Oligarchique, la grande édition en France ? Remplacez le terme "argent" par "notoriété", et l'on peut en effet y voir une forme d'oligarchie.
La caution de la grande édition, "je vends des livres populaires/des
noms connus pour entraîner dans ce sillage des ouvrages plus
intéressants" se résume de plus en plus à cela, une simple caution
morale.
Imaginez
une industrie qui mettrait toutes ses ressources au service de gagnants
au loto. Qui se concentrerait uniquement sur la gestion de la notoriété
d'auteurs ayant eu la chance de sortir un ou plusieurs best-sellers, ou
de noms déjà connus (stars du show-business, grands sportifs,
personnalités publiques...).
Une
industrie qui bénéficierait de l'appui des médias et des grands groupes
de presse, car incorporée à des multinationales qui contrôlent ces
grands groupes de presse.
Eh bien, vous avez à peu près le sommet de la pyramide de l'édition traditionnelle.
Le système
de la distribution physique, mettant en péril les petites structures
n'ayant pas les reins assez solides pour supporter les retours de
librairies, est à peu près verrouillé par les grands groupes, et
contribue fortement à l'assise de la "grande" édition.
Est-ce que
cela veut dire pour autant qu'un auteur best-seller sera choyé par
l'industrie traditionnelle? Eh bien en apparence seulement, si cet
auteur n'est pas prudent.
Imaginons
par exemple un auteur best-seller qui ait le snobisme (ou la fortune
personnelle) de dire qu'il ou elle ne fait pas cela pour l'argent. Il y a
fort à parier que si cet auteur ne prend pas en effet les précautions
nécessaires, ne s'entoure pas de négociateurs avisés, il ou elle se
fasse exploiter sans vergogne. S'il n'y a pas à un certain moment un
rapport de force, si l'auteur ne comprend pas qu'il ou elle est son
propre business, la grande majorité des ressources sera canalisée par le
plus fort.
Prenons
maintenant un pays où les choses sont vraiment en train de changer. Les
Etats-Unis - et sans doute aussi l'Angleterre. La grande édition a en
effet vu son verrou sur la distribution sauter en grande partie.
Comment
ce verrou a-t-il pu sauter? Grâce à une décision politique, celle du
Département de Justice américain de poursuivre en justice un cartel de
cinq grands éditeurs et Apple pour entente illégale sur les prix. Cette
décision a permis à Amazon de faire baisser le prix des ebooks en
encourageant les auteurs à s'autopublier, grâce à une forte redevance
d'auteur (et en pratiquant sans doute aussi, il est vrai, une forme de
dumping sur des best-sellers de l'édition traditionnelle), ce qui a
grandement contribué à populariser les ebooks aux Etats-Unis, et donc, à
permettre une distribution numérique et non plus uniquement physique
des livres. Distribution numérique bien plus accessible aux auteurs, et
qui ne comporte aucun retour, donc aucun péril financier.
Vous
avez bien lu. Une décision politique. Même au niveau culturel, la
politique peut avoir un impact immédiat et direct, extrêmement sensible.
En
France, nous avons fait le choix de privilégier le réseau de libraires
et le sommet de l'édition traditionnelle aux dépens des créateurs. C'est
un choix.
A
présent, sur les forums et blogs aux Etats-Unis, nous avons de nombreux
auteurs qui s'expriment. L'un des sujets les plus "chauds" en ce moment,
c'est la clause de non-compétition. Une clause qui force l'auteur édité
à compte d'éditeur à ne sortir aucun livre du même genre littéraire en
auto-édition, ou à ne jamais faire jouer la concurrence des autres
éditeurs en leur proposant un autre livre du même genre.
Cela
supprime de facto la compétion, privilégiant l'éditeur. Si j'étais juge
et que je devais statuer sur ce genre de cas, j'aurais tendance à
considérer que l'éditeur empêchant l'auteur de faire jouer la
concurrence, l'éditeur devient le patron de l'auteur. En clair, le
contrat de l'auteur devient un Contrat à durée indéterminée, et en plus
du revenu des ventes, l'éditeur est astreint à verser un salaire à
l'auteur, de même nature que celui qu'il verse à ses employés, et à
faire bénéficier l'auteur de tous les avantages dont il fait bénéficier
ses employés.
Là, il y aurait une justice.
Un autre sujet fait débat en ce moment, un sondage de Digital Book World, selon lequel la majorité des auteurs aux US gagnent moins de 1000$ par an. Selon ce sondage, "Seulement 10% des auteurs édités traditionnellement gagnent plus de 20 000$ par an et 5% des auteurs autoédités".
C'est une énorme victoire pour les auteurs autoédités: pour 10% d'auteurs édités traditionnellement, combien d'auteurs qui ont envoyé leur manuscrit restent sur le carreau? Le pourcentage des auteurs ayant tenté la voie de l'édition traditionnelle n'est donc pas en réalité de 10%, mais plutôt de l'ordre de 0,1%, ou de 0,01%. Cela prouve que le choix de l'autoédition, lorsque l'on veut devenir auteur et vivre de sa plume, est bien plus viable que celui de l'édition traditionnelle.
C'est une énorme victoire pour les auteurs autoédités: pour 10% d'auteurs édités traditionnellement, combien d'auteurs qui ont envoyé leur manuscrit restent sur le carreau? Le pourcentage des auteurs ayant tenté la voie de l'édition traditionnelle n'est donc pas en réalité de 10%, mais plutôt de l'ordre de 0,1%, ou de 0,01%. Cela prouve que le choix de l'autoédition, lorsque l'on veut devenir auteur et vivre de sa plume, est bien plus viable que celui de l'édition traditionnelle.
Autre
remarque, selon ce sondage, "87,2% des auteurs édités
traditionnellement ne veulent pas passer en autoédité." Malheureusement,
le panel d'auteurs interrogé pour ce sondage n'est pas neutre: Digital
Book World aurait interrogé les auteurs abonnés au Writer Digest, une
publication fortement favorable à l'édition traditionnelle.
Quand je vous parlais du pouvoir des médias et de leurs liens avec l'édition traditionnelle...
Je suis
le premier à déplorer que le vent de fraîcheur ne nous vienne que des
Etats-Unis et que la France, patrie des droits de l'Homme, soit celle
qui bafoue le plus, par ses décisions politiques, de gauche comme de
droite, les droits des créateurs. Mais c'est ainsi. Il y a peut-être une
logique, à ce que le vent du changement vienne du pays d'où émanent le
plus grand nombre de multinationales. Juste retour des choses, en
quelque sorte.
[EDIT 26/01/2014] : sur Facebook, l'un de mes contacts, Alexandre Girardot, a qualifié le système de la grande édition de "pyramide de Ponzi", aussi connu sous le nom de "système de Ponzi". J'y trouve en effet des similitudes. Pas étonnant, après cela, que l'on parle si souvent de "mafia de l'édition"...
[EDIT
2 27/01/2014] : si vous cherchez des exemples de ce nouveau vent qui
souffle aux Etats-Unis en faveur des auteurs indépendants, allez faire
un tour du côté du blog de Hugh Howey (en anglais). L'une des phrases de ce formidable article:
"Speaking of operating with fear as a guid…" ("en parlant d'agir avec
la peur pour guide") revient aussi dans mon propre discours, les
changements en cours ayant tendance à provoquer la peur et le réflexe de
l'autruche.
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