L'auteur Thibault Delavaud explique sur son blog "Pourquoi être auteur n'est pas un métier". Si certains points qu'il aborde sont pertinents, je crois que la véritable question se pose plutôt en ces termes: pourquoi la société impose-t-elles de telles barrières à l'activité professionnelle en tant qu'indépendant, et en particulier en tant qu'auteur indépendant? Et une autre, subsidiaire: en quoi le fait d'estimer qu'être auteur n'est pas une activité professionnelle ne constitue-t-il pas un renoncement, une forme de démission?
Il ne faut pas confondre "métier" dans le sens d'habileté manuelle ou intellectuelle acquise avec la pratique d'un métier et de l'expérience et "emploi", travail, fonction confiée à une personne moyennant rémunération.
Si tout le monde peut en effet exercer le métier d'auteur comme le précise Thibault, tous ne seront pas en mesure de transformer l'essai, c'est à dire de transformer ce métier d'auteur en emploi rémunérateur.
De la même manière, pour reprendre ses exemples, qu'un médecin, un boulanger ou un épicier ne trouveront pas automatiquement leur clientèle ni n'auront pignon sur rue simplement parce qu'ils maîtrisent leur métier et en ont acquis les compétences intrinsèques.
Vivre de sa plume est un accomplissement, une performance, nous dit Thibault. Si l'on considère le nombre d'auteurs qui vivent de leur plume en comparaison avec le nombre de boulangers ou de médecins, on peut en effet être d'accord avec cela.
Mais si cela est vrai, c'est parce qu'exercer l'emploi d'auteur autoédité avec un certain succès suppose d'être performant à plusieurs niveaux, non seulement dans celui de l'écriture, mais aussi dans celui, crucial, de la promotion et du marketing. Et pourquoi pas, accessoirement, en tant que maquettiste, typographe, relecteur/correcteur et créateur de site web - certains auteurs autoédités étant aussi de très bons designers de couvertures.
Alors oui, on peut estimer que tout le monde peut être auteur, de la même manière que tout le monde peut être technicien de surface ou gardien de parking. Mais est-ce que le simple fait que tout le monde puisse exercer ces deux derniers emplois n'en fait pas aussi des métiers, dont les compétences peuvent être acquises sur le tas?
On pourrait même estimer qu'une personne ayant effectué de brillantes études de marketing et ayant le sens des affaires pourrait devenir un auteur autoédité à succès (et pas forcément un auteur autoédité de fiction, d'ailleurs) aussi bien qu'un brillant agent immobilier, ou vendeur de voitures, par exemple.
Il est clair que des trois activités, celle d'auteur sera sans doute la moins rentable, même pour un très bon promoteur. En d'autres mots, il ne le fera pas pour s'enrichir, mais par passion.
Si cette personne ne travaille pas à un certain moment le cœur du métier, qui est l'écriture, son succès a de fortes chances d'être éphémère, à mon humble avis.
Thibault parle aussi de précarisation du métier d'auteur. Je pense que ce métier a toujours été précaire, dans la mesure où les auteurs traditionnellement édités remettent leur destin entre les mains d'un éditeur.
Au moindre caprice de l'éditeur, au moindre accident de la vie de cet éditeur qui vous a fait confiance, la carrière d'un auteur peut se retrouver au mieux remise en question, au pire brisée.
C'est pourquoi, entre autres, "l'ubérisation" de l'écriture par l'autoédition, dont parle Thibault, est vécue par de si nombreux auteurs américains de milieu de liste comme une véritable bénédiction. Enfin ils peuvent reprendre le contrôle!
En France, on a la nette impression que le système de cotisation n'a pas du tout été conçu pour le cas particulier, non seulement des auteurs autoédités, mais aussi de l'emploi individuel en général.
Le système semble inciter les gens à travailler dans les grandes entreprises, souvent d'ailleurs au prix de nombreux stages qui vous transforment en esclave, au détriment des petites et moyennes, et à fortiori des entreprises individuelles.
Pour preuve, les syndicats ne jouent leur rôle protecteur que dans les grandes entreprises (en dehors, c'est uniquement de la consultation).
Même le statut d'autoentrepreneur est inadapté, les charges étant trop importantes.
La question est hautement politique: je crois qu'il va falloir lâcher beaucoup de lest au niveau protection sociale des travailleurs indépendants pour leur permettre d'exercer leurs activités sans être sabordés par les charges.
Il faut aussi se poser la question: est-il préférable qu'une personne bénéficiant de la couverture maladie universelle soit au RSA, ou bien lui permettre d'exercer une activité où elle ne cotisera ni pour la maladie, ni pour la retraite, mais ne coûtera rien au département en termes de RSA, et paiera même des impôts?
Qu'est-ce qui revient le plus cher à la société? Qu'est-ce qui gonfle le plus le chiffre du chômage?
Je crois qu'il faut redonner le choix aux travailleurs ayant la possibilité d'exercer par eux-mêmes une activité peu rémunératrice de ne plus cotiser pour la retraite ni pour la Sécu, ni pour les ASSEDIC et en contrepartie, de faire une croix sur leur retraite en ne bénéficiant que de la couverture santé minimale. Certains préféreront encore cela à bosser pour un patron. Beaucoup préféreront cela au chômage.
Et qu'on n'aille pas me faire croire que les cotisations des moyennes et grosses entreprises ne permettront pas de financer la CMU.
Parce que finalement, cela signifie quoi, de sacrifier ses conditions de travail au quotidien, en exerçant un emploi qui ne nous plaît pas, mais qui nous permettra (peut-être) de bénéficier d'une retraite à 65... 68... 70 ans? Plus?
Cela signifie, à mon sens, qu'on s'efforce de privilégier une vie longue à une vie de qualité. Que l'on accepte de dégrader son quotidien, au risque de limiter son espérance de vie en bonne santé, en se projetant dans un futur hypothétique.
Alors certes, lorsque l'on considère les belles valeurs de solidarité de l'après-guerre qui ont permis aux gens de bénéficier d'une retraite décente et de la Sécurité Sociale, le métier d'auteur autoédité tel que je le conçois peut faire penser à un "anti" emploi.
Je suis le premier à applaudir ces valeurs de solidarité.
Mais lorsque le discours des conseillers emploi se résume à dire qu'il est impossible à une personne de créer son activité parce qu'elle paiera trop de charges, ou même, comble des combles, de conseiller à un artiste, dont l'activité est forcément à but lucratif puisque cet artiste cherche à gagner de l'argent avec son art, de créer une association à but non lucratif et de se faire rémunérer par elle, tout cela pour des raisons administratives, on se dit que franchement, on marche sur la tête!
Je le redis ici, on ne devrait pas avoir à cotiser pour la retraite ni pour la Sécu en dessous d'un certain seuil de chiffres d'affaire (et un seuil qui permette d'en vivre!), à partir du moment où l'activité artistique est l'activité unique.
Ce devrait être un choix de vie qui ressort de la liberté primordiale de chaque individu.
Pour conclure, je dirais qu'il ne faut pas baisser les bras. Les lecteurs ne doivent rien aux auteurs, certes. Mais depuis l'aube de l'humanité, l'être humain a voulu qu'on lui raconte des histoires.
Refuser que cette activité soit une activité économiquement viable, alors même que les gens sont prêts à payer pour ce loisir (comme l'atteste le chiffre d'affaire global de l'édition), à l'heure de la société de loisir, ressort pour moi du déni pur et simple.
Sur le même sujet :
- Les effets pervers des métiers alimentaires
- Les auteurs et écrivains: tous des "hobbyists" (amateurs)?
Ecriture, édition, livres numériques, science-fiction, fantasy et fantastique (thrillers/polars) sous toutes leurs formes : autant de sujets qui me passionnent et qui font l'actualité de ce blog.
dimanche 21 février 2016
mercredi 10 février 2016
EbookGang, un nouveau site pour les lecteurs - et pour les auteurs
Pour les lecteurs en
quête de nouveauté, trouver un ebook correspondant à leurs goûts
et à leur liseuse, smartphone ou tablette sans se ruiner relève
souvent du défi. Comment donc faire connaître aux lecteurs des
ebooks de qualité en promotion, tout en permettant aux auteurs,
traditionnellement édités ou indépendants, d’exposer leurs
œuvres à la
lumière? EbookGang fait partie de ces nouveaux sites visant à
procurer des lectures satisfaisantes dans le maquis Internet. Bref, à
relier enfin l’offre des auteurs à la demande des lecteurs. J’ai
eu la chance de pouvoir m’entretenir avec l’auteur
Cyril Godefroy, son créateur.
Alan : Bonjour,
Cyril, et merci d’avoir accepté de répondre à mes questions.
Cyril :
C’est moi qui te remercie Alan, j’ai plutôt l’habitude que ça
se passe dans l’autre sens, que ce soit moi qui pose les questions.
Mais comme j’aime bien m’entendre parler, ou écrire, je pense
que ça va bien se passer…
Alan : Pourquoi
ce nom d’EbookGang? Ça a un côté frondeur, non?
Cyril : Un
peu, mais c’est aussi que c’est très difficile de trouver un nom
avec ebook à l’intérieur. Pour le côté frondeur, il y a du
vrai, dans le sens où j’essaie (pour le moment, je suis seul) de
trouver le maximum de promotions et d’opportunités d’avoir des
ebooks sans rester dans les silos habituels des distributeurs.
iBooks va avoir sa page
de promotions sur un thème, Kobo va aussi faire des opérations
commerciales, avec un email ou pas, quant à Amazon, entre les offres
éclair, les offres du mois etc, ils mettent le paquet.
Mais pour savoir quel
livre est disponible moins cher en ce moment et le trouver sur toutes
les plateformes, c’est plus difficile. Donc ebookgang cherche à
aller au delà de ces silos, de briser les barrières.
Par ailleurs, si tu
n’es pas dans les offres de promotion des distributeurs, tu
n’existes pas : je veux dire que ta promotion n’a pas de
visibilité. Une autrice me disait l’autre jour en regardant le
site : oui, mais ce livre il est en promo mais on ne voit pas le
prix barré. Pourtant le livre est bien en promo, je le sais car le
prix habituel n’est pas 0,99 €.
La fronde est de
proposer des promotions en dehors des circuits habituels de promotion
des distributeurs de livres numériques.
Alan : Quel
était ton objectif en créant ce site?
Cyril : J’en
ai deux concomitants. Deux objectifs qui se tiennent la main.
- Fournir aux lecteurs l’opportunité de découvrir de nouveaux livres moins chers et ciblés sur leurs préférences.
Quel est l’intérêt de recevoir des offres de réduction sur les romans, si ce qui t’intéresse ce sont les livres de recettes et de cuisine ? Quel est l’intérêt d’avoir des offres de romans policiers si tu es fan de fantastique ?
- Trouver des débouchés pour que les auteurs et les éditeurs puissent mettre en avant leurs livres sans se ruiner et avec un véritable retour sur investissement en termes de nombre de lecteurs.
En
effet je regarde le panel d’offres, et à part casser sa tirelire
pour s’offrir des affichages en relais H, faire des publicités sur
Facebook et spammer les groupes facebook et son entourage, quand on
est auteur, on a peu de moyens de promotion.
Alors évidemment, il y
a d’autres axes que le prix pour faire des recommandations de
livres, mais au bout d’un moment, cela reste un de ceux qui sont
les plus efficaces.
Alan : Est-ce
que tu t’es inspiré d’autres sites, et si oui, lesquels?
Cyril : Je
peux te citer au moins cinq sites équivalents dans le monde
anglo-saxon : Freebooksy, Fussy Librarian, Bookbub bien sûr,
Book Gorilla, Book Sends, eReader news today et même eReaderIQ.
Comme quoi, c’est un créneau qui mérite d’avoir de la
diversité. J’ai mis en balance différents modèles, par exemple
celui d’eReaderIQ contre Bookbub, Bookbub contre Fussy Librarian,
et Bookbub est toujours ressorti comme vainqueur.
Je suis moi même
abonné à Bookbub depuis 1 an et demi et j’ai profité de
plusieurs offres qu’ils relayaient.
Pourquoi est-il
ressorti comme vainqueur ? Parce qu’ils arrivent à faire une
sélection des livres, et proposer des ebooks dont on sait qu’ils
vont plaire (forcément pas à tout le monde, et c’est tant mieux).
Ce n’est pas
forcément le modèle le plus adapté au marché français actuel,
car la gestion des promotions par les éditeurs et les auteurs n’est
pas encore rentrée dans la stratégie, ou mal, et que beaucoup
d’auteurs ont avant tout besoin de trouver leurs premiers lecteurs.
J’espère que
d’autres services se développeront pour compléter ce que je fais
avec eBookgang et permettront à tous les lecteurs et tous les
auteurs de rentrer en contact les uns avec les autres, en fonction
des affinités, des besoins. Je connais les fondateurs d’Hibooks
Club par exemple.
Il y a forcément un
peu de gêne entre nous, mais je pense qu’il faut la dépasser car
nous sommes complémentaires d’une certaine façon.
Il y a combien de
livres chez les distributeurs, combien qui mériteraient une mise en
avant, par exemple en utilisant le ressort du prix ?
Franchement, même s’il y avait 4 services distincts en France, on
ne se sentirait pas à l’étroit.
Alan : Quels
sont les genres que les lecteurs peuvent choisir?
Cyril :
Aujourd’hui,
j’ai fait une sélection assez large, peut être même un
peu trop large. Et j’ai déjà commencé à rentrer dans les
sous-catégories. C’est un pari, car je n’arrive pas à remplir
toutes les catégories (même si ce n’est pas le but essentiel, ce
serait bien). Par exemple, je parlais de cuisine et recettes, c’est
une catégorie que j’ai mais je n’ai aucune promotion à mettre
en avant.
Sur le choix des
catégories il est arbitraire, et assez proche des choix de premier
niveau des distributeurs de livres numériques. Et j’en ai pas
mal : 23.
Dès que j’aurai des
lecteurs et des éditeurs ou auteurs qui seront assez nombreux à
demander une nouvelle catégorie ou sous-catégorie, je la
rajouterai. Par exemple Romance peut ensuite être décliné en
romance érotique, chick-lit, romance contemporaine. Policier, c’est
un peu plat, non ? Si tu arrives avec Miss Maple, tu dois
vraiment aller dans « policier » ?
Alan : En
s’inscrivant, les lecteurs reçoivent-ils des ebooks en promo tous
les jours dans leur boîte mail? Selon les genres qu’ils ont
choisis?
Cyril : Ils
reçoivent l’email qui met en avant des réductions s’il y a une
réduction qui correspond aux genres qu’ils ont choisi. Donc, pour
reprendre l’exemple cuisine et recette, je vais pas t’embêter si
c’est ça qui t’intéresse. Moi, je reçois l’email tous les
jours car j’ai choisi tous les genres. Mais quelqu’un de
« normal » ne va pas forcément le recevoir tous les
jours.
A terme, cela peut
devenir vraiment quotidien, si cela correspond aux attentes des
lecteurs et que les éditeurs et les auteurs y trouvent leur compte,
avec plus de ventes, plus de lecteurs, des lecteurs qui lisent plus
d’ebooks.
Je dois aussi faire
fonctionner le mail hebdomadaire et mensuel, mais c’est plus
difficile car les promotions sont rarement étalées sur d’aussi
longues périodes. Je suis encore en phase de béta, de tests.
Alan : Le
site est ouvertement multi plate-formes, puisque les lecteurs qui s’y
inscrivent peuvent choisir parmi trois revendeurs, Amazon, iBooks
(Apple) et Kobo (les choix multiples sont possibles). Pourquoi ces
trois-là?
Cyril : Ce
sont les trois seuls qui offrent aujourd’hui des programmes
d’affiliation faciles à mettre en place, et me permettent de
financer un peu des coûts du service. J’ai gagné 0,86 € en une
semaine, je crois que ça fait la moitié du coût du serveur.
Blague à part, le
principe est «les meilleurs ebooks aux meilleurs prix» pour tous
les lecteurs d’ebooks. Si je peux intégrer d’autres boutiques et
que l’effort rencontre du succès, c’est à dire que les lecteurs
se dirigent vers cette plateforme, même si je n’ai pas de
programme d’affiliation, et que je ne gagne pas 0,05 € quand un
lecteur achète chez eux, je le ferai.
Mais ces trois là
représentent 90% au moins du marché des livres numériques. Ce sont
les trois qui sont les plus accessibles aux autoédités, et même si
je n’ai rien contre les éditeurs (ce serait dommage, j’en suis
un moi-même), je vais essayer de favoriser les autoédités.
D’ailleurs, j’ai le front de croire que ce seront les autoédités
qui pourront le plus bénéficier des promotions et des gratuités,
donc que c’est eux qui vont appuyer le service.
Je signale aussi que
sur les livres gratuits, évidemment, je ne gagne pas de commissions
d’affilié.
Alan : Que
réponds-tu à ceux qui estiment que ces sites ont recours à des
formats propriétaires?
Cyril : Silo :
c’est un mot que j’ai utilisé. Avant, dans la téléphonie
mobile et sur les premiers portails internet, on parlait de « walled
garden », de jardin muré. L’idée est d’avoir un
utilisateur et de le garder chez soi. De lui rendre plus facile
certes l’achat et l’utilisation des livres numériques, mais
aussi de faire en sorte qu’il n’aille pas voir ailleurs.
Je ne vais pas revenir
sur le débat sur les fichiers verrouillés par des systèmes de DRM,
gestion des droits numériques. Pour moi c’est un verrouillage qui
va à l’encontre des utilisateurs, et qui pose plus de soucis qu’il
n’en résout.
Le problème à mon
sens c’est qu’aujourd’hui le lecteur ne sait pas ce qu’il
achète. S’il achète un livre qu’il pourra utiliser de manière
étendue, passer à ses enfants ou à son conjoint, un livre qui
survivra à la mort de son distributeur, à l’avancée de la
technologie. Kindle le dit de manière pas très claire, et je crois
que c’est le seul. [Note d’Alan: Kobobooks
indique en fait les ebooks avec ou sans DRM, cela figure dans le pavé
« Détails de l’ebook/Options de téléchargement »]
Sur iBooks, impossible
de le savoir. De toutes façons, récupérer le fichier de ses livres
sur iBooks, c’est la croix et la bannière. Et quand tu achètes un
ebook interactif « conçu pour iBooks», tu es forcément
limité…
Maintenant, je ne sais
pas si l’évolution de la technologie, des distributeurs va
permettre de casser ces jardins murés. Regarde l’évolution
d’internet : il y avait Compuserve, puis AOL, puis les
portails à la Yahoo. Et aujourd’hui ils sont tous moribonds,
remplacés par… le groupe des 4 (Google Amazon, Facebook et Apple).
Je suis donc assez pessimiste.
Alan : L’image
de fond en page
d’accueil suggère
clairement qu’EbookGang propose aussi bien aux lecteurs des ebooks
traditionnellement édités comme des ebooks d’auteurs
indépendants. Peux-tu confirmer?
Cyril : Les
meilleurs ebooks aux meilleurs prix. Qu’ils soient écrits par
Maurice Druon de l’Académie Française chez Julliard ou par
Françoise Jesaispasqui qui fait des romans à l’eau de rose dans
l’exploitation agricole de son mari. Qu’ils soient édités par
Bragelonne, Eyrolles, Fayard ou par l’auteur lui-même.
Alan : J’ai
vu qu’il y avait un lien "Blog
partenaires" en bas
à droite de la page d’accueil. En tant qu’auteur, faut-il
cliquer sur ce lien pour te signaler une promotion, et si oui,
combien de temps à l’avance?
Cyril : Je
parcours les promotions pour repérer celles qui sont les plus
intéressantes. Pour fournir quotidiennement des offres
intéressantes. Mais comme je l’ai dit, je ne veux pas être
uniquement en réaction, surtout que la durée des promotions n’est
pas toujours connue. Je ne veux pas être uniquement sur les mises en
avant par les boutiques elles-même.
Si tu fais une
réduction sur un de tes romans à un moment pour trouver de nouveaux
lecteurs pour celui-ci et les autres, je t’invite à me prévenir à
l’avance. Cela donnera le temps de planifier, de travailler
ensemble sur une description plus appropriée que celle qui est chez
le distributeur, de définir la durée de la mise en avant.
A terme, quand je
pourrai dire qu’une mise en avant sur ebookgang rapporte à
l’auteur tant de nouveaux lecteurs, tant de ventes, je passerai à
un modèle payant, comme tout média qui vend de l’espace de pub.
Donc ce sera le point d’entrée pour s’inscrire pour une
promotion, pour planifier celle-ci le cas échéant, pour avoir les
statistiques qui permettent à un auteur ou à un éditeur de se dire
que ça a valu le coup ou pas.
Alan :
As-tu
l’objectif, comme
Bookbub le pratique,
de proposer 50% d’œuvres
indépendantes et 50% d’œuvres
publiées en maison d’édition?
Cyril :
Je n’ai pas d’objectif chiffré. In fine, ce sont les
lecteurs et les éditeurs, indépendants ou non, qui fixeront cette
proportion. A l’inverse, je trouverai le moyen de rendre ce service
plus accessible aux indépendants, parce que c’est une forme
d’investissement dans les auteurs indépendants qui me plaît.
Cyril :
Le blog est plus un blog « medias »,
dont l’objectif est de faire découvrir un panel de lectures
possibles. Je sors complètement de ma zone de confort en faisant
cela. Je ne suis pas chroniqueur, je n’ai certainement pas le temps
de lire absolument tous les livres dont je parlerai. Si faire un blog
de chroniques faisait partie de mes compétences, j’aurais
probablement commencé par là ;-)
Il
y a des livres qu’il faut découvrir ou redécouvrir, qu’ils
soient en promo ou pas. Là encore, je n’ai pas trouvé
d’équivalent en France, mais j’ai forcément mal cherché. En
tout cas, dans la presse, des articles de ce genre, je n’en ai
jamais vu. Pourtant, il y a plus dans les livres que les nouveautés,
c'est un bonheur que de découvrir un "vieux" livre qu'on
n'avait pas encore lu.
C’est
aussi une forme de pénitence que je m'impose : je propose des livres à la
lecture, par thématiques, sans tenir compte de leur prix.
Alan :
On
a parfois l’impression en tant qu’auteurs que les lecteurs sont
entraînés à attendre des rabais sur les ebooks, ce type de sites
ne risque-t-il pas d’accroître cette tendance?
Cyril :
Oh si, désolé ! C’est le
but : attirer le chaland avec des promos. Tu pourrais passer tes
journées à ne lire que des livres gratuits ou en promo de toute
façon. Pas besoin de moi pour les trouver, il « suffit »
de les chercher.
A
l’inverse, je vois mon attitude, mon habitude : je vois un
livre en promo, par exemple Invasion,
de Sean Platt et Johnny B. Truant sur Bookbub. Tu sais ce qui est
terrible ? C’est qu’avec ce bouquin, ils m’ont entraîné
dans Contact
et que je vais probablement lire Colonization
aussi.
J’ai
acheté le dernier pavé de Jacques Vandroux (Projet
Anastasis) quand il était en offre
de lancement à 2,99 €, et ensuite j’ai acheté les autres (Les
pierres couchées et Au
cœur du solstice) sans me poser la
question du prix, qui n’était pas très élevé, hein !
Ce
site de promotion est une porte d’entrée vers de nouveaux
lecteurs, vers de nouvelles lectures. Ce n’est pas une fin en soi.
Alan :
Au-delà du fait qu’ils
soient en promotion et sur les plates-formes adéquates, comment
choisis-tu les ebooks que tu vas envoyer aux lecteurs?
Cyril :
Mes critères de choix, car je choisis : des bonnes notes,
une distribution la plus large possible, une réduction qui vaut le
coup pour le lecteur.
Alan :
Est-ce qu’il t’arrive de
rejeter des offres d’ebooks en promo? Si oui, pour quelles raisons?
Cyril :
La qualité perçue de l’ebook d’abord. Perçue par les
lecteurs. Je mettrai très rarement des livres en avant pendant la
phase de lancement, sauf si je suis sûr de la qualité du livre (par
exemple parce que je l’édite).
Le
planning ensuite : je ne veux pas que cela devienne une drogue,
un moyen de faire des ventes et le seul. Donc au fur et à mesure, je
réduirai les opportunités. Cela permettra aux éditeurs et aux
auteurs de choisir ce qui est vraiment… de choisir leurs meilleurs
titres pour ce genre d’opération.
Et j’ai
déjà refusé de mettre en avant des promotions trouvées sur les
sites.
Alan :
Penses-tu mettre
systématiquement le nombre de commentaires et notes obtenus par les
ebooks sur les sites de ventes?
Cyril :
Trop complexe. Et ce n’est pas la finalité du site. Si tu
veux, tu peux faire un méta catalogue avec les infos de tout le
monde. Techniquement, récupérer les notes sur Amazon, facile,
iBooks un peu plus délicat, je n’ai pas vu de documentation
dessus. Kobo encore moins, mais je ne me suis jamais penché sur la
question. Les autres services, je n’en sais rien non plus. Mais
avec leur mentalité de silo, je doute.
D’un
autre côté, il ne faut pas oublier que c‘est un service
publicitaire. Si le nombre de commentaires et la note
permettent de mettre en avant un ebook en apportant ce que l’on
appelle dans mon jargon « une preuve sociale », je le
ferai.
En ce
moment, il y a Les limbes, 4,8 étoiles sur 5 avec 132
commentaires sur Amazon au moment où je l’ai vu. C’est à mettre
en avant.
Alan :
T’es-tu fixé un nombre
maximum d’ebooks en promo par jour? Si oui, lequel?
Deux
ebooks par catégorie me semble un bon nombre. Quand je pourrai
proposer 46 promotions quotidiennes ! Wow.
Alan :
Entre le site et le blog que tu
as créés, plus tes autres activités, cela fait beaucoup de travail
pour un seul homme. Un grand bravo pour ton implication, d’ailleurs!
Penses-tu, à terme, demander aux auteurs ou éditeurs souhaitant
annoncer leurs promotions une participation financière?
Cyril :
Ça fait peut être un
peu trop, même. Je suis en train de payer le prix de trop longues
heures devant mon ordinateur. Pas en tendinite et RSI comme je le
croyais, mais plutôt avec ce qui ressemble fort à une hernie
cervicale. Ecrire est un métier dangereux ! N’oubliez pas
d’être actif, de vous déplacer, de marcher, de faire de
l’exercice, très régulièrement.
Pour ce
qui est de la participation, oui, comme je l’ai évoqué, à partir
du moment où il permet aux auteurs et aux éditeurs de vendre plus
de livres, réellement, je demanderai une participation
proportionnelle.
Alan :
Dans quel délai et de quel
ordre?
Cyril :
Le délai c’est à partir du moment où cela apporte un réel
plus qui est économiquement viable pour les éditeurs et les
auteurs. Prenons un exemple : en tant qu’auteur, en faisant
une promotion sur 10 000 personnes d’un genre, sur une promo qui
fonctionne bien, tu peux avoir 1% de ventes générées, soit 100
ventes.
Sur une journée, c’est loin d’être négligeable
aujourd’hui, et tu es assuré de rentrer dans le top 100 des
ventes. Après, en fonction des prix, cela fait plus ou moins
d’argent qui rentre dans ta poche. Je demanderai évidemment moins…
et ce sera au forfait.
Quand je
dis 10 000, ce n’est pas mon objectif. Mon objectif est d’avoir
tous les lecteurs francophones assidus.
Alan :
Le site vient tout juste d’être
lancé et n’est donc pas encore connu, ni du grand public ni même
des passionnés. Envisages-tu, s’il devient plus connu, de dévoiler
le nombre total d’abonnés? Si oui, à partir de quel nombre
d’abonnés penses-tu le faire?
Cyril :
C’est un critère de choix pour les auteurs et les éditeurs.
Quand tu vas voir tel ou tel magazine pour y placer une publicité,
la régie doit pouvoir te donner la distribution ou la diffusion, le
profil etc. On rentre dans un modèle économique qui est balisé par
des années de pratique.
Et comme
je l’ai dit en justifiant le fait qu’un jour le site devienne
payant pour les éditeurs et les auteurs, je dirai aussi quels
résultats on peut s’attendre. Enfin, je donnerai les statistiques
de clics vers les différentes boutiques, parce que mesurer permet
d’agir. Si je pouvais donner systématiquement le nombre de ventes
générées, ce serait carrément parfait.
Aujourd’hui,
après quelques jours seulement, on a 80 abonnés. On est très loin
de mon objectif. Ce qui ne veut pas dire qu’il ne faut pas me
signaler si en tant qu’auteur vous faites une promotion dans les
semaines qui viennent ! Le coût pour vous est presque nul (le
temps de m’écrire un mail ou deux).
J’ai fait une opération de
promotion à Noël, et on a vu qu’avec quelques centaines
d’inscrits, on pouvait déjà commencer à générer quelques
ventes et téléchargements. Un lecteur de plus, c’est toujours
bien.
Alan :
On sait que l’info relative à un
site comme EbookGang circule très vite parmi les auteurs, notamment
grâce à Facebook. Quelles opérations de communication envisages-tu
afin de faire connaître le site des lecteurs?
Cyril :
Je souhaite vraiment avoir une croissance organique par le biais
des lecteurs qui conseillent le site à leurs amis, etc. Ce sera un
meilleur moyen de grandir vite, mais aussi la marque de la qualité
du service.
Reste la
question de l’amorçage. Comment avoir les premiers utilisateurs
pour amorcer un cercle vertueux ? Je ferai comme n’importe
qui : de la pub, du marketing de contenu.
J’ai déjà des pubs
qui tournent sur Facebook, qui à mon goût est aujourd’hui le
média le plus adapté pour la promotion de ce type de service, grâce
à son ciblage par intérêts. Si la presse veut parler du service,
je serais bien embêté, je n’ai pas préparé de dossier presse.
Alan :
J’ai le projet en tant
qu’auteur de parler de ton site dans une newsletter que j’enverrai
à mes lecteurs, en leur présentant un lien direct. J’estime en
effet que de nombreux lecteurs me seront reconnaissants de leur avoir
fait découvrir un site d’ebooks de qualité à bas prix. Je crois
aussi que cela peut être un moyen efficace de faire se rencontrer
les lectorats entre auteurs. Que penses-tu de cette démarche?
Cyril :
En parlant d’un outil qui permet aux auteurs de trouver des
lecteurs, justement à des lecteurs, tu plantes la graine qui te
permettra toi aussi de récolter des fruits dans le futur. On va
essayer d’éviter que cela prenne autant de temps que les forêts
de Colbert, hein ?
Sans
parler d’un service public pour les auteurs, car faut pas se
mentir, j’ai pas de subventions du SNE et je tiens à garder une
forme d’indépendance dans les ebooks recommandés et mis en avant,
je veux quand même faire un service et un outil qui rassemble
auteurs et lecteurs autour du plaisir de lire et de découvrir.
Je ne peux
pas te dire que c’est une mauvaise idée en fait. Surtout si tu as
un lectorat ciblé et que j’ai déjà mis en avant des livres qui
plairont à ton lectorat, ou que je peux le faire.
Alan :
Pour un ebook donné, combien
recommanderais-tu d’opérations promotionnelles par an?
Cyril :
Je déconseille par principe de faire plus de deux promotions par
an, justement pour éviter le côté « faut attendre la promo ». Et
le site utilise aussi le ressort de l’immédiateté : profitez
de la promo tant qu’elle dure.
Alan :
Penses-tu ajouter à ton site
une section "ebooks en gratuité permanente", pour les
lecteurs?
Cyril :
Non, et ce pour plusieurs raisons :
- La culture de l’instant, de l’immédiat, de l’éphémère. Je ne vais pas me battre contre elle, je sais qu’elle est là. Je te l’ai dit, je vais plutôt la mettre en exergue.
- La découverte. Je veux faire tourner les livres pour que les lecteurs les découvrent. Si j’ai toujours les mêmes livres, c’est beaucoup plus difficile de les faire tourner.
- Le service fonctionne beaucoup par email. Si je ne fais pas tourner, pas besoin de faire d’email.
- Il faudrait que je remette tout Gallica et tout le catalogue des livres gratuits des différents distributeurs. Franchement, aucun intérêt, aucune valeur ajoutée.
Alan :
Pour terminer, je tiens à dire que ton site répond à un besoin
réel, du côté des lecteurs comme des auteurs. Dans toute
entreprise, le facteur chance intervient: il s’agit de ne se
présenter ni trop tôt, ni trop tard, d’être repéré par les
bonnes personnes au bon moment.
Je
souhaite sincèrement le plus grand succès à ton site, car nous,
lecteurs et auteurs, avons tous à y gagner, et c’est une très
belle manière de faire vivre le livre.
Merci,
donc, d’avoir répondu à mes questions, Cyril.
Cyril :
Merci Alan, c’est un plaisir. J’attends avec impatience le
jour où toi, et de nombreux autres auteurs, pourrez en tirer parti.
Alan :
Pour découvrir ebookgang et vous inscrire vous aussi, ou signaler vos promotions, c'est ici : http://ebookgang.fr
Articles liés:
Libellés :
auteurs,
auteurs indépendants,
ebook,
ebook bargain,
ebook en promo,
ebookgang,
iPad,
Kindle,
Kobo,
promo,
promo ebook,
promo flash,
promotion,
publicité,
rabais ebook,
revendeurs en ligne
mercredi 3 février 2016
Projection
A chaque fois que vous vous dites que vous n'êtes pas assez lu(e), demandez-vous si vous n'êtes pas en train de projeter votre propre manque de confiance en vous sur les lecteurs.
mardi 2 février 2016
Les effets pervers des métiers alimentaires
Béquille de l'artiste, et en particulier de l'auteur en quête de professionnalisation, les métiers alimentaires sont à la fois indispensables en ce qu'ils permettent la survie des artistes, en devenir ou accomplis, et "empoisonnants" car ils nuisent à tout ce qui est structuration de l'activité artistique: revenus dignes de ce nom, caisse de retraite et maladie digne de ce nom, mutuelle digne de ce nom. Sans compter que les auteurs ne formant pas un quatrième ni un cinquième pouvoir, ils ne bénéficient pas comme les journalistes d'une niche fiscale, et de nombreux auteurs ayant un métier alimentaire se retrouvent à cotiser deux fois, avec une fiscalité très défavorable au niveau artistique...
J'ai déjà établi dans un précédent billet que les auteurs et écrivains étaient considérés par les "professionnels du livre" comme des amateurs, mais sans aborder à aucun moment l'impact des métiers alimentaires. Il est temps d'y remédier.
Avant de le faire, toutefois, il faut tout de même constater que la principale explication à l'absence de structuration du métier d'auteur - même s'il existe un coûteux organisme de protection sociale, l'Agessa, s'adressant aux auteurs traditionnellement publiés - est à mon sens la désunion des auteurs.
Tous les auteurs ne considèrent en effet pas leur activité comme une activité professionnelle. L'exemple de Stefan Wul, que je citais dans mon précédent article sur le sujet, est assez symptomatique à mes yeux.
Stefan Wul a écrit de merveilleux romans de Science-Fiction. Mais Pierre Pairault, son alter égo dans la vraie vie, était chirurgien dentiste. Il gagnait bien sa vie avec son métier, qu'il ne considérait pas comme alimentaire mais comme son vrai métier - et pour cause, je pense, étant donné les années d'études qu'il avait accomplies - l'écriture n'étant pour lui qu'un passe-temps divertissant.
Mon propre point de vue est évidemment différent: j'ai fait des études de lettres, j'ai gagné ma vie en tant que journaliste dans la presse écrite jeux vidéo - et à ce titre, je ne crache pas sur la fameuse niche fiscale, je ne fais que constater qu'une position tout aussi précaire qui n'est pas une position de pouvoir ne permet pas de l'obtenir - avant de devenir auteur à temps plein. Je vis mon rêve, et mon rêve emplit ma vie.
Un troisième auteur estimera que les métiers alimentaires sont indispensables pour l'auteur à la prise en compte de situations réelles, dans la vie professionnelle, qui amélioreront ainsi l'aspect réaliste et documenté d’œuvres, fussent-elles de fiction.
Autant d'auteurs, autant d'avis.
Il n'en reste pas moins que la société évolue. La mécanisation, la robotisation, l'informatisation transforment les métiers.
Un tiers des citadins de Paris intra-muros exerçant une activité professionnelle sont liés à l'intermittence du spectacle - statut perpétuellement menacé par notre société dans le déni, cela dit en passant. Le chiffre d'affaire de la presse, du cinéma et de toutes les activités artistiques a dépassé en France celui de l'automobile.
De plus en plus, nous évoluons vers une société de loisirs. Un exemple concret parmi d'autres ce sont les vidéos sur Youtube.
Mon fils regardait l'autre jour une vidéo Youtube de Plant versus Zombie. Elle a été vue plus de deux millions de fois. En faisant un rapide calcul, une vidéo visionnée 1000 fois et intégrant de la pub rapportant à son auteur 1 euro, l'auteur de cette vidéo a gagné 2000 euros. Pour une vidéo d'un joueur jouant à un jeu.
Et encore, vous pensez bien que le "deal" est très largement favorable à Youtube, qui engrange des sommes astronomiques.
Mais je digresse. Revenons au cœur du sujet. Lorsque deux auteurs vont démarcher un éditeur, l'un ayant un métier alimentaire, l'autre non, à votre avis, lequel défendra le mieux son beefsteak?
Il est évident que seule, la petite portion d'auteurs qui estiment que leur métier est une activité professionnelle à part entière sera à même de défendre ses droits plus efficacement.
Bien sûr, on peut envisager des cas où l'auteur exerçant un métier alimentaire à temps partiel et voulant passer à temps plein sur l'écriture refusera le marché de dupes proposé par l'éditeur, là où l'auteur au RSA aura des étoiles dans les yeux à l'idée d'être publié, et signera le contrat en l'ayant à peine lu.
Il ne s'agit pas pour moi de jeter la pierre à quiconque. Dans un cas comme dans l'autre, il est indispensable d'arriver dans une négociation dans une position autre que celle de la faiblesse absolue. Il faut pouvoir dire non.
Parce que si on ne le fait pas, si on se dit: "de toute façon, peu importe si je ne reçois qu'une aumône, j'ai mon métier alimentaire derrière", au final, quel est l'objectif de notre démarche? Le prestige?
C'est malheureusement une triste réalité: de nombreux auteurs traditionnellement édités sont en réalité dans une démarche de vanity publishing... démarche qui nuit à tous leurs pairs.
Quel argument, alors, opposer aux éditeurs? Quelle alternative?
L'autoédition, bien sûr.
Je sais bien que les revenus liés aux ventes d'ebook restent maigres, en France. Mais à partir du moment où un éditeur ne vous propose que des miettes, pourquoi ne pas se positionner sur d'autres miettes, sur lesquelles vous aurez au moins le contrôle?
Pour finir sur une note plus positive, je suis ravi de voir que de plus en plus, les auteurs autoédités en France s'organisent. Ravi de voir que des auteurs comme Marie-Laure Cahier et Elizabeth Sutton ont pu négocier de garder le contrôle sur les droits numériques de leur ouvrage, Publier son livre à l'ère numérique, tout en ayant le livre papier publié traditionnellement.
Je suis persuadé qu'elles ne sont pas arrivées en position de faiblesse au moment de négocier.
Quant au problème des métiers alimentaires, il est de l'ordre de celui de l’œuf ou de la poule. Je ne crois pas que seuls, les métiers alimentaires contribuent à la précarisation des artistes, de même que je ne crois pas que la seule manière de traiter les auteurs par les éditeurs engendre la paupérisation des premiers.
Les choses sont imbriquées à de nombreux niveaux.
Sur le même sujet:
- Les auteurs et écrivains: tous des "hobbyists" (amateurs)?
- Auteur autoédité, un "anti" emploi?
J'ai déjà établi dans un précédent billet que les auteurs et écrivains étaient considérés par les "professionnels du livre" comme des amateurs, mais sans aborder à aucun moment l'impact des métiers alimentaires. Il est temps d'y remédier.
Avant de le faire, toutefois, il faut tout de même constater que la principale explication à l'absence de structuration du métier d'auteur - même s'il existe un coûteux organisme de protection sociale, l'Agessa, s'adressant aux auteurs traditionnellement publiés - est à mon sens la désunion des auteurs.
Tous les auteurs ne considèrent en effet pas leur activité comme une activité professionnelle. L'exemple de Stefan Wul, que je citais dans mon précédent article sur le sujet, est assez symptomatique à mes yeux.
Stefan Wul a écrit de merveilleux romans de Science-Fiction. Mais Pierre Pairault, son alter égo dans la vraie vie, était chirurgien dentiste. Il gagnait bien sa vie avec son métier, qu'il ne considérait pas comme alimentaire mais comme son vrai métier - et pour cause, je pense, étant donné les années d'études qu'il avait accomplies - l'écriture n'étant pour lui qu'un passe-temps divertissant.
Mon propre point de vue est évidemment différent: j'ai fait des études de lettres, j'ai gagné ma vie en tant que journaliste dans la presse écrite jeux vidéo - et à ce titre, je ne crache pas sur la fameuse niche fiscale, je ne fais que constater qu'une position tout aussi précaire qui n'est pas une position de pouvoir ne permet pas de l'obtenir - avant de devenir auteur à temps plein. Je vis mon rêve, et mon rêve emplit ma vie.
Un troisième auteur estimera que les métiers alimentaires sont indispensables pour l'auteur à la prise en compte de situations réelles, dans la vie professionnelle, qui amélioreront ainsi l'aspect réaliste et documenté d’œuvres, fussent-elles de fiction.
Autant d'auteurs, autant d'avis.
Il n'en reste pas moins que la société évolue. La mécanisation, la robotisation, l'informatisation transforment les métiers.
Un tiers des citadins de Paris intra-muros exerçant une activité professionnelle sont liés à l'intermittence du spectacle - statut perpétuellement menacé par notre société dans le déni, cela dit en passant. Le chiffre d'affaire de la presse, du cinéma et de toutes les activités artistiques a dépassé en France celui de l'automobile.
De plus en plus, nous évoluons vers une société de loisirs. Un exemple concret parmi d'autres ce sont les vidéos sur Youtube.
Mon fils regardait l'autre jour une vidéo Youtube de Plant versus Zombie. Elle a été vue plus de deux millions de fois. En faisant un rapide calcul, une vidéo visionnée 1000 fois et intégrant de la pub rapportant à son auteur 1 euro, l'auteur de cette vidéo a gagné 2000 euros. Pour une vidéo d'un joueur jouant à un jeu.
Et encore, vous pensez bien que le "deal" est très largement favorable à Youtube, qui engrange des sommes astronomiques.
Mais je digresse. Revenons au cœur du sujet. Lorsque deux auteurs vont démarcher un éditeur, l'un ayant un métier alimentaire, l'autre non, à votre avis, lequel défendra le mieux son beefsteak?
Il est évident que seule, la petite portion d'auteurs qui estiment que leur métier est une activité professionnelle à part entière sera à même de défendre ses droits plus efficacement.
Bien sûr, on peut envisager des cas où l'auteur exerçant un métier alimentaire à temps partiel et voulant passer à temps plein sur l'écriture refusera le marché de dupes proposé par l'éditeur, là où l'auteur au RSA aura des étoiles dans les yeux à l'idée d'être publié, et signera le contrat en l'ayant à peine lu.
Il ne s'agit pas pour moi de jeter la pierre à quiconque. Dans un cas comme dans l'autre, il est indispensable d'arriver dans une négociation dans une position autre que celle de la faiblesse absolue. Il faut pouvoir dire non.
Parce que si on ne le fait pas, si on se dit: "de toute façon, peu importe si je ne reçois qu'une aumône, j'ai mon métier alimentaire derrière", au final, quel est l'objectif de notre démarche? Le prestige?
C'est malheureusement une triste réalité: de nombreux auteurs traditionnellement édités sont en réalité dans une démarche de vanity publishing... démarche qui nuit à tous leurs pairs.
Quel argument, alors, opposer aux éditeurs? Quelle alternative?
L'autoédition, bien sûr.
Je sais bien que les revenus liés aux ventes d'ebook restent maigres, en France. Mais à partir du moment où un éditeur ne vous propose que des miettes, pourquoi ne pas se positionner sur d'autres miettes, sur lesquelles vous aurez au moins le contrôle?
Pour finir sur une note plus positive, je suis ravi de voir que de plus en plus, les auteurs autoédités en France s'organisent. Ravi de voir que des auteurs comme Marie-Laure Cahier et Elizabeth Sutton ont pu négocier de garder le contrôle sur les droits numériques de leur ouvrage, Publier son livre à l'ère numérique, tout en ayant le livre papier publié traditionnellement.
Je suis persuadé qu'elles ne sont pas arrivées en position de faiblesse au moment de négocier.
Quant au problème des métiers alimentaires, il est de l'ordre de celui de l’œuf ou de la poule. Je ne crois pas que seuls, les métiers alimentaires contribuent à la précarisation des artistes, de même que je ne crois pas que la seule manière de traiter les auteurs par les éditeurs engendre la paupérisation des premiers.
Les choses sont imbriquées à de nombreux niveaux.
Sur le même sujet:
- Les auteurs et écrivains: tous des "hobbyists" (amateurs)?
- Auteur autoédité, un "anti" emploi?
Inscription à :
Articles (Atom)