jeudi 6 novembre 2014

[Archive 12 février 2014] Les chiffres de vente étourdissants d'Amazon.com

L'auteur Hugh Howey, aidé par un programmeur/statisticien, révèle sur son site authorearnings.com des chiffres de vente étonnants sur une journée sur le site Amazon.com, dans les catégories Polar/thriller, SF/Fantasy, Romance/érotique, que ce soit des cinq plus gros éditeurs (les Big Five), des petits éditeurs, ou bien sûr des auteurs indépendants (autopubliés). Des statistiques à prendre avec des pincettes, puisqu'il ne s'agit que d'une journée de vente en janvier 2014 sur le seul Amazon.com, et que seuls ont été pris en compte le top 7000, top 2500 et le top 100. Néanmoins, les révélations sont tonitruantes.

Quelle méthodologie pour ces stats étonnantes ? Eh bien, l'étude s'appuie sur des relevés de ventes d'auteurs. Rappelons que chaque livre vendu sur Amazon est classé, et que le classement est clairement indiqué sur le site, et modifié heure par heure. En recoupant suffisamment de ventes sur Amazon.com et de témoignages d'auteur, qui peuvent consulter en temps réel leur nombre de ventes sur leur interface dédiée KDP Publishing, on peut ainsi déterminer des fourchettes de ventes correspondant à des rangs. Il existe même un logiciel amazon.com qui permet à présent de le faire. Ce logiciel est adapté aux rangs Amazon.com, pas aux rangs Amazon.fr. Inutile de s'en servir sur ce dernier site.

J'aime ce genre d'études, car Amazon s'est toujours montré très secret sur les ventes. En même temps qu'une source d'information vitale pour les auteurs, c'est aussi un joli pied de nez à la compagnie américaine.

Il faut garder à l'esprit que les statistiques seront forcément plus favorables aux ventes d'ebooks, puisqu'Amazon pousse à fond les ventes d'ebooks, et puisque les domaines étudiés (genres littéraires) sont très "perméables" à l'ebook aux Etats-Unis. Les stats seront aussi plus favorables aux autoédités, qui se débrouillent beaucoup mieux dans les genres de fiction étudiés que dans les genres purement littéraires, ou historiques, ou religieux, entre autres.

Les stats ne comprennent pas la longue traîne, c'est à dire les livres au-delà de la 7000ème place sur le jour donné. Mais avec les 7000 mieux classés, on a déjà des tendances stratégiquement très importantes qui se dégagent.

Cela ne concerne aussi que les seuls Etats-Unis. En France, je suis persuadé que de nombreux autoédités ont investi le top 100 sur Kindle. Néanmoins, à cause de la politique sur le prix des ebooks et d'une industrie qui se met quasiment exclusivement au service du sommet de la pyramide, le nombre de ventes en ebook n'est absolument pas comparable.

A titre d'information, les parts se rapportant à "uncategorized single author publisher" sont des ventes dont on n'est pas parvenu à déterminer si elles étaient du fait d'autoédités ou de petits éditeurs.

Je vous livre en fin d'article les diagrammes. Voici brut de pomme mes observations:

- Dans le top 7000, les commentaires sur les livres (1er tableau) obtiennent en moyenne des notes plus élevées pour les autoédités que pour les gros éditeurs (Big Five), ce qui suit d'ailleurs la courbe des prix: plus les prix des ebooks sont élevés, moins les commentaires deviennent favorables, l'expérience de lecture s'avérant moins satisfaisante à prix trop élevé. 



- les auteurs autoédités publient davantage de livres dans les genres concernés (2ème tableau) que les cinq plus gros éditeurs, mais pas beaucoup plus: 35% pour les indépendants contre 28% pour les gros éditeurs. Qu'est-ce que j'en déduis? Que tous ceux qui disent que les auteurs indépendants envahissent le marché avec des torrents d'ebooks feraient mieux de balayer devant leur porte. La surproduction est d'abord le fait des gros éditeurs. Si on ajoute les petits et moyens éditeurs et les gros éditeurs, les autoédités sont derrière. Oui, vous avez bien lu, les autoédités publient moins d'ebooks que les éditeurs.



- l'une des plus grosses révélations, c'est que parmi les bestsellers par genre, en nombre de ventes sur une journée (là encore, il nous faudrait des données annuelles pour les fiabiliser, parce qu'il y a des périodes beaucoup plus propice aux gros éditeurs), les autoédités sont à 39% et les cinq plus gros éditeurs à 34%. C'est énorme pour les autoédités. Nous sommes vraiment une force sur laquelle il faut compter en termes de volume. 



- les deux stats les plus époustouflantes pour moi ont été le rapport entre ebooks vendus et livres papier sur le top 100 et sur le top 2500: 92% des ventes du top 100 sont des ebooks kindle, et sur le top 2500, le chiffre reste à 86%. Les 14% restants se partagent entre livres audio (4%), livres reliés, à couverture souple et livres de poche, qui à eux trois ne représentent que 10%! C'est à dire que lorsque vous avez 10 livres vendus sur Amazon aux Etats-Unis, vous en avez en gros 9 qui sont des ebooks, et seulement un qui est un livre papier! Wow!



- le tableau suivant montre pourquoi les Big 5 sont encore là: ce sont eux qui ont les plus gros revenus (52% des revenus, alors qu'ils n'ont que 28% des titres). Pas étonnant, ils mettent les ebooks trop cher. Les ebooks sont pour eux très profitables, mais cette profitabilité se fait essentiellement sur le dos des auteurs, comme le montre le graphique suivant. 


- en comparaison des autres auteurs, les auteurs autoédités représentent 47% du revenu journalier. Pourquoi un chiffre aussi important? Parce qu'Amazon se montre généreux sur sa redevance d'auteur aux autoédités. Amazon est d'ailleurs tout aussi généreux avec les auteurs publiés par ses maisons d'édition internes.  Les auteurs des cinq plus grosses maisons d'édition ne récupèrent que 32% du revenu journalier, alors même que leurs maisons d'édition captent 52% des profits! Ils se font clairement avoir. La vraie question est pour eux de savoir si les ventes papier compensent ces sacrifices. Pour les best-sellers, sans doute, mais pas sur Amazon.com, en tout cas, étant donné le faible nombre de livres papier désormais vendus sur Amazon.com (en tout cas sur cette période de l'année, n'oublions pas les précautions d'usage). 

  
- le graph suivant est encore plus précis et "meurtrier" pour les gros éditeurs, qui se taillent la part du lion des revenus sur les ventes d'ebooks du top 7000. Les autoédités s'en tirent incomparablement mieux que les auteurs des petites maisons d'édition, et très nettement mieux que les auteurs des grosses maisons d'édition.

  
- le graph suivant est frappant en ce qu'il montre que l'autoédition est clairement le chemin vers les ventes le plus viable pour les autoédités, si l'on ne prend que les ventes d'ebook. Evidemment, il faut aussi prendre en compte le papier, ce qui n'est fait que sur Amazon avec cette étude, c'est à dire de manière très imparfaite. 


- le dernier graphique montre que les auteurs autoédités qui vendent le plus doivent produire davantage de livres. Mais plus on s'éloigne des bestsellers ayant gagné 1 million de dollars sur un an, plus on se rend compte que les auteurs traditionnels doivent publier davantage de livres pour obtenir une somme équivalente aux auteurs autoédités. Là encore, c'est un mythe qui s'effondre: la surproduction vient bien des éditeurs.


Alors, bien sûr, il faut tenir compte des livres papier. Mais Amazon est le plus gros vendeur de livres au monde. Ses statistiques écrasantes en faveur de l'ebook ne peuvent que peser sur le marché mondial. Etant donné la manière dont les gros éditeurs écrasent le revenu des auteurs sous leur panse bien grasse, il faudra vraiment que les auteurs traditionnellement édités qui n'ont pas pu, comme Stephen King, négocier 50% sur les bénéfices du livre papier, en vendent beaucoup pour compenser les pertes de revenus liées à l'ebook.

Ces statistiques sont propres aux Etats-Unis, et à Amazon.com. Mais en édition comme ailleurs, les Etats-Unis montrent souvent la voie...

[EDIT 06/11/2014] Le site authorearnings.com continue de sortir des rapports tous les 3-4 mois. Ils restent toujours aussi intéressants pour les auteurs qui se demandent quel est le meilleur choix de publication. Ils ne sont pas encore tout à fait extrapolables pour la France, puisque le marché du numérique reste inférieur à celui du papier, mais il faut garder à l'esprit que les éditeurs en Europe font tout ce qui est en leur pouvoir, y compris politiquement, pour que le rapport de force avec les auteurs leur reste favorable. Je dirais que le tableau qu'il faut regarder en priorité en France, le plus pertinent, est le n°7, "Daily Revenue to Author, Publisher and Amazon", qui démontre qu'en étant édité par un éditeur, un auteur perdra beaucoup d'argent sur l'ebook, qui représente l'avenir, même en France. Dernier rapport d'authorearnings  Tous les rapports

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