vendredi 18 août 2017

Interdépendance

On assiste en ce moment à un énième épisode d'hystérie médiatique à la suite des attentats à Barcelone et à Cambrils (Catalogne). Rien de tel que les médias, en particulier audiovisuels, pour transformer ce qui est une piqûre de moustique, à l'échelle de la société, en une charge de rhinocéros. En réalité, le véritable rhinocéros dans la pièce, ce n'est pas le terroriste, mais bien cette charge émotionnelle, relayée et amplifiée à outrance par les médias. Mais les journalistes sont-ils les seuls coupables? Sans demande, il n'y a pas d'offre. J'ai envie de me pencher aujourd'hui sur les questions d'interdépendance dans notre société. 

En écoutant cet été l'ancien journaliste Claude Sérillon évoquer devant Laurent Ruquier, de France 2, la violence professionnelle de France Télévision, et n'être contredit par aucune des personnes présentes sur le plateau d'On n'est pas couché, je me suis dit que les plus grands adeptes du média bashing ("taper sur les médias") étaient soit d'anciens journalistes, soit des journalistes en fonction. 

C'est le même type de réflexion que je me fait lorsque je tombe sur Internet sur un commentaire de livre particulièrement virulent, commentaire en provenance d'un auteur. Les plus grands adeptes de l'auteur-bashing sont des auteurs.

Claude Sérillon disait notamment que le journalisme qu'il avait tenté de favoriser à son époque, à l'instar de Bernard Rapp, était davantage un journalisme de grands reporters plutôt que de faits divers. 

Imaginez maintenant, si Claude Sérillon est déjà aussi critique envers la presse en étant interviewé à la télé, à quel point il doit l'être encore plus dans le privé. Cela laisse songeur.

On me pardonnera donc d'avoir une petite dent contre les médias, puisque j'ai moi-même été journaliste pendant 8 ans. Quand on a été formé sur un métier, on se fait toujours une idée de ce que devrait être ce métier.

Pour revenir sur la situation actuelle, quels sont ces attentats auxquels on assiste, si ce n'est des faits divers un peu particuliers, car mis en œuvre de manière à pouvoir être facilement montés en épingle. 

La recette est connue:

- s'en prendre à l'autorité sous toutes ses formes: militaire, gouvernementale, religieuse
- choisir un haut lieu touristique
- frapper au moment où l'on ne s'y attend pas, en étant prêt à se sacrifier, en faisant le plus de victimes possible, et de la manière la plus spectaculaire

Ces attentats doivent provoquer des réactions émotionnelles fortes. Le fait que j'écrive cet article, et donc que je me distancie de la révolte que m'inspire ces attentats, ne doit pas faire croire que cette révolte est absente chez moi, ni que je suis insensibilisé par rapport à la réalité. 

Si je prends mes distances, ou, pour forcer le trait, si je fais l'autruche, c'est consciemment. J'ai bien sûr une pensée pour les victimes. Le risque serait en effet de tomber dans l'excès inverse, et de se transformer en robots.

J'ai déjà évoqué, dans l'article Terrorisme médiatique, l'interdépendance entre les médias et les terroristes. En tant qu'auteur, je suis bien placé pour savoir que l'une des clés d'une histoire réussie est d'avoir un méchant réussi. Or, pour les journalistes, qui, tout comme les politiques, se servent du storytelling (raconter une histoire) afin d'améliorer l'audience, et donc les revenus publicitaires, quels plus parfaits anti-héros que les terroristes? 

Ces mêmes terroristes qui, en tant que stars de cette télé-réalité d'un nouveau genre, se nourrissent aussi, même de manière anticipée, ou de manière collective pour leur clan, de cette sur-médiatisation.

Etant donné les effets pervers que cela occasionne, je ne saurai trop conseiller au grand public de se lancer dans la lecture d'un bon bouquin, plutôt que de rechercher cette actualité morbide, aussi fascinante en apparence soit-elle. La réalité devient invasive et dangereuse quand on essaie d'en faire une histoire dans les actualités. En particulier quand c'est une réalité violente, choquante.

C'est cette interdépendance entre les médias et le public qui me tient aujourd'hui à cœur. Il faudrait demander à un psy ce qui se passe dans la tête des gens quand ils regardent des infos dramatiques, mais je ne crois pas me tromper en disant que, par empathie, le public ressent une bonne part de la détresse et du chagrin des victimes.

Cette "messe médiatique" du 20 heures se transforme donc souvent en une séance de flagellation.

C'est bien sûr à dessein que j'emploie des termes religieux. Je pense que si la notion de Péché Originel a aussi bien marché dans la religion chrétienne, c'est que nous avions un terreau propice dans nos cœurs de femmes et d'hommes (pourquoi mettre toujours les hommes en premier?).  

Recherche de spiritualité, recherche d'autorité d'un côté, et de l'autre, processus de culpabilisation, puis ensuite de soumission, et enfin de manipulation, je pense que c'est à peu près dans cet ordre que les choses doivent se faire. 

Non pas que toutes les religions soient négatives, tel n'est absolument pas mon propos. Mais la religion mal comprise a pu être un outil de domination.

Le fait, pour l'être humain, de culpabiliser, est à la fois une supériorité et une faille. Une supériorité, car cela nous permet de nous remettre en cause, et corriger des erreurs. Une faille, parce qu'en faisant porter le poids d'une culpabilité trop lourde, cela permet de dominer et de diriger. 

Méfiez-vous de toute doctrine ou système de pensée qui vous fasse culpabiliser en tant qu'être humain, car c'est un point de vulnérabilité susceptible d'être exploité. 

Est-ce pour autant que tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes? Non, le verre à moitié vide existe. Le huitième continent formé par les déchets, le réchauffement climatique, le péril écologique, les tortures humaines, les tortures animales, tous les maux de ce monde. Les causes à défendre sont innombrables.

De la même manière que pour moi, l'homme doit mener de front lutte contre la faim dans le monde et conquête spatiale, il doit aussi lutter de front contre les tortures faites aux hommes et aux animaux. 

Pourquoi? Parce que des sujets aussi différents peuvent se retrouver liés, interconnectés. Pour moi, le mot de cette année 2017 est "interdépendance".

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