La guerre des commentaires frauduleux sur
les sites de ventes continue à faire rage aux Etats-Unis. On le sait,
ces commentaires frauduleux touchent de nombreuses variétés de sites sur
Internet, et les autorités new-yorkaises commencent à sévir sérieusement à ce sujet.
Ce qui m'intéresse ici bien sûr, c'est avant tout les commentaires de
livres et ebooks sur Amazon. Avec, en toile de fond, les manoeuvres de
l'édition traditionnelle pour discréditer l'autoédition.
Dans un récent développement, l'auteur Hugh Howey, dont l'ouvrage Wool a été commenté plus de 6200 fois sur le seul Amazon, a décidé de s'expliquer sur son blog.
Hugh Howey est l'un des auteurs indépendants les plus emblématiques,
l'un des rares à avoir obtenu de l'un des cinq grands éditeurs aux
Etats-Unis de garder ses droits sur ses ebooks. Et surtout,
il a expliqué comment il a mené ses négociations. Le but ? Permettre
aux auteurs d'obtenir de meilleurs contrats. Pour cela bien évidemment,
je le respecte et l'admire énormément.
Pourquoi,
alors, Hugh Howey a-t-il fait le serment sur sa vie (et sur Jolie, sa
chienne préférée décédée), de n'avoir jamais acheté un commentaire ?
Tout simplement parce qu'on l'accuse de l'avoir fait. Et pas seulement
lui, de très nombreux auteurs autoédités également.
Et c'est là que le bât blesse : le site Amazon Alert : your guide to unethical authors
(Alerte Amazon : votre guide des auteurs immoraux), se présentant comme
un collectif de citoyens en ayant assez des commentaires faussés, ne
liste que des auteurs autoédités ou issus de l'autoédition, comme Amanda
Hocking. Y est aussi cité Joe Konrath, l'un des porte-paroles les plus
en vue (et en voix) de l'autoédition.
Je l'ai vérifié personnellement, pratiquement tous les auteurs incriminés qui semblent être publiés par une maison d'édition de cette liste sont en réalité autoédités.
Quelle
est la crédibilité de ces accusations ? Eh bien, du moment que le site
ne livre aucune preuve, on serait tenté de répondre aucune. Lorsqu'on
parcourt la liste des auteurs incriminés sur Amazon, il faut reconnaître
qu'ils ont tous de nombreux commentaires, mais du moment que ce sont
des auteurs qui vendent bien, il est normal qu'ils en aient. Amazon
Alert parle aussi du pourcentage de commentaires favorables à Hugh
Howey, très élevé, mais cela reste à vérifier.
Amazon Alert cite néanmoins deux sources intéressantes, le site Fiverr et le site qui a fermé, http://www.GettingBookReviews.com.
C'est sur ce dernier site que l'auteur autoédité John Locke a reconnu
avoir acheté des commentaires payants. Amazon Alert aurait obtenu les
noms des auteurs qui ont eu recours à ce site, ainsi qu'à Fiverr.
Je
l'avoue, ce que j'attendais avec impatience en parcourant cette liste,
c'était de découvrir des auteurs publiés par de grandes maisons
d'édition, qui ne soient pas des porte-étendards de l'édition
indépendante, ou autoédition.
Eh bien il n'y en a pas.
Est-ce
que cela signifie que toutes les grandes maisons d'édition qui publient
des auteurs célèbres sont pures et innocentes comme l'agneau qui vient
de naître ? Là, j'ai comme un doute, vous voyez.
Souvenez-vous de mon article S'acheter une place sur la liste des best-sellers.
L'auteur Soren Kaplan disait que les manoeuvres consistant à faire
acheter son livre en masse par des sociétés tierce pour qu'il apparaisse
dans les premiers rangs sur la liste des best-sellers était une
pratique courante dans les grandes maisons d'édition. Il ne parlait pas
de commentaires payés, mais à partir du moment où vous vous achetez des
places, la frontière éthique avec le fait de s'acheter des commentaires
me semble tout de même très perméable.
C'est
bien là le talon d'achille de la vente sur Internet : de la même
manière que les athlètes se dopent, lorsque vous n'avez plus que du
virtuel, l'un des rares leviers à votre disposition pour faire
progresser les ventes, ce sont les commentaires. Cela ne justifie bien
sûr en rien le fait d'acheter les commentaires, de même que le dopage
est injustifiable d'un point de vue moral.
Comment
pourraient réagir les auteurs indépendants américains face à cette
campagne menée contre eux ? Eh bien, en enquêtant à leur tour sur les
pratiques moralement condamnables des grandes maisons d'édition, et en
les dénonçant au grand jour. Le problème étant bien sûr que beaucoup
d'auteurs, y compris autoédités, marchent sur des oeufs : ils ne veulent
pas être blacklistés par les maisons d'édition traditionnelles dans
l'espoir de vendre des livres papier, et ils ne souhaitent pas non plus
que les fans d'auteurs publiés par des maisons d'édition traditionnelles
et qui seraient mis en cause s'en prennent à eux à l'aide de "campagnes
de commentaires 1 étoile" sur Amazon ou sur GoodReads.
Et il faut savoir que sur le site de lecture GoodReads (racheté par Amazon), justement, le règlement vient de changer et les commentaires axés sur le comportement des auteurs sont désormais supprimés.
Et ce, pour tenter de limiter les commentaires qui ne soient pas axés
sur les livres. Cela n'est pas arrivé comme ça, mais bien suite à de
nombreuses campagnes de dénigrement et de lynchage online. Oui, la
guerre fait rage aux Etats-Unis.
Je
suis bien sûr contre le fait de payer des commentaires ou des ventes.
On peut imaginer, comme Hugh Howey le fait sur son blog, que quelqu'un
en voulant à un auteur autoédité à succès lui achète des commentaires (y
compris des commentaires disant du bien de son livre) pour le
décrédébiliser. Quel serait le moyen de se défendre, si l'auteur a déjà
par lui-même obtenu plus d'une centaine de commentaires ?
Ces
guerres qui sont menées ont pour but primaire ou secondaire de
décrédibiliser la vente sur Internet, et en particulier sur Amazon. Au
profit d'éditeurs qui maîtrisent le réseau de distribution physique des
livres.
Il
est très très difficile de se défendre lorsqu'on est accusé d'avoir
acheté des commentaires. C'est l'une des raisons pour lesquelles le
système de commentaires d'Amazon me semble être mis en péril par ce qui
est en train de se passer.
A
l'avenir, lorsqu'on vous dira que tel ou tel auteur a triché,
méfiez-vous, regardez les pratiques de la concurrence, et surtout, lisez
au moins les extraits de livre pour vous faire votre propre opinion. Ce
sont les livres qui doivent parler pour les auteurs, pas les campagnes
de dénigrement infondées sur le net.
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