lundi 24 février 2020

Séparatisme

Le président Macron parlait récemment de "séparatisme" au sujet notamment des personnes ou mouvements ayant une conception intégriste de la religion. Sans doute, on ne peut entièrement lui donner tort, mais on peut surtout se demander si ce qu'il fait ne revient pas à agiter une nouvelle fois le chiffon rouge du fondamentalisme devant les Français. Si le réel séparatisme, celui qui nous empêche véritablement de "vivre ensemble", n'est pas celui de l'argent. Et si Macron, avec sa politique économique si favorable aux riches, n'est pas le principal exécutant et propagateur de ce séparatisme par l'argent. 

Dans mon roman vendu à présent à plus de 3900 exemplaires papier, Le Souffle d'Aoles, l'action se situe avant l'âge du fer, parmi le peuple des Hevelens vivant dans des canyons. Le héros fait partie de la caste des Déshérités, les plus pauvres et les plus misérables, ceux que l'on évite de croiser ou de toucher. Les autres castes sont les Sobres et les Opulents. Les Sobres, qui représentent la classe moyenne, ne sont d'ailleurs mentionnés à aucun moment dans le roman, qui évoque surtout l'immense différence entre les Déshérités et les Opulents, les plus riches.

https://livre.fnac.com/a2867685/Le-cycle-d-Ardalia-Tome-1-Le-souffle-d-Aoles-Alan-Spade?NUMERICAL=Y#FORMAT=ePub

L'idée d'écrire sur les milieux les plus défavorisés n'est pas nouvelle. Relisez Les Misérables de Victor Hugo.

Mais le fait de penser plus spécifiquement la société en termes de castes peut faire écho à la théorie de la lutte des classes de Marx. En plus barbare. L'idée fait aussi, bien sûr, référence à la caste des Intouchables en Inde. Mon roman n'a aucune prétention historique, il s'agit de Fantasy qui mélange plusieurs influences. 

Cette fantasy, et j'en avais conscience en l'écrivant, est bel et bien, par certains aspects, le reflet de notre réalité actuelle. De notre vie de tous les jours.

Car les castes, hélas, existent en France. De manière voilée, mais elles ont une influence énorme sur la vie de tous les jours. 

Alors quand j'entends notre président Macron parler de séparatisme au sujet du fondamentalisme religieux, je me dis que le vrai problème n'est pas là.

Le vrai séparatisme, ce sont ces exilés fiscaux (sujet d'ailleurs abordé sous la forme d'une scène d'action dans mon dernier Thriller, Les Nouveaux Gardiens) qui préfèrent se domicilier ailleurs pour échapper à l'impôt.

Le vrai séparatisme, ce sont ces ultra-riches dans leurs villas ou dans leurs yachts, séparés du commun des mortel.

Le vrai séparatisme, ce sont les sans domicile fixe qui dorment dans la rue.

Le vrai séparatisme, ce sont des fonds d'investissement comme Blackrock, qui possèdent plus d'un trillion de dollars, et sont plus riches que des nations développées.

Le vrai séparatisme, c'est d'inventer un revenu minimum d'activité, qui va catégoriser les plus pauvres, les identifier dans la caste des non possédants, ceux qu'il faut absolument rediriger vers les valeurs du travail pour les rendre productifs -- disons les mots, pour les rendre taillables et corvéables.

Le vrai séparatisme, ce sont ces gens qui détectent une anomalie dans leur corps, et auxquels il faudra un mois ou plus pour obtenir un rendez-vous avec un spécialiste. Un mois crucial, celui où le cancer dans leur corps aurait pu être stoppé pour de bon, pour l'empêcher de se développer. Là où les plus riches n'ont qu'à décrocher leur téléphone pour obtenir un rendez-vous immédiat dans une clinique privée. 

Le vrai séparatisme, c'est de vouloir renforcer les contrôles aux frontières (aux Etats-Unis, on va même jusqu'à construire un mur à la frontière du Mexique).

Le vrai séparatisme, ce sont les contrôles d'identité au faciès.

Le vrai séparatisme, c'est l'urbanisation en forme de ghettos pour les immigrés.
 
Le vrai séparatisme, c'est la taxe à valeur ajoutée pour les produits de base, qui représente infiniment plus pour les plus pauvres que pour les plus riches. 

Le vrai séparatisme, c'est de refuser l'instauration d'un revenu universel inconditionnel, le même pour tous, ce qui éviterait de catégoriser les plus pauvres avec un système bâtard tel que le RSA. Ou de faire dire aux plus riches que les socialistes sont très forts pour reverser l'argent qui ne leur appartient pas. Parce qu'à partir du moment où ce revenu est universel, à partir du moment où même ceux qui travaillent le touchent, ce genre d'arguments ne tient plus. A partir du moment où un revenu universel existe, les gens ne sont plus prêts à tuer père et mère, ou à dévaster l'environnement pour devenir plus riches.

Le vrai séparatisme, c'est aussi la chasse aux jeunes, le séparatisme inter-générationnel, le fait que les jeunes ne devraient pas être traités comme des moins que rien, des personnes incapables financièrement de se loger ou se nourrissant d'expédients. Là où ils devraient être accueillis dans la vie active avec un revenu universel inconditionnel. Parce qu'ils représentent l'avenir, et ne sont pas, ne devront jamais être une menace pour les plus âgés. Parce qu'ils ne doivent à aucun moment être acculés au suicide en raison de la conviction larvée de faire partie d'une caste inférieure. 

Macron veut prêcher le vivre ensemble? Il veut en finir avec les séparatismes de toutes sortes? Eh bien il sait ce qu'il a à faire, à présent.

Et il y a du boulot.

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