mercredi 24 septembre 2014

[Archive 24/09/2013] La guerre des commentaires aux Etats-Unis

La guerre des commentaires frauduleux sur les sites de ventes continue à faire rage aux Etats-Unis. On le sait, ces commentaires frauduleux touchent de nombreuses variétés de sites sur Internet, et les autorités new-yorkaises commencent à sévir sérieusement à ce sujet. Ce qui m'intéresse ici bien sûr, c'est avant tout les commentaires de livres et ebooks sur Amazon. Avec, en toile de fond, les manoeuvres de l'édition traditionnelle pour discréditer l'autoédition.



Dans un récent développement, l'auteur Hugh Howey, dont l'ouvrage Wool a été commenté plus de 6200 fois sur le seul Amazon, a décidé de s'expliquer sur son blog. Hugh Howey est l'un des auteurs indépendants les plus emblématiques, l'un des rares à avoir obtenu de l'un des cinq grands éditeurs aux Etats-Unis de garder ses droits sur ses ebooks. Et surtout, il a expliqué comment il a mené ses négociations. Le but ? Permettre aux auteurs d'obtenir de meilleurs contrats. Pour cela bien évidemment, je le respecte et l'admire énormément.



Pourquoi, alors, Hugh Howey a-t-il fait le serment sur sa vie (et sur Jolie, sa chienne préférée décédée), de n'avoir jamais acheté un commentaire ? Tout simplement parce qu'on l'accuse de l'avoir fait. Et pas seulement lui, de très nombreux auteurs autoédités également.



Et c'est là que le bât blesse : le site Amazon Alert : your guide to unethical authors (Alerte Amazon : votre guide des auteurs immoraux), se présentant comme un collectif de citoyens en ayant assez des commentaires faussés, ne liste que des auteurs autoédités ou issus de l'autoédition, comme Amanda Hocking. Y est aussi cité Joe Konrath, l'un des porte-paroles les plus en vue (et en voix) de l'autoédition.



Je l'ai vérifié personnellement, pratiquement tous les auteurs incriminés qui semblent être publiés par une maison d'édition de cette liste sont en réalité autoédités.



Quelle est la crédibilité de ces accusations ? Eh bien, du moment que le site ne livre aucune preuve, on serait tenté de répondre aucune. Lorsqu'on parcourt la liste des auteurs incriminés sur Amazon, il faut reconnaître qu'ils ont tous de nombreux commentaires, mais du moment que ce sont des auteurs qui vendent bien, il est normal qu'ils en aient. Amazon Alert parle aussi du pourcentage de commentaires favorables à Hugh Howey, très élevé, mais cela reste à vérifier.



Amazon Alert cite néanmoins deux sources intéressantes, le site Fiverr et le site qui a fermé, http://www.GettingBookReviews.com. C'est sur ce dernier site que l'auteur autoédité John Locke a reconnu avoir acheté des commentaires payants. Amazon Alert aurait obtenu les noms des auteurs qui ont eu recours à ce site, ainsi qu'à Fiverr.



Je l'avoue, ce que j'attendais avec impatience en parcourant cette liste, c'était de découvrir des auteurs publiés par de grandes maisons d'édition, qui ne soient pas des porte-étendards de l'édition indépendante, ou autoédition.



Eh bien il n'y en a pas.



Est-ce que cela signifie que toutes les grandes maisons d'édition qui publient des auteurs célèbres sont pures et innocentes comme l'agneau qui vient de naître ? Là, j'ai comme un doute, vous voyez.



Souvenez-vous de mon article S'acheter une place sur la liste des best-sellers. L'auteur Soren Kaplan disait que les manoeuvres consistant à faire acheter son livre en masse par des sociétés tierce pour qu'il apparaisse dans les premiers rangs sur la liste des best-sellers était une pratique courante dans les grandes maisons d'édition. Il ne parlait pas de commentaires payés, mais à partir du moment où vous vous achetez des places, la frontière éthique avec le fait de s'acheter des commentaires me semble tout de même très perméable.  



C'est bien là le talon d'achille de la vente sur Internet : de la même manière que les athlètes se dopent, lorsque vous n'avez plus que du virtuel, l'un des rares leviers à votre disposition pour faire progresser les ventes, ce sont les commentaires. Cela ne justifie bien sûr en rien le fait d'acheter les commentaires, de même que le dopage est injustifiable d'un point de vue moral.



Comment pourraient réagir les auteurs indépendants américains face à cette campagne menée contre eux ? Eh bien, en enquêtant à leur tour sur les pratiques moralement condamnables des grandes maisons d'édition, et en les dénonçant au grand jour. Le problème étant bien sûr que beaucoup d'auteurs, y compris autoédités, marchent sur des oeufs : ils ne veulent pas être blacklistés par les maisons d'édition traditionnelles dans l'espoir de vendre des livres papier, et ils ne souhaitent pas non plus que les fans d'auteurs publiés par des maisons d'édition traditionnelles et qui seraient mis en cause s'en prennent à eux à l'aide de "campagnes de commentaires 1 étoile" sur Amazon ou sur GoodReads.



Et il faut savoir que sur le site de lecture GoodReads (racheté par Amazon), justement, le règlement vient de changer et les commentaires axés sur le comportement des auteurs sont désormais supprimés. Et ce, pour tenter de limiter les commentaires qui ne soient pas axés sur les livres. Cela n'est pas arrivé comme ça, mais bien suite à de nombreuses campagnes de dénigrement et de lynchage online. Oui, la guerre fait rage aux Etats-Unis.



Je suis bien sûr contre le fait de payer des commentaires ou des ventes. On peut imaginer, comme Hugh Howey le fait sur son blog, que quelqu'un en voulant à un auteur autoédité à succès lui achète des commentaires (y compris des commentaires disant du bien de son livre) pour le décrédébiliser. Quel serait le moyen de se défendre, si l'auteur a déjà par lui-même obtenu plus d'une centaine de commentaires ?



Ces guerres qui sont menées ont pour but primaire ou secondaire de décrédibiliser la vente sur Internet, et en particulier sur Amazon. Au profit d'éditeurs qui maîtrisent le réseau de distribution physique des livres.



Il est très très difficile de se défendre lorsqu'on est accusé d'avoir acheté des commentaires. C'est l'une des raisons pour lesquelles le système de commentaires d'Amazon me semble être mis en péril par ce qui est en train de se passer.



A l'avenir, lorsqu'on vous dira que tel ou tel auteur a triché, méfiez-vous, regardez les pratiques de la concurrence, et surtout, lisez au moins les extraits de livre pour vous faire votre propre opinion. Ce sont les livres qui doivent parler pour les auteurs, pas les campagnes de dénigrement infondées sur le net.

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