Un article très
synthétique sur l'affaire de collusion sur les prix des ebooks entre
Apple et les éditeurs m'a été signalé sur le site Macgeneration.
Cet article, contrairement à ceux d'ActuaLitté,
reste factuel et ne prend pas parti. Néanmoins, il suffit de le lire
pour ne plus guère avoir de doute sur la collusion en question.
Voici les réflexions que j'en tire :
- Historiquement, cette collusion autour de l'accord d'agence est
favorable au développement de l'ebook, car elle a contraint tous les
grands éditeurs à s'y mettre. Néanmoins, on voit bien de
quel côté est l'avidité : les éditeurs gagnent énormément sur la
vente d'ebooks.
- Comme le dit Steve Jobs, cet accord aura contribué, très
certainement, à un bien meilleur dynamisme des concurrents d'Amazon
comme Barnes & Noble avec son Nook, et comme Kobo : en ayant la
possibilité de vendre les ebooks des grands éditeurs, même à prix
(trop) élevé, ils ont pu attirer des lecteurs et lancer leur business
dans de bonnes conditions.
- Cet accord aura été aussi favorable aux autoédités, en
contraignant Amazon à se tourner vers eux pour contrecarrer les éditeurs
en s'appuyant sur les prix très attractifs des autoédités. Cela
confirme mon hypothèse selon laquelle c'est grâce à Apple que les
auteurs indépendants et les éditeurs bénéficient d'une remise de 70%
(auparavant, on était à 30% chez Amazon, aux
Etats-Unis).
- On parle beaucoup de la vente à perte d'Amazon : elle semble bien
avoir eu lieu en effet, mais uniquement pour des best-sellers. Amazon
aurait perdu trop d'argent s'ils l'avaient fait pour tous
les livres des éditeurs concernés. Par ailleurs, le nouvel agrément
du Département américain de la Justice interdit la vente à perte.
- Je ne pense pas qu'Amazon aurait réussi à contraindre les grands
éditeurs à vendre à plus bas prix comme le disait Steve Jobs dans
l'article de Macgeneration : "vous restez sur les 9,99$
d'Amazon. Vous gagnerez un peu plus d'argent sur le court terme,
mais à moyen terme, Amazon vous dira qu'ils vont vous payer 70% de 9,99$ (sous-entendu, encore moins que le prix de vente - à
perte - pratiqué par la firme de Jeff Bezos, ndr). Eux aussi ont des actionnaires." A mon avis, les grands éditeurs auraient retiré leurs best-sellers du Kindle Store dans ce cas.
- L'article confirme bien qu'il y a eu collusion entre les grands
éditeurs et Apple, avec pour effet de monter les prix des ebooks aux
dépens des lecteurs.
- Je suis d'accord pour dire qu'Amazon n'est pas un blanc mouton et
qu'il poursuit des buts hégémoniques, mais ni plus ni moins que ses
concurrents. Et c'est apparemment le seul acteur dont le
modèle économique est vraiment favorable aux lecteurs, avec cette
volonté de faire baisser les prix. D'où le fait qu'il ait été favorisé
par le Département américain de la justice (DoJ).
- Apple, Macmillan et Penguin ont eu tort de ne pas accepter
l'accord proposé par le DoJ : ils vont maintenant avoir affaire aux
avocats anti-trust du gouvernement américain. Le dernier grand
acteur à avoir eu affaire à eux est Microsoft, pour son procès
d'abus de position dominante. Les analystes estiment que Crosoft a perdu
sa position dominante au profit d'Apple suite à ce procès.
Apple sera peut-être moins touché, mais si jamais les avocats
anittrust du gouvernement fourrent leur nez dans les comptes des
éditeurs Penguin et Macmillan (et ils le feront certainement), ils
vont très certainement découvrir des pratiques d'un autre âge,
notamment dans les rapports avec les agents et les auteurs et dans les
droits d'auteur versés à ces derniers.
- En général, les gouvernements laissent les grands éditeurs commettre tranquillement leurs petits crimes en famille.
S'ils se
sont d'un seul coup retrouvé dans le collimateur du DoJ, c'est tout
simplement parce que celui-ci a le regard rivé sur les grands groupes
comme Apple, Microsoft et Google.
A voir aussi, l'info sur le blog Aldus. Mon avis diverge totalement par
rapport à la conclusion de l'article d'Aldus : C'est
Amazon qui doit se frotter les mains et nous français de bénir notre
loi sur le
prix unique qui nous met à l'abri de la prédation par les prix.
Quelle serait la situation en France à l'heure où je vous parle...
Le prix
unique des ebooks fait perdre chaque jour beaucoup d'argent aux
personnes qui achètent des ebooks. Il protège sans contrepartie
les grands éditeurs, qui exploitent sans vergogne les auteurs et les
lecteurs. Ce prix unique, en garantissant des prix hauts pour les
ebooks (du moins tant qu'en France, une enquête n'aura pas
mis en évidence la collusion des grands éditeurs sur ces prix hauts
visant à protéger le livre de poche), nuit également à l'attractivité
des lecteurs d'ebooks, et à tous les acteurs comme Kobo,
Sony, Bookeen ou Amazon qui en bénéficient. Et bien sûr, par
ricochet, aux petits éditeurs et auteurs indépendants.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire