"Bien des premiers seront les derniers et bien des derniers seront les premiers", nous dit la Bible. Est-il pour autant nécessaire de surmédiatiser les cancres devenus des petites frappes de banlieue, puis des terroristes? En une semaine, l'un de ces cancres à l'origine des attentats de vendredi dernier est devenu le terroriste dont on parle le plus depuis celui à l'origine des attentats du World Trade Center, s'il faut en croire le New-York Times. Ne serait-il pas temps de laisser ces cancres dans l'anonymat dont ils ne devraient jamais sortir? Afin d'éviter de devoir revivre dans un cycle sans fin ces attentats à grand spectacle? Quel modèle veut-on donner à nos enfants?
Une télé-réalité du terrorisme. Voilà ce à quoi j'ai l'impression d'assister depuis une semaine. Alors oui, il est temps pour moi de m'écarter très provisoirement des sujets de prédilection de ce blog.
Certains diront, "Alan Spade, c'est l'exemple type de l'artiste jaloux du succès médiatique d'autrui". Il y a sans doute du vrai là-dedans, puisque après tout, écrire et vouloir être lu, c'est s'exposer à la lumière, mais qui est cet autrui? Quels sont ses mérites, en dehors d'avoir planifié une opération militaire réussie (de son point de vue), dans laquelle il a fini par sacrifier sa vie?
Lorsque les médias disent: "cela va se reproduire, c'est certain", ne peut-on y voir une prophétie auto-réalisatrice?
J'imagine les journalistes de TF1 parler en "off" du visage du cancre ennemi public n°1. "Tu as vu sa trombine? Il a une gueule super charismatique. Il faut qu'on le montre, les gens vont adorer le détester." Et ils nous l'auront montré, sa gueule. Ça oui!
Il est temps de clamer haut et fort que les médias, en offrant à ce cancre le paradis médiatique à défaut de celui des 72 vierges, sont en train de donner naissance à des vocations.
Ils se comportent en imbéciles narcissiques et irresponsables. Mettre ce terroriste à la Une, même pour dénoncer ses actes, c'est aussi se complaire dans la contemplation d'un pouvoir médiatique collectif, au niveau international aussi bien que national. Un pouvoir morbide, en l'occurrence.
Je reconnais que j'avais réagi au moment de l'attentat de Charlie Hebdo en mettant une bannière "Je suis Charlie" sur ma page Facebook. Je me sentais proche des gens de Charlie, mon propre père ayant été dessinateur.
Là, je n'ai pas réfléchi très longtemps avant de refuser la suggestion de Facebook de mettre un drapeau français en transparence sur mon profil. Non pas que j'ai quoi que ce soit à reprocher à ce drapeau.
C'est juste que les apprentis djihadistes qui visitent les réseaux sociaux peuvent voir chaque drapeau comme un trophée. Inutile et contre-productif de leur donner cette satisfaction - même si, bien sûr, je sais pertinemment que ceux qui affichent ce drapeau le font pour ce qu'ils pensent être de bonnes raisons.
Les médias de toute nature envoient des messages subliminaux aux terroristes, mais en ce moment, c'est devenu tellement lourdingue qu'on n'est plus vraiment dans le subliminal.
Alors, comment traiter l'info? Faut-il ne parler de rien, faire l'autruche?
Non, bien sûr. Les Français avaient le droit de savoir ce qu'il se passait. Il faut anonymiser les terroristes. En clair, ne jamais donner leur nom. Ne jamais montrer leur photo. Ne jamais les filmer. Se concentrer sur les victimes, mais tout en évitant de s'étendre.
Cesser de filmer en direct les assauts, et prendre des mesures pour que tout ceux qui filment tombent sous le coup de l'apologie du terrorisme. Tourner la page au plus vite. Ne jamais se faire le complice de la célébrité d'un de ces cancres. Faire taire la fascination morbide qui existe en chacun de nous, et tend à nous transformer en vautours.
Cela n'empêchera ni la police, ni les enquêteurs de faire leur travail. On sera bien plus en sécurité en décourageant les vocations qu'en les encourageant ainsi.
Les médias doivent grandir. Apprendre le sens des responsabilités. Car leur pouvoir est immense, et un grand pouvoir entraîne de grandes responsabilités.
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