométhée a payé un lourd tribut pour avoir apporté le feu à l'humanité.
- Et ne pensez pas que Mike ne paie pas le sien ! Il paie en travaillant vingt-quatre heures par jour, sept jours sur sept, en essayant d'enseigner à quelques-uns d'entre nous comment jouer avec des allumettes sans se brûler."

Jubal said slowly, "As I recall, Prometheus paid a high price for bringing fire to mankind.
- And don't think that Mike doesn't! He pays with twenty-four hours of work every day, seven days a week, trying to teach a few of us how to play with matches without getting burned.

Chacun sait qu'Elon Musk a une capacité de travail délirante, supérieure à celle du commun des mortels. C'est pourquoi, d'ailleurs, le nombre de burnouts dans ses entreprises est si important: ses cadres et employés ne peuvent pas suivre. C'est pourquoi aussi le taux de renouvellement du personnel de Tesla et de Space X est si important. C'est aussi pourquoi les ex employés de Tesla ou Space X viennent alimenter la concurrence. Ce passage montre en tout cas qu'Elon Musk s'est vraiment identifié à cet homme venu de Mars. L'aspect asocial de l'homme, ses immenses difficultés d'acclimatation à l'environnement social plus encore qu'à l'environnement tout court n'ont pu qu'exercer un puissant attrait sur Musk, car il s'est reconnu dans le personnage. Il s'y est aussi reconnu pour son aspect Prométhéen, pour ces idéaux qui sont forts en Musk. Quand tout concorde, c'est naturel de s'identifier. 
 
Il faut juste espérer que les sinistres paroles de Jubal au sujet de Prométhée ne se vérifient pas pour Elon Musk. Je ne le lui souhaite en aucun cas!

Après avoir lu Stranger in a strange land, je suis au final persuadé que le roman a eu un effet sur le destin d'Elon Musk. Que le futur de Musk n'aurait pas été le même s'il n'avait pas lu le roman. Je peux me tromper, bien sûr. 
 
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mercredi 3 mai 2023

La richesse et ce qu'on en fait

Sur Quora, des questions parfois très médiocres peuvent entraîner des réponses géniales. La question de savoir qui est la personne la plus égoïste et pourquoi, de Mark Zuckerberg ou d'Elon Musk, ne me paraissait pas d'un intérêt fou. Mais si la réponse d'un dénommé Sean Chou a généré plus d'un million de vues, c'est qu'elle va bien au-delà de la question, et s'intéresse au concept même de philanthropie. J'ai utilisé (et amendé quelque peu) DeepL Traduction afin de vous faire connaître le sujet en français. 

Une petite chose avant de commencer, puisqu'il est question notamment de Mark Zuckerberg. Si vous vous intéressez à Facebook, cet article d'avril 2023 est pour moi un article référence. Il s'agit certes d'un article à charge contre Mark Zuckerberg et Facebook, dogmatique dans ce sens où il vise à prouver une théorie qui est en gros dans le titre, "Mark Zuckerberg, l'homme qui assassina l'amitié". Mais son caractère excessivement bien documenté est ce qui le sauve, et contribue pour moi à en faire l'un des articles références sur la montée en puissance de Zuckerberg et de Facebook. A lire avec un œil critique, en résumé.

Extrait: Comme l’expliquera Sean Parker en 2017 : « Lorsque nous avons développé Facebook, le principe de base était le suivant : comment pouvons-nous consommer le plus possible de votre temps et de votre attention ? Cela signifie que nous devons à chaque fois fournir un peu de dopamine parce que quelqu’un récompense d’un « like » ou d’un commentaire l’un de vos posts ou l’une de vos photos. Après quoi, vous écrirez plus de posts et posterez plus de photos et recevrez plus de « like » et de commentaires. C’est une boucle de rétroaction de validation sociale. Nous exploitons une vulnérabilité dans la psychologie humaine. Les inventeurs, les créateurs – c’est-à-dire moi, Mark Zuckerberg, Kevin Systrom, toutes ces personnes – nous avons compris cela de manière consciente. Et nous l’avons fait quand même.»
 
Voici donc la réponse de Sean Chou, consultant en intelligence économique, à la question de savoir lequel des deux personnages est le plus égoïste, de Mark Zuckerberg ou d'Elon Musk. Il faut garder à l'esprit que cette réponse date de 2017, bien avant le rachat de Twitter par Elon Musk, et donc, bien avant que l'étoile Musk ne ternisse notablement... La seconde partie de la réponse concerne la philanthropie, elle est selon moi la plus intéressante, et de loin. Vers la fin de cet article de blog, donc. 

Mark Zuckerberg est sans aucun doute plus égoïste.

La devise professionnelle de Zuckerberg a toujours été de "connecter le monde" par l'intermédiaire de Facebook, ce qui, comme toute personne qui se respecte peut le voir, sert ses propres objectifs. Facebook compte aujourd'hui parmi ses utilisateurs la moitié ou presque de la population mondiale, et sa croissance se poursuit. Il n'y a pas si longtemps, Zuckerberg a voulu être le visage du colonialisme moderne en "offrant" à de grandes parties de l'Inde un accès gratuit à l'internet par wifi, à la condition que celui-ci soit rattaché en permanence à sa propre plateforme Facebook. L'Inde a refusé sans surprise, et Zuckerberg a plaisanté en disant que l'Inde ne voulait pas "faire un pas dans le futur". Néanmoins, il n'a pas pour autant  continué à chercher à procurer à l'Inde un accès gratuit à l'internet sans enfoncer Facebook au fond de sa gorge dans le même temps.
 
Autre exemple : Zuckerberg s'est engagé, avec tant d'autres milliardaires, à céder la majeure partie de leur fortune, mais dans 99 % des cas, tous les milliardaires conservent le contrôle total des investissements qu'ils "donnent" à leur propre trust ou à des organismes de bienfaisance. Pourquoi les dix hommes les plus riches occupent-ils toujours la même place alors que près de la moitié d'entre eux se sont engagés à céder la totalité de leur fortune ? C'est déroutant, n'est-ce pas ? [voir la seconde partie de l'article pour la réponse à cette question].

Et si vous ne le saviez pas déjà, Zuckerberg tient beaucoup à sa vie privée. À tel point qu'il a racheté toutes les résidences autour de son domicile de Palo Alto et les a louées gratuitement aux propriétaires d'origine. De cette manière, il peut mieux contrôler ce que lui-même peut ou ne pas faire dans son quartier... comme construire des clôtures plus hautes et disposer d'une sécurité privée plus importante, entre autres choses.

En bref, Zuckerberg met en avant ses propres visions, qui, à ce jour, semblent correspondre aux stratégies de croissance de Facebook. Il veut plus d'utilisateurs - et il sait que la valeur moyenne d'un utilisateur moyen de Facebook issu d'un pays en voie de développement vaut largement le maigre coût de son acquisition.

Elon Musk, quant à lui, correspond davantage à la définition sociale de l'homme de la renaissance, un Robin des Bois pionnier qui vole l'avenir au profit de ceux qui vivent aujourd'hui, au prix de sa propre vie. Musk est un fan inconditionnel de science-fiction et, depuis qu'il a lu Stranger in a Strange Land de Robert A. Heinlein lorsqu'il était enfant, il a utilisé le processus par étapes de manière très efficace pour atteindre son objectif abracadabrant de coloniser Mars.

Musk est un ingénieur dans l'âme, et cela se voit dans son éthique de travail et sa façon d'aborder les problèmes. Il aime travailler sur des problèmes uniques et utilise les connaissances et l'expérience acquises au cours d'une étape pour progresser vers la suivante.

Musk est une bénédiction qui n'arrive qu'une seule fois sur plusieurs générations pour notre société perturbée, au sens littéral du terme, comme Nikola Tesla l'a été pour l'électricité ou Sir Isaac Newton pour le concept de gravité. Musk s'efforce activement, à chaque minute de son existence, de nous propulser collectivement vers l'avenir le plus rapidement possible. Musk est un nerd, et il pense que les humains en tant qu'espèce font beaucoup trop de dégâts à notre planète et à nous-mêmes - et que nous devons élargir nos options si nous voulons survivre.

Qu'il s'agisse de transformer les services bancaires et les paiements en ligne, de normaliser les voitures électriques (et même de les rendre sexy), de fusées réutilisables, de tuiles solaires, de batteries plus efficaces ou du transport Hyperloop, le temps de Musk, comme toute personne qui se respecte peut le constater, est bénéfique à plus d'un titre pour la société dans laquelle nous vivons.

Seconde partie de la réponse: la philanthropie

En fait, je suis de relativement près les entreprises, les milliardaires, les investissements, la finance, etc.
A eux seuls, 8 des 10 hommes les plus riches pèsent autant financièrement que la moitié de la population mondiale. Et à eux seuls, 23 des plus grands milliardaires autodidactes détiennent 1 000 milliards de dollars, soit plus que la valeur nette totale d'Apple [en 2017]. Au total, les 2 300 milliardaires de la planète représentent 8 000 milliards de dollars, alors qu'il y a quatre ans à peine, il n'y avait que 1 400 milliardaires pour 5 000 milliards de dollars. Ces 2 300 personnes représentent la plus petite fraction d'un nano-poil par rapport aux plus de 7 milliards d'habitants de la planète, et pourtant leur richesse dépasse le PIB total de l'Allemagne et de la France réunies.


La façon dont un milliardaire fait don de sa richesse et la manière dont il choisit de vivre sa vie sont extrêmement révélatrices de sa véritable nature. Le fait que Gates et Buffet (qui a fondé le Giving Pledge il y a une dizaine d'années) soient restés largement dans la même position dans le classement des plus riches de Forbes est révélateur de la manière dont ils dosent judicieusement leurs dons. En échelonnant leurs dons et les montants versés, ces deux milliardaires font correspondre étroitement leurs dons aux performances de leur portefeuille sur le marché, ce qui leur permet de conserver la même valeur nette, ou presque. Il est également certain que ces dons caritatifs sont utilisés pour déduire le même montant de l'impôt fédéral d'une année sur l'autre, et ce n'est pas la seule façon pour eux d'éviter de payer des impôts.

Et oui, je sais que la majeure partie de leur patrimoine réside dans des outils d'investissement liés à des actions de leur propre entreprise ou d'autres sociétés. Et comme nous n'avons pas connu de récession depuis la crise du logement et des prêts hypothécaires à risque, le marché boursier américain a connu une incroyable remontée au cours des dix dernières années, même si je dirais que la quasi-totalité de ces gains positifs sont allés aux 1 %, permettant à des milliardaires comme Gates et Buffett de gagner 6 à 7 milliards de dollars au cours d'une seule année fiscale, alors que les salaires des travailleurs dans la plupart des secteurs sont restés largement stagnants.

Les milliardaires ne sont pas arrivés là où ils sont par hasard. Ils ont tous dû dominer impitoyablement des industries et des concurrents, tout en forçant de larges segments de la main-d'œuvre à quitter leur secteur. Ils doivent être égoïstes.

Les milliardaires convoitent le fait d'être milliardaires et le pouvoir que cela leur apporte. La plupart d'entre eux, en tout cas. Avec leur fortune, la célébrité suit de près. Qui ne veut pas être aimé et admiré ? Il est certainement aussi plus à la mode pour les riches de faire des dons à de grandes causes que de payer des impôts fédéraux. Et puis, au vu des montants qu'ils donnent, pourquoi ne pas simplement créer leur propre trust caritatif ? Pourquoi ? Parce que les milliardaires convoitent aussi le contrôle. Ainsi, les riches ont une fois de plus toutes les cartes en main, choisissant une position de flexibilité et de pouvoir, car les œuvres de bienfaisance peuvent leur être bénéfiques de nombreuses façons. Par leur intermédiaire, ils peuvent dicter dans les moindres détails comment leur argent est dépensé ou dilapidé.

Il serait également logique que ces riches soient fiers d'être entrés dans le club des 10 premiers - et de profiter des couvertures de magazines et des entretiens avec la presse qui vont avec. Et pour Buffett, qui est d'une frugalité abrutissante, la promesse de don sert à améliorer sa propre image de son vivant, MÊME s'il ne donne la plus grande partie de sa fortune qu'après sa mort. D'un point de vue rationnel, il s'agit d'un dispositif impossible à perdre. Buffett et Gates n'ont jamais eu l'intention de donner à leurs enfants près d'un milliard de dollars de toute façon - alors pourquoi ne pas rejoindre un club philanthropique cool dont seules 2 000 personnes environ peuvent devenir membres et s'attirer l'adoration du public ? Pourquoi ne pas créer le club et en être le visage ? Et c'est exactement ce qu'ils ont fait.

Lorsque vous prenez une décision qui n'a que des avantages pour vous, je pense que c'est de l'égoïsme.


Quant aux commentaires sur la difficulté de dépenser leurs milliards incalculables, je propose deux exemples : l'un historique et l'autre moderne.

Ces deux hommes n'ont pas suivi l'exemple d'autres pairs extrêmement riches - non ; ils ont quitté leurs entreprises tôt et ont passé le reste de leur temps à "donner tout en vivant" jusqu'à ce qu'ils aient tout dépensé, motivés uniquement par leur désir personnel d'aider la société.

Andrew Carnegie est le premier exemple.

Cet industriel légendaire a immigré d'Écosse et s'est rapidement attelé à l'expansion de l'industrie sidérurgique américaine, en faisant de nombreux paris intelligents pendant la guerre de Sécession. Il peut être considéré comme l'un des hommes qui ont littéralement fait l'Amérique moderne, de ses gratte-ciel à sa domination en tant que superpuissance industrielle et mondiale.

Carnegie a vendu sa Carnegie Steel Company à J.P. Morgan en 1901 pour 480 millions de dollars et a dépassé John D. Rockefeller en tant qu'Américain le plus riche pendant un court laps de temps (c'est-à-dire jusqu'à ce qu'il commence à donner toute sa fortune). Carnegie publie "L'Évangile de la richesse" et appelle les autres riches Américains à faire le bien et à améliorer la société grâce à leur fortune. Il stimule ainsi une vague de philanthropie et lance la tendance des super riches à "rendre la pareille".

De 1901 à sa mort en 1919, Carnegie a donné 350 millions de dollars (80 milliards de dollars en pourcentage du PIB actuel), laissant les 30 derniers millions de dollars à plusieurs fondations et organisations caritatives. Au cours de cette période, il a créé à lui seul les systèmes de bibliothèques publiques aux États-Unis, au Canada et au Royaume-Uni en construisant plus de 3 000 bibliothèques publiques afin que le public puisse accéder à une mine de connaissances et s'améliorer lui-même ainsi que le monde. Il a également fondé ou soutenu des dizaines d'universités et a été le bienfaiteur de nombreux scientifiques et chercheurs.

Carnegie a créé de nombreux fonds et fondations pour faire avancer la recherche et les études scientifiques et a offert des bourses d'études au public. Il a créé des fonds de pension au profit de ses anciens employés et de ceux des professeurs d'université américains. Ce dernier fonds est devenu TIAA-CREF, qui est aujourd'hui le principal fournisseur de services financiers aux secteurs de l'enseignement, de la recherche, de la médecine et de l'administration. Elle gère aujourd'hui 1 milliard de dollars d'actifs et opère principalement en tant qu'organisation à but non lucratif. Il a également fait des dons aux arts, en construisant le Carnegie Hall ainsi que 7 000 orgues d'église. Il convient également de noter qu'il a été le bienfaiteur de l'Institut Tuskegee pour l'éducation des Afro-Américains. Il a également créé la National Negro Business League. Il a créé un fonds destiné à reconnaître les héros des nations occidentales et a acheté le terrain et construit le Palais de la Paix (et d'autres bâtiments) à La Haye, dont il a fait don aux Nations unies, qui y ont leur siège depuis lors.

Le second exemple est Charles "Chuck" Feeney.

L'exemple moderne est Charles Feeney, qui a fondé le Duty Free Shoppers Group, présent dans tous les aéroports du monde. À partir de là, il s'est développé dans d'autres magasins et dans l'immobilier, mais aucun d'entre eux n'a jamais porté son nom. En 1982, alors qu'il venait d'avoir 50 ans, Feeney a fondé The Atlantic Philanthropies et, en 1984, il a transféré la totalité de sa participation de 38,75 % dans Duty Free Shoppers à son groupe philanthropique. Ses partenaires commerciaux ne savaient même pas que "Chuck", comme il aime à se faire appeler, ne possédait plus aucune part de DFS. Pendant des années, Feeney a fait des dons par l'intermédiaire d'Atlantic dans le plus grand secret. Il a fait don de plus d'un milliard de dollars pour l'enseignement supérieur en Irlande, d'un milliard de dollars à l'université Cornell (son alma mater), et a réparti le reste de ses dons entre des initiatives dans les domaines de la santé, de la science et de l'éducation, aussi diverses que la santé publique au Viêt Nam ou la recherche de pointe en sciences de la santé à l'UCSF.

À la fin de l'année dernière (2016), Chuck Feeney avait finalement atteint son objectif de "donner tout en vivant" - qu'il avait commencé en privé 34 ans auparavant, et qu'il décrivait simplement : "Je ne peux pas penser à une utilisation plus gratifiante et plus appropriée de la richesse... que de se consacrer personnellement à des efforts significatifs pour améliorer la condition humaine." Il a donné au total plus de 8 milliards de dollars de sa fortune, ne se laissant que 2 millions de dollars pour vivre. Il loue actuellement (oui, il loue) à San Francisco - ce qui ne devrait pas surprendre quiconque l'a connu - il a toujours voyagé en classe économique, préféré les hamburgers à la gastronomie new-yorkaise et transporté ses affaires dans des sacs en plastique.

Quoi qu'il en soit, ce que j'espère faire comprendre, c'est que si les milliardaires sont généreux avec leurs dons caritatifs, ils sont souvent tout aussi avides. Parmi les personnes les plus riches de la planète, seule une petite poignée mérite le véritable titre désintéressé de philanthrope, que je définis comme la profession de "donner tout en vivant" - selon les propres termes de Feeney. Carnegie et Feeney ont tous deux vendu leurs entreprises ou leurs investissements et ont cessé toute recherche personnelle de richesse, consacrant le reste de leur attention à la manière dont ils pensaient pouvoir mieux influencer le monde.

En comparaison avec Feeney, qui avait commencé à faire des dons en secret, au plus fort de la croissance de son entreprise et à son âge (50 ans), quelque trois décennies et demie auparavant, la "promesse de don" de Buffett et Gates, annoncée à grand renfort de publicité en 2006, alors que les deux milliardaires figuraient depuis longtemps dans le top 10 du classement, semble insignifiante, et plutôt une réflexion a posteriori, si l'on peut dire. Si vous connaissez Warren Buffett, vous serez étonné de constater qu'il est le seul milliardaire du top 10 à être un investisseur, c'est-à-dire que Berkshire Hathaway, une société qu'il a achetée, n'a jamais fabriqué ses propres produits comme l'ont fait Microsoft ou Apple. Buffett est milliardaire grâce à son génie de l'investissement, et il s'est littéralement servi dans les poches d'autres riches propriétaires d'entreprises pour arriver là où il est aujourd'hui. Il voit le temps différemment et agit souvent bien avant les indications du marché, conservant souvent ses actions pendant des décennies, comme il l'a fait pour McDonald's, Coca-Cola et, jusqu'à tout récemment, Walmart. Je me demande donc pourquoi sa promesse de don a été lancée si tardivement dans sa vie.

Pour conclure, je voudrais également ajouter que Paul Newman, la célébrité, avait créé avant sa mort une entreprise agroalimentaire à but non lucratif qui est aujourd'hui très populaire, Newman's Own, qui utilise des produits cultivés dans ses propres fermes et dont les bénéfices sont directement reversés à des associations caritatives. L'approche de Newman en matière de charité est intelligente et, bien qu'il ait disparu depuis dix ans, Newman's Own continue de donner.

De nombreux milliardaires (peut-être même tous) créent des trusts qui permettent d'atteindre des objectifs similaires, mais comme j'espère avoir fait la distinction, les trusts conservent un contrôle total et réalisent les souhaits du fiduciant comme s'il était toujours là (contrôle de microgestion). La méthode de Newman est donc infiniment plus désintéressée.

Ces personnes sont la définition même de l'altruisme.