Le plus bel objet magique sur lequel je sois tombé dans ma vie de lecteur, le plus symbolique, celui qui a le plus résonné en moi, est le Choixpeau magique dans Harry Potter à l'école des sorciers. Il s'agit d'un objet magique dont la symbolique est rattachée au monde réel, et en cela il résume parfaitement la série Harry Potter: un roman qui mélange monde réel et monde magique.
Vous êtes plutôt littéraire ou plutôt matheux? Ni l'un ni l'autre? Plutôt intellectuel ou manuel? Timide ou audacieux? Courageux ou prudent? Paresseux ou travailleur?
Ces différentes caractéristiques, ces différents penchants, aptitudes ou compétences, ces traits de personnalité et ces valeurs, et bien d'autres, sont ceux qui nous définissent en tant qu'êtres humains.
Ils nous renvoient tout aussi bien à la génétique qu'au développement personnel, à l'inné aussi bien qu'à l'acquis, au figé qu'à l'évolutif.
La question métaphysique de la prédestination, du destin, de notre évolution, de notre présent et de notre futur, déjà écrit ou non, est intimement liée à ces caractéristiques, ces éléments qui nous composent.
En inventant le Choixpeau magique, un chapeau qui, au moment de votre arrivée à l'école de Poudlard, va vous envoyer dans différentes familles auxquelles sont liées différents traits de personnalité et aptitudes (Gryffondor, Serdaigle, Poufsouffle, Serpentard), la romancière J.K. Rowling a réalisé le tour de force d'inventer (de découvrir, ou de redécouvrir, diront certains) un objet magique qui fait résonner tout cela en nous.
Dans le roman, il est précisé que le Choixpeau tient compte de l'envie des élèves. Sur Internet, on peut aussi tomber sur différentes théories, dont l'une d'entre elle établit que le Choixpeau prend en fait en compte des valeurs auxquelles les enfants sont attachés. Vous n'irez pas forcément à Gryffondor parce que vous êtes courageux, mais parce que vous estimez que le courage est un idéal à atteindre.
Je dirais qu'à la rigueur, peu importe la fonction exacte du Choixpeau, en tout cas du point de vue de l'auteur que je suis. Ce qui compte, c'est sa charge symbolique. La manière dont il va faire résonner toute une série de connaissances en nous, par rapport à notre évolution, justement dans un moment où les enfants, dans le récit, doivent faire le choix qui va conditionner les prochaines années qu'ils vont vivre, et peut-être, leur futur entier.
Si vous n'êtes pas capable de faire le parallèle avec vos années de collège, c'est sans doute que vous n'avez jamais été au collège.
On a donc cet objet magique qui nous renvoie à tout un tas de choses du monde réel. Je n'aborderai pas l'aspect psychanalytique des symboles. Si cet aspect vous intéresse, je ne saurais trop vous conseiller de vous plonger dans Psychanalyse des contes de fées, de Bruno Bettelheim. Cette lecture ne pourra que vous confirmer que la symbolique, dans un récit, a un impact réel sur le lecteur.
L'exemple de ce Choixpeau dans Harry Potter est fascinant pour moi en tant qu'auteur de littérature de l'imaginaire. Est-ce que, en tant que romanciers, nous faisons la démarche volontaire de rechercher des symboles à haut niveau de résonnance? Je ne le pense pas. Je ne crois pas que telle ait été la démarche de J.K. Rowling, et ce n'est pas la mienne non plus. Je crois que ces symboles nous sont apportés par le fil du récit, par l'histoire.
Je ne dis pas non plus qu'il n'y ait pas quelques séances de brainstorming, ou si vous préférez, de cogitation.
[Attention spoilers: univers d'Ardalia]
Quand j'ai défini l'univers d'Ardalia, je me suis appuyé sur des objets magiques, avec des propriétés symboliques de leur élément. Le noueux, sorte de baguette magique qui permet aux shamans de convoquer les vents, ou l'orbe de Kerengar, qui possède des propriétés liées à la matière, et à la terre.
J'ai aussi ajouté un aspect spirituel aux éléments. Le dieu du vent, par exemple, est aussi celui du Destin.
Mais je dois bien reconnaître que je n'ai jamais conçu (ou découvert) un objet qui puisse posséder une résonnance aussi forte, à différents niveaux, que ce Choixpeau.
L'une des choses dont je suis le plus fier est l'Eau Turquoise des Malians, le peuple semi-aquatique aux pieds palmés. Un fluide qui va comporter différentes caractéristiques selon les bassins dans lesquels il est placé. Dans le bassin d'apprentissage, l'eau a une mémoire, et permet aux malians d'accéder à la sagesse de leurs ancêtres.
Mais dans les bassins de naissance et de seconde chance, ce fluide va permettre aux créatures (pas toutes, d'ailleurs) de fusionner. De devenir l'équivalent de frères ou soeurs siamoises, si l'on veut se rapprocher de quelque chose d'humain.
La symbolique que l'on peut trouver dans l'Eau Turquoise, c'est l'harmonie entre les êtres - la déesse des Malians est la déesse de l'harmonie. C'est aussi, quelque part, notre propre évolution en tant qu'êtres humains issus de l'eau dans les temps anciens.
Mais il y a bien sûr quelque chose d'expérimental, dans cette trilogie Ardalia, l'idée de concevoir des peuples extraterrestres à une époque primitive et sauvage, grosso modo avant l'âge du fer.
C'est peut-être cet aspect expérimental, en dépit des nombreux repères qui existent par rapport à notre réalité, qui rend la résonnance moins forte avec celle-ci.
En dehors de ses fonctions d'évasion pure, l'imaginaire nous permet en tout cas d'interroger, parfois de décrypter, notre univers. D'où ces nombreuses passerelles avec le monde réel que l'on trouve dans les univers de l'imaginaire.
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