La diffusion est, comme les acteurs concernés par le marché du
livre le savent bien, le secteur-clé. Le problème auxquels sont
confrontés les auteurs comme les petits et moyens éditeurs est de
parvenir, non seulement à diffuser leurs ouvrages, mais à y
intéresser suffisamment les libraires pour qu'ils puissent en parler et
les proposer à leurs clients qui seraient susceptibles d'en
faire l'acquisition. Or, la proposition que font dans 99% des cas
les libraires aux auteurs et petits éditeurs qui font de la négociation
directe, sans diffuseur, c'est le dépôt-vente. Et ce
fameux dépôt-vente, qu'est-ce que c'est exactement ? Explications.
Certains libraires ont mis au point des contrats de dépôt-vente. Celui de la librairie Antiqvaria,
par
exemple, permet d'y voir plus clair. La commission que prend le
libraire sur les livres en dépôt vente y est de de 35% du prix du livre
entre 0 et 1500 € de vente, et de 30% de prix du livre
au-delà de 1500 € de vente. Ce contrat est de 4 mois ferme
renouvelable tacitement, mais l'article 4.4 stipule que :
A compter de la fin du contrat de dépôt-vente notifiée par
écrit au déposant pour une cause autre que celle stipulée à l'article
4.1, la Librairie Antiqvaria conserve l'article pendant 15
jours. Si au-delà de ce délai, le déposant n'est pas venu retirer
l'article invendu, la Librairie Antiqvaria peut à son choix : A. faire
livrer l'article à l'adresse du déposant à ses
frais - B. disposer de l'article comme il l'entend (vente, don,
destruction) ; en cas de vente, le produit total de la vente est acquis à
la Librairie Antiqvaria à titre
d'indemnisation des frais de garde, de dossier, et d'assurance.
C'est à dire qu'avec le système de dépôt-vente, le libraire garde
les livres un certain temps et c'est à l'auteur ou l'éditeur ou son
représentant de venir rechercher les ouvrages si le
libraire le lui signifie. Tout serait parfait dans un monde
parfaitement équitable si tous les livres vendus par les libraires
étaient soumis à ce système de dépôt-vente. Malheureusement, on
s'aperçoit qu'il existe aussi la possibilité de contrats entre
libraires et éditeurs, contrats qui peuvent donner lieu à des achats de
livres sur catalogue par les libraires (les
offices).
Maintenant, mettez-vous à la place d'un libraire. Vous avez, d'un
côté un livre pour lequel vous avez dépensé de l'argent. Si vous ne le
vendez pas il va vous côuter des frais de retour, même
si une partie est prise en charge par l'éditeur. De l'autre vous
avez le livre que vous a gentiment déposé un auteur, qui ne vous a rien
coûté sinon un peu d'espace de présentation dans votre
librairie et va certes vous rapporter 30 ou 35%, mais qui ne
génèrera aucun frais de retour si vous ne le vendez pas. Pour quel livre
allez-vous vous battre ? Lequel allez-vous chercher à
vendre en priorité à votre clientèle ?
On voit bien que l'auteur ou le petit éditeur, avec le
dépôt-vente, se voit placé en situation évidente d'infériorité : non
seulement il devra reverser une marge de 30% si par miracle, le livre
en dépôt-vente se vend, mais il est assuré, sauf à connaître
personnellement le libraire ou à venir le harceler tous les deux jours,
qu'on ne fera rien pour vendre son ouvrage.
Je serais curieux de savoir s'il existe un observatoire du livre
qui permette de savoir statistiquement quelles sont les ventes des
livres en dépôt-vente en comparaison de celles des ouvrages
achetés par les libraires ? Y a-t-il des exemples de succès
littéraires qui ont commencé exclusivement par du dépôt-vente ? Si vous
êtes un acteur de la chaîne du livre et que vous souhaitiez
répondre à mes interrogations, je vous invite cordialement à me
laisser un commentaire...
5 commentaires:
Je pense que tu ne considère que l'aspect "rentabilité" de l'opération alors qu'il y a tellement d'autres facteurs qui entrent en ligne de compte.
Mettre son livre en dépôt-vente c'est :
1) permettre à des gens n'aimant pas Internet (ou Amazon) de se procurer le livre, tout en faisant vivre les petits libraires.
2) créer du lien notamment en investissant des lieux où peuvent potentiellement se tenir des séances de dédicaces / conversations autour du livre.
3) vendre des livres à des lecteurs qui n'en auraient pas pris connaissance sinon.
Pour ma part, j'ai trois libraires auprès de qui j'ai mis mes livres en dépôt-vente. Il s'agit de personnes en qui j'ai confiance, dans de petites librairies à taille humaine et je sais qu'elles ont à coeur de faire découvrir mon histoire (et non de gagner principalement de l'argent en ne conseillant que des livres issus de grande maison d'édition : beaucoup de libraires adorent passionnément leur métier de conseiller, ils ne le feraient pas s'il s'agissait uniquement d'engranger de gros chèques...)
Et avec le prix du livre via CreateSpace je gagne malgré tout de l'argent sur mon livre, mais avec la commission à 30%. :)
Disons que c'est l'aspect "rentabilité en cohérence avec l'organisation" que je pointe dans cet article.
Nous avons intérêt, en tant que petites entreprises, à aller vers ce qui fonctionne pour nous.
Trois librairies en dépôt-vente, c'est encore gérable. Mais tu entres dans le cadre auquel je faisais allusion dans l'article des personnes qui ont su créer du lien avec leur libraire.
C'est ce lien qui peut rétablir l'équilibre par rapport à la volonté que va démontrer le libraire à faire connaître le livre.
Joe Konrath disait que certains libraires lui avaient vendus plus de 1000 de ces ouvrages. Mais il avait aussi su créer du lien avec eux. L'idéal étant bien sûr que le libraire lise le livre.
Et la grosse différence avec nous, bien sûr, c'est que Konrath était traditionnellement édité au moment où il travaillait avec les libraires, donc il n'avait pas à gérer les endroits où ces livres, d'ailleurs soumis aux conditions de retour classiques, étaient présents.
J'ai appris à un moment par un contact Facebook qu'un libraire de livres usés (donc, qui ne me rapporte aucune redevance d'auteur) faisait une grosse pub auprès de ses clients à propos de ma trilogie.
Sans même l'avoir rencontré, je lui ai envoyé le coffret complet de la trilogie en version papier. Sans lui demander aucune contrepartie, juste à titre de remerciement.
Mais je reconnais que je ne vais pas chercher à créer spontanément du lien avec un libraire.
Je suis bien sûr heureux de travailler avec la trentaine de libraires qui m'accueillent en grande surface ou centre culturel en séance de dédicace dans la région parisienne, sous condition de dépôt-vente avec reprise des invendus le jour même.
Mais je sais aussi que le système des retours est ce qui a tué de très nombreux petits éditeurs, et je sais que le dépôt-vente en dehors des séances de dédicace n'est pas une solution viable pour moi.
Si un libraire a lu mes livres et connaît suffisamment sa clientèle pour savoir qu'il peut me prendre les livres en compte ferme sans risque pour lui, qu'il le fasse.
Mais la gestion des séances de dédicace me prend suffisamment de temps sans que j'aille ensuite gérer du dépôt-vente.
Oui, je vois ce que tu veux dire, 30 ce serait ingérable pour moi ! ;)
Et cela disperse le livre un peu partout, il faut savoir sacrément bien gérer son stock pour s'en sortir.
Mais les dédicaces, tu les fais où ? Uniquement dans les salons ?
Non, je ne vais plus en salons, où la concurrence est exacerbée (même s'il y a de la bonne humeur et si ça fait plaisir de retrouver des consœurs et confrères). Pour avoir un aperçu représentatif, regarde la colonne de droite de ce blog, mes dédicaces y sont indiquées. :)
Merci pour cet article. Personnellement, j'ai parfois utilisé le dépôt vente mais je préfère de loin proposer un compte ferme au libraire avec 50% de remise. C'est gagnant-gagnant. Beaucoup de libraires sont en train de mourir et il faut trouver un moyen de faire vivre et ces derniers et les auteurs.
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