vendredi 11 décembre 2020

Jean Castex reconnaît l'échec du reconfinement

Jean Castex n'a pas dû lire mon article de blog du 29 octobre 2020. Dans son allocution du 10 décembre, il a omis de dire: "l'auteur Alan Spade avait raison sur son blog. Le reconfinement tel que nous l'avons mis en place était voué à l'échec". Il s'est contenté de reconnaître son échec à demi-mot, en disant: "la partie est loin d'être gagnée", et en confessant que le nombre de contaminations ne baissera pas à moins de 5000 par jour d'ici le 15 décembre. Il devrait lire mon blog, car je l'avais prédit.

Je ne suis pas Nostradamus. Même avec des variables aussi fluctuantes que celles du covid-19, il était aisé de faire cette prédiction en étant presque sûr de la pertinence de celle-ci. Les principales variables qui fluctuent sont: 

- le comportement du virus, plus agressif l'hiver car il y a beaucoup moins d'évaporation des gouttelettes, qui restent donc actives dans l'air et contaminantes

- le comportement des Français, qui s'est avéré plus adapté à la situation que je ne l'aurais cru

- les avancées médicales, qui permettent de vider les hôpitaux sur un rythme plus rapide qu'ils ne se remplissent, et en particulier pour les services de réanimation, avec une efficacité, là encore supérieure à mes prévisions

Les deux derniers facteurs, quoique positifs, n'ont pas été suffisants pour faire baisser le nombre de contaminations en dessous de 5000 par jour, en raison de l'ouverture des frontières, de l'ouverture maintenue des collèges, lycées et écoles, d'une activité en télétravail limitée, occasionnant de nombreuses personnes dans les transports en commun, et enfin, du fait que tous les Français n'appliquent pas les gestes barrières, nombreux étant ceux qui se contentent de faire semblant de porter le masque.

Jean Castex s'appuie donc sur la baisse assez modérée des hospitalisations et du nombre de personnes en réanimation pour transformer ce confinement en couvre-feu après 20h00. J'avais prédit que le gouvernement serait forcé de maintenir le confinement, je me suis donc trompé. Mais disons-le tout net, c'est surtout parce que j'ai sous-estimé le cynisme de ce gouvernement, qui préfère maintenir l'économie en faisant courir un risque mortel aux plus âgés et aux plus fragiles. 

Rappelons les chiffres les plus importants, ceux que Jean Castex et Olivier Véran n'ont finalement que peu mentionné le 10 décembre: un peu plus de 36 000 morts du covid-19 le 30 octobre 2020, jour du reconfinement, près de 57 000 morts le 10 décembre, jour de l'allocution. Près de 21 000 morts pendant tout le mois du confinement et les dix jours qui ont suivi, c'est beaucoup trop. C'est le chiffre le plus important. La stratégie du gouvernement est inefficace. 

C'est inefficace, d'abord parce que Macron s'y est pris trop tard pour reconfiner, comme il l'a reconnu lui-même dans son discours de reconfinement. Il disait qu'il ne reconfinait qu'à plus de 20 000 contaminations par jour, alors que l'Allemagne prenait des mesures importantes à partir de 6000 contaminations par jour. Il affichait ainsi sa faiblesse de président, en cédant aux Français les plus râleurs.

Mais s'il cédait ainsi aux Français les plus râleurs, c'est qu'il n'avait pas mis de contrat en place avec eux: il n'avait su avoir suffisamment confiance en eux, et obtenir suffisamment de confiance de leur part, pour leur promettre de déconfiner le 15 décembre, et se préparer ainsi à la reprise du travail. 

Et bien sûr, comme je le disais, les mesures étaient loin d'être suffisamment strictes. S'il avait mis en place des mesures suffisamment strictes, le secteur de la culture, notamment, aurait pu être déconfiné le 15 décembre. 

La France, au cours de ce mois et demi de confinement, a connu une mortalité liée au covid similaire à celle des Etats-Unis de Trump, dont les chiffres sont catastrophiques. Les Etats-Unis ont cinq fois plus de population que la France. Donc, 57 000 morts multiplié par cinq, cela fait 285 000. Les Etats-Unis sont aujourd'hui à 292 000. Et ils ont eu Thanksgiving, eux. Nous sommes presque sur le même rythme de mortalité qu'eux, alors même que nous sommes encore en confinement jusqu'au 15 décembre. 

Il n'y aurait pas un petit problème? Alors, oui, l'Italie et la Grande-Bretagne ne s'en sont pas mieux sortis que nous. L'Allemagne connaît elle-même un hiver très douloureux. Mais l'Espagne a fait assez nettement mieux que nous. Et l'on peut considérer que c'est la politique européenne dans son ensemble, de toute façon, qui est défaillante. La politique individuelle des Etats de l'Europe, plus précisément, ce qui prouve qu'un fédéralisme Européen suffisamment strict nous aurait été utile en la circonstance.

Avec la possibilité de sortir juste avant Noël, les gens vont se presser dans les magasins. Il n'y aura pas de couvre-feu à Noël, donc possibilité de se rassembler nombreux autour du sapin. Il y aura le couvre-feu pour le réveillon du Nouvel An, mais cela n'empêchera pas ceux qui le souhaitent de se rassembler à 30 dans un même logement pour y faire la fête, à condition de passer la nuit ensemble. 

Un fort rebond des contaminations, des hospitalisations, des personnes en réanimation, et des morts me semble inéluctable. 

Je vais être franc, même si le gouvernement Macron avait lu mon article de blog du 29 octobre et suivi mes recommandations, même s'il nous avait permis de faire largement redescendre le nombre de contaminations, il aurait dû mettre en place des règles drastiques pour le jour de Noël et celui du Nouvel An. Ce qui n'aurait pas empêché de déconfiner dès le 15 décembre, notez-le bien.

Et je reconnais aussi que ces règles pour ces moments festifs auraient été particulièrement ardues à respecter, et qu'il y aurait sans doute eu un rebond, malgré tout, de l'épidémie. Mais un rebond certainement moins douloureux que celui que nous nous apprêtons à vivre. Le discours à tenir aurait été celui-ci: "oui, le sacrifice que vous demande le gouvernement, celui de Noël et du Nouvel An, est considérable. Mais la lumière est au bout du tunnel. Les vaccins arrivent. Et il nous faut tenir jusqu'à l'arrivée des vaccins."

Et surtout, surtout, nous ne serions pas à près de 60 000 morts en France du covid. 

A titre personnel, j'ai perdu une tante, un oncle par alliance (tous deux Belges, preuve de l'échec au niveau européen) et le père de ma belle-sœur, lequel avait déjà une affection respiratoire auparavant. Tous frappés par le covid.

[Autre article sur le même sujet :] Pourquoi le nouveau confinement est voué à l'échec.

Post scriptum: Le jour où a été écrit cet article, il y a eu 627 morts du coronavirus et 13406 nouveaux cas confirmés en France.

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