De la même manière qu'il existe des organismes de mesure de
la pollution de l'air, comme Airparif en Ile-de-France, on pourrait
inventer MédiasTox, un organisme chargé de mesurer la
toxicité des médias. Les médias les plus invasifs que sont la
télévision et la radio seraient bien sûr les premiers "mesurés". Les
présentateurs télé ont d'ailleurs déjà commencé une
démarche d'auto-évaluation, puisqu'ils informent souvent ainsi :
"attention, les images suivantes peuvent heurter la sensibilité des
jeunes téléspectateurs". Mais il s'agirait d'aller plus loin,
en mesurant l'impact des informations sur le moral des personnes qui
y sont soumises. Une démarche d'utilité publique, donc, qui pourrait
permettre de faire diminuer la consommation
d'antidépresseurs, de produits addictifs tels que l'alcool et le
tabac, voire, de manière plus générale, la surconsommation induite par
l'état de stress...
A titre personnel, je n'aime pas trop les messages un peu hypocrites
du style : "fumer tue", ou "évitez de grignoter entre les repas". Mais,
s'ils sont une manière d'évacuer les problèmes et de
dire en quelque sorte, "je m'en lave les mains", ils peuvent
peut-être chez certains provoquer une prise de conscience. De la même
manière, avant les flashs infos, on pourrait peut-être passer
des messages du style : "l'abus d'informations anxiogènes peut
provoquer des états de stress ou une aggravation d'états dépressifs,
chez l'enfant comme chez l'adulte". Cela permettrait
peut-être de faire baisser le trou de la Sécu.
Par ailleurs, un site qui évaluerait l'anxiété générée par les
informations sur une échelle de 1 à 10 permettrait à chacun de regarder
des flashs infos ou d'écouter la radio en toute connaissance
de cause, en sachant ce qui l'attend et donc, en renforçant plus ou
moins ses propres défenses.
Et la liberté de la presse, dans tout ça ?
Il s'agit effectivement du point le plus délicat. MédiasTox serait
un instrument, rappelons-le, de mesure et non de contrôle de la toxicité
de l'information, à savoir que l'organisme n'aurait
aucun droit de préconisation d'aucune sorte pouvant porter atteinte à
la liberté de la presse. La toxicité serait évaluée à posteriori de
chaque journal, afin que l'organisme ne puisse s'arroger
des droits sur l'information supérieurs à ceux du citoyen.
Mais, même ainsi, les médias eux-mêmes, en découvrant la toxicité
des informations qu'ils délivrent, pourraient être tentés de
s'autocensurer. Là n'est pas le but recherché, il ne s'agit pas non
plus de fermer les yeux sur les drames du monde ni de faire
l'autruche. Les journalistes devront s'en tenir à ce qu'ils faisaient
avant, ni plus ni moins.
Pour ce qui est de la mesure de la toxicité de l'info sur Internet,
cela semble beaucoup moins praticable, mais Internet est aussi un média
qui peut s'autoréguler, des sites comme Hoaxbuster le
prouvent.
Après, vous me direz, comment déterminer ce qui est toxique de ce
qui ne l'est pas ? De par les informations traitées, bien sûr, mais
aussi de par la manière dont on les traite. Des termes comme
"alarmant", "anormal", "préoccupant", "inquiétant", "crise",
"choquant", sont des termes anxiogènes. Il ne s'agirait pas de les
interdire, bien au contraire, mais que l'organisme les repère pour
les faire entrer dans le champ de son évaluation. L'organisme
pourrait tenir un compte de ces termes, mais uniquement à titre
justificatif, pour qu'il puisse expliquer pourquoi il a évalué la
toxicité de tel journal à 9 sur 10 par exemple.
Je sais déjà que l'on va malgré tout me reprocher de vouloir porter
atteinte à la liberté de la presse, à laquelle je suis profondément
attaché, je sais que l'on va me dire que les dons pour les
réfugiés d'Haïti n'auraient pas été si importants si les journaux
n'avaient fait une telle audience, que vouloir afficher des informations
susceptibles de dissuader les gens d'avoir recours aux
médias, c'est faire acte d'anti-citoyenneté, que les journalistes
sont les premiers défenseurs des droits de l'homme et qu'ils le payent
souvent de leur vie à l'étranger... Je sais tout cela. Il
n'empêche, l'information n'est pas neutre, et son impact dans notre
vie quotidienne est bien réel. Il importe de mesurer au mieux cet impact
pour pouvoir protéger ne serait-ce que les personnes
les plus fragiles.
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