mardi 14 août 2018

Compétition ou coopération ?

Le glyphosate est aux agriculteurs ce que les produits dopants sont aux coureurs cyclistes. Cet herbicide si efficace est un véritable symbole : celui d'une société pour laquelle la notion de compétition mondiale est si importante qu'elle préfère s'autodétruire plutôt que de revenir sur son modèle économique. A ce titre, il n'est pas étonnant que l'Europe, qui s'est bâtie autour de la notion de compétition économique mondiale, soit l'un des défenseurs les plus ardents du glyphosate. 

Je discutais cet été avec l'un de mes cousins de la fin de ma nouvelle de Science-fiction Marinopolis. Sans trop spoiler, je peux dévoiler ici que le héros se demande si la civilisation humaine n'est pas l'équivalent des termites, exploitant une planète jusqu'au trognon pour ensuite passer à la suivante. 

Une vision négative, je vous l'accorde, alors que mes propres goûts littéraires me portent vers une SF plus optimiste, celle d'Asimov par exemple. Une autre nouvelle de mon recueil Les Explorateurs, Entre deux feux, propose d'ailleurs un modèle beaucoup plus en harmonie avec la nature. 

Eh bien, mon cousin Philippe m'a révélé que les tribus aborigènes d'Australie surnommaient justement "termite" l'homme occidental. Bien avant d'avoir lu ma nouvelle! ;)

Quand on voit les ravages que cause le glyphosate chez les insectes comme les abeilles, mais aussi les oiseaux, et les cancers qu'il occasionne chez les agriculteurs qui ne s'habillent pas dans une combinaison digne d'un spationaute, la comparaison avec cet insecte destructeur qu'est le termite s'impose en effet. 

Fait ironique, en faisant des recherches sur les Aborigènes, je suis tombé sur cet extrait du livre d'Adolphe Peter Elkin, Les Aborigènes australiens

De notre point de vue, l'Australien est un parasite de la nature; jamais il ne laboure, ne fertilise ni ne sème: il se contente de récolter. Pour se nourrir, il a donc besoin que tout sur la terre continue à se dérouler selon le processus normal, et l'expérience prouve qu'abandonnée à elle-même, la nature se montre capricieuse dans ses effets. Ce sont tantôt périodes de sécheresse, tantôt pluies diluviennes et maladies. Si l'homme veut subsister, il doit parer à de telles calamités ou en raccourcir la durée. En d'autres termes, il lui faut sortir de son inertie, agir, cesser de se comporter en parasite.

On le voit, la notion de "parasite" par rapport à l'homme est liée à la culture, et varie énormément de l'une à l'autre. 

Mais la culture n'est pas non plus inamovible, et se transforme, notamment sous l'effet des courants écologiques, courants qui s'inspirent parfois de modes de pensée autres qu'occidentales, comme justement celui des Aborigènes... Notons qu'Elkin est décédé en 1979, il n'a donc pas vraiment été influencé par les courants écologiques actuels.

Pourquoi utilise-t-on un produit aussi nocif que le glyphosate (et le Roundup) ? Parce qu'il faut produire toujours plus, en raison de la compétition mondiale.

Comme certains pays produisent à très bas coût, le système économique pousse les agriculteurs à se mettre à leur niveau, en recherchant une productivité toujours plus importante, même si la rentabilité reste très discutable. 

Mais la France ne se contente pas de produire pour son marché intérieur. Elle exporte.

Pour exporter ces céréales, notamment, à très bas coût, on va utiliser des porte-conteneurs géants. Comme le révèle cet article de France Inter, "les 15 plus gros navires présents sur les mers du globe répandent, à eux seuls, plus de soufre que toutes les voitures en circulation, et cela sans aucun système de filtration. Ces émissions seraient responsables du décès prématuré de 60 000 personnes en Europe chaque année."

Encore et toujours la théorie du "plus c'est gros, plus ça passe", qui malheureusement se vérifie. Les crimes les plus immenses restent impunis, parce qu'il faut protéger le sacro-saint modèle économique de compétition mondiale. 

Il sera terriblement difficile d'imposer à l'Europe des circuits courts, délivrés des pesticides, privilégiant les cultures bio, parce que cela veut dire que les pays du monde doivent coopérer et non plus se concurrencer. 

Privilégier la coopération plutôt que la compétition. C'est un changement radical de mentalité qui doit s'opérer à l'échelle de l'humanité si nous voulons survivre. 

Sur le plan idéologique, cela signifierait que ce ne seraient plus les économistes qui dirigeraient le monde, en tout cas, plus les économistes du développement à court terme, du profit immédiat.

Et ne croyez pas que les écrivains et auteurs, en tant qu'éminents sages, n'est-ce pas, ne seraient pas affectés (infectés?) par cette mentalité de compétition à tout crin. L'auteur Lee Child, qui est intervenu à plusieurs reprises dans les commentaires du blog de l'auteur Joe Konrath, à l'époque où ce blog était très actif, comparait les auteurs traditionnellement édités et qui vendent à plusieurs millions d'exemplaires, à des joueurs de foot américain de l'élite, alors que les auteurs autoédités n'auraient selon lui appartenu qu'aux divisions inférieures...

EDIT 17/08/2018 : cet article sur l'île de Nauru nous relate l'histoire d'une utopie se fracassant sur la réalité. Là encore, l'aspect "termite" de la société occidentale sans filtre, sans culture, sans valeurs, ressort clairement.

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