L'auteur Hugh Howey, aidé par un programmeur/statisticien, révèle sur son site authorearnings.com des chiffres de vente étonnants sur une journée sur le site Amazon.com,
dans les catégories Polar/thriller, SF/Fantasy, Romance/érotique, que
ce soit des cinq plus gros éditeurs (les Big Five), des petits éditeurs,
ou bien sûr des auteurs indépendants (autopubliés). Des statistiques à
prendre avec des pincettes, puisqu'il ne s'agit que d'une journée de
vente en janvier 2014 sur le seul Amazon.com, et que seuls ont été pris en compte le top 7000, top 2500 et le top 100. Néanmoins, les révélations sont tonitruantes.
Quelle
méthodologie pour ces stats étonnantes ? Eh bien, l'étude s'appuie sur
des relevés de ventes d'auteurs. Rappelons que chaque livre vendu sur
Amazon est classé, et que le classement est clairement indiqué sur le
site, et modifié heure par heure. En recoupant suffisamment de ventes sur Amazon.com et de témoignages d'auteur,
qui peuvent consulter en temps réel leur nombre de ventes sur leur
interface dédiée KDP Publishing, on peut ainsi déterminer des
fourchettes de ventes correspondant à des rangs. Il existe même un logiciel amazon.com qui permet à présent de le faire. Ce logiciel est adapté aux rangs Amazon.com, pas aux rangs Amazon.fr. Inutile de s'en servir sur ce dernier site.
J'aime
ce genre d'études, car Amazon s'est toujours montré très secret sur les
ventes. En même temps qu'une source d'information vitale pour les
auteurs, c'est aussi un joli pied de nez à la compagnie américaine.
Il faut
garder à l'esprit que les statistiques seront forcément plus favorables
aux ventes d'ebooks, puisqu'Amazon pousse à fond les ventes d'ebooks, et
puisque les domaines étudiés (genres littéraires) sont très
"perméables" à l'ebook aux Etats-Unis. Les stats seront aussi plus
favorables aux autoédités, qui se débrouillent beaucoup mieux dans les
genres de fiction étudiés que dans les genres purement littéraires, ou
historiques, ou religieux, entre autres.
Les stats
ne comprennent pas la longue traîne, c'est à dire les livres au-delà de
la 7000ème place sur le jour donné. Mais avec les 7000 mieux classés, on
a déjà des tendances stratégiquement très importantes qui se dégagent.
Cela ne
concerne aussi que les seuls Etats-Unis. En France, je suis persuadé que
de nombreux autoédités ont investi le top 100 sur Kindle. Néanmoins, à
cause de la politique sur le prix des ebooks et d'une industrie qui se met quasiment exclusivement au service du sommet de la pyramide, le nombre de ventes en ebook n'est absolument pas comparable.
A titre
d'information, les parts se rapportant à "uncategorized single author
publisher" sont des ventes dont on n'est pas parvenu à déterminer si
elles étaient du fait d'autoédités ou de petits éditeurs.
Je vous livre en fin d'article les diagrammes. Voici brut de pomme mes observations:
-
Dans le top 7000, les commentaires sur les livres (1er tableau)
obtiennent en moyenne des notes plus élevées pour les autoédités que
pour les gros éditeurs (Big Five), ce qui suit d'ailleurs la courbe des
prix: plus les prix des ebooks sont élevés, moins les commentaires
deviennent favorables, l'expérience de lecture s'avérant moins
satisfaisante à prix trop élevé.
- les
auteurs autoédités publient davantage de livres dans les genres
concernés (2ème tableau) que les cinq plus gros éditeurs, mais pas
beaucoup plus: 35% pour les indépendants contre 28% pour les gros
éditeurs. Qu'est-ce que j'en déduis? Que tous ceux qui disent que les
auteurs indépendants envahissent le marché avec des torrents d'ebooks
feraient mieux de balayer devant leur porte. La surproduction est
d'abord le fait des gros éditeurs. Si on ajoute les petits et moyens
éditeurs et les gros éditeurs, les autoédités sont derrière. Oui, vous
avez bien lu, les autoédités publient moins d'ebooks que les éditeurs.
- l'une
des plus grosses révélations, c'est que parmi les bestsellers par genre,
en nombre de ventes sur une journée (là encore, il nous faudrait des
données annuelles pour les fiabiliser, parce qu'il y a des périodes
beaucoup plus propice aux gros éditeurs), les autoédités sont à 39% et
les cinq plus gros éditeurs à 34%. C'est énorme pour les autoédités.
Nous sommes vraiment une force sur laquelle il faut compter en termes de
volume.
-
les deux stats les plus époustouflantes pour moi ont été le rapport
entre ebooks vendus et livres papier sur le top 100 et sur le top 2500:
92% des ventes du top 100 sont des ebooks kindle, et sur le top 2500, le
chiffre reste à 86%. Les 14% restants se partagent entre livres audio
(4%), livres reliés, à couverture souple et livres de poche, qui à eux
trois ne représentent que 10%! C'est à dire que lorsque vous avez 10
livres vendus sur Amazon , vous en avez en gros 9 qui sont des ebooks, et seulement un qui est un livre papier! Wow!
- le
tableau suivant montre pourquoi les Big 5 sont encore là: ce sont eux
qui ont les plus gros revenus (52% des revenus, alors qu'ils n'ont que
28% des titres). Pas étonnant, ils mettent les ebooks trop cher. Les
ebooks sont pour eux très profitables, mais cette profitabilité se fait
essentiellement sur le dos des auteurs, comme le montre le graphique
suivant.
-
en comparaison des autres auteurs, les auteurs autoédités représentent
47% du revenu journalier. Pourquoi un chiffre aussi important? Parce
qu'Amazon se montre généreux sur sa redevance d'auteur aux autoédités.
Amazon est d'ailleurs tout aussi généreux avec les auteurs publiés par
ses maisons d'édition internes. Les auteurs des cinq plus grosses
maisons d'édition ne récupèrent que 32% du revenu journalier, alors même
que leurs maisons d'édition captent 52% des profits! Ils se font
clairement avoir. La vraie question est pour eux de savoir si les ventes
papier compensent ces sacrifices. Pour les best-sellers, sans doute,
mais pas sur Amazon.com, en tout cas, étant donné le faible nombre de livres papier désormais vendus sur Amazon.com (en tout cas sur cette période de l'année, n'oublions pas les précautions d'usage).
-
le graph suivant est encore plus précis et "meurtrier" pour les gros
éditeurs, qui se taillent la part du lion des revenus sur les ventes
d'ebooks du top 7000. Les autoédités s'en tirent incomparablement mieux
que les auteurs des petites maisons d'édition, et très nettement mieux
que les auteurs des grosses maisons d'édition.
-
le graph suivant est frappant en ce qu'il montre que l'autoédition est
clairement le chemin vers les ventes le plus viable pour les autoédités,
si l'on ne prend que les ventes d'ebook. Evidemment, il faut aussi
prendre en compte le papier, ce qui n'est fait que sur Amazon avec cette
étude, c'est à dire de manière très imparfaite.
-
le dernier graphique montre que les auteurs autoédités qui vendent le
plus doivent produire davantage de livres. Mais plus on s'éloigne des
bestsellers ayant gagné 1 million de dollars sur un an, plus on se rend
compte que les auteurs traditionnels doivent publier davantage de livres
pour obtenir une somme équivalente aux auteurs autoédités. Là encore,
c'est un mythe qui s'effondre: la surproduction vient bien des éditeurs.
Alors,
bien sûr, il faut tenir compte des livres papier. Mais Amazon est le
plus gros vendeur de livres au monde. Ses statistiques écrasantes en
faveur de l'ebook ne peuvent que peser sur le marché mondial. Etant
donné la manière dont les gros éditeurs écrasent le revenu des auteurs
sous leur panse bien grasse, il faudra vraiment que les auteurs
traditionnellement édités qui n'ont pas pu, comme Stephen King, négocier
50% sur les bénéfices du livre papier, en vendent beaucoup pour
compenser les pertes de revenus liées à l'ebook.
Ces statistiques sont propres aux Etats-Unis, et à Amazon.com. Mais en édition comme ailleurs, les Etats-Unis montrent souvent la voie...
[EDIT 06/11/2014] Le site authorearnings.com continue de sortir des rapports tous les 3-4 mois. Ils restent toujours aussi intéressants pour les auteurs qui se demandent quel est le meilleur choix de publication. Ils ne sont pas encore tout à fait extrapolables pour la France, puisque le marché du numérique reste inférieur à celui du papier, mais il faut garder à l'esprit que les éditeurs en Europe font tout ce qui est en leur pouvoir, y compris politiquement, pour que le rapport de force avec les auteurs leur reste favorable. Je dirais que le tableau qu'il faut regarder en priorité en France, le plus pertinent, est le n°7, "Daily Revenue to Author, Publisher and Amazon", qui démontre qu'en étant édité par un éditeur, un auteur perdra beaucoup d'argent sur l'ebook, qui représente l'avenir, même en France. Dernier rapport d'authorearnings Tous les rapports
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