La plus grande trahison du public à mon sens n'est pas le mensonge journalistique, mais le mensonge par omission. Le fait de passer sous silence certains événements majeurs.
Lorsque vous arrivez en Ecole de journalisme, on vous apprend rapidement la notion de hiérarchisation de l'information.
En gros, on va privilégier des informations proches géographiquement des gens, ou qui les touchent personnellement en véhiculant de puissantes émotions (par exemple un bébé qu'on aura mis dans un four ou dans un congélateur). On privilégie aussi les informations les plus sécurisées, celles qui auront le plus de légitimité aux yeux des téléspectateurs, et en particulier les informations institutionnelles.
Les grandes chaînes sont très proches du pouvoir. D'où la notion de "chiens de garde" du pouvoir que l'on associe aux grands médias.
Ce n'est pas pour rien que lors de révolutions comme celles de la Roumanie, ce sont les grandes chaînes télé que l'on assiège en premier lieu. Ce sont avant tout des lieux de pouvoir.
Les journalistes font des omissions à longueur de journées. Etant donné le flot incessant d'infos, même en étant une chaîne d'infos en continu comme BFM, on ne peut envisager de livrer l'info sans trahir en permanence le téléspectateur. Cela fait partie du job.
Mais il y a bien sûr omission et omission. Que l'on parle à peine d'une société privée, Space X, ayant réussi après plusieurs essais infructueux à envoyer des fusées dans l'espace, alors que l'on pensait que seuls des gouvernements pouvaient en avoir les moyens, est déjà stupéfiant.
Que l'on ignore le fait que cette société est d'ores et déjà parvenue à rendre l'envoi des satellites dans l'espace beaucoup moins onéreux que des compagnies étatiques ou semi-étatiques telles que ULA, le joint venture entre Boing et Lockheed, ou même Arianespace est un autre scandale.
Scandale qui peut s'expliquer facilement: les gros médias privilégient les institutions et Space X vient concurrencer ces institutions. Et il est vrai que l'on peut arguer que l'envoi de satellites n'est pas la préoccupation première du télespectateur français.
Même si on peut aussi penser que beaucoup de gens auraient aimé savoir que le marché des satellites étant régi par quelques monopoles, les coûts ont tendance à flamber, et que la concurrence dans de ce domaine est en fait vitale, comme dans n'importe quel secteur de l'économie.
Que l'on taise le fait que Space X parvient actuellement à ravitailler la Station Spatiale Internationale, ce que seuls les Russes et les Chinois pouvaient faire avec le retrait de la navette spatiale américaine, est un manquement absolument monstrueux.
Mais que l'on passe sous silence le fait que Space X soit la première compagnie au monde à faire atterrir une fusée après l'avoir mise sous orbite, ça, mesdames et messieurs, ça c'est le pire scandale médiatique des dernières années.
Pourquoi?
Parce que déjà, il s'agit d'un exploit technologique sensationnel.
Mais surtout, imaginez que chaque fois que vous preniez un avion, vous deviez sauter en parachute en arrivant à destination, l'avion allant se crasher dans la mer.
Cela rendrait le coût du siège en avion prohibitif. La première personne capable de faire atterrir les avions devrait en principe être célébrée comme ayant provoqué une révolution, celle du coût des transports en avion.
Eh bien c'est exactement la même chose avec Elon Musk et ses fusées capables de se poser.
Alors certes, tout n'est pas encore réglé. Space X doit encore prouver que les fusées qui se sont posées sont réutilisables après maintenance. Il faut aussi pouvoir poser les navettes spatiales elles-mêmes (la partie supérieure de la fusée, elle aussi dotée de moteurs), et pouvoir les réutiliser.
Et les personnes qui critiquent Elon Musk en disant qu'il fait travailler ses ouvriers 80 heures par semaine ont manifestement raison. Lors de sa dernière conférence intitulée "Faire de l'humanité une espèce multiplanétaire", Elon a remercié ses employés travaillant sur les moteurs Raptor de bosser sept jours sur sept.
Mais comme le dévoile l'intitulé de la conférence, Musk s'est tout de même attelé à coloniser la planète Mars. Il souhaite y envoyer 1 million de personnes d'ici la fin du siècle.
Il ne souhaite pas y parvenir juste pour le tourisme spatial, mais bien pour fournir un "système de sauvegarde" à l'humanité. Avec en vue, la terraformation de Mars, et une planète pouvant venir en aide à la Terre si les choses devaient mal tourner ici.
Le défi est gigantesque. Une partie du défi a déjà été relevée. L'énorme fusée permettant d'espérer y parvenir (celle en photo au début de cet article) devrait être construite d'ici cinq ans.
Musk espère régler le problème des radiations cosmiques en entourant l'habitacle de sa fusée d'une paroi contenant de l'eau, laquelle devrait bloquer l'essentiel des radiations durant le voyage pour Mars, qui durera de trois à six mois.
Mais rien ne semble impossible à Musk. L'ancien co-fondateur de Paypal, qui est aussi le PDG d'une société de panneaux solaires, est également à la tête de l'entreprise automobile la plus innovante, Tesla Motors.
L'une des rares nouvelles entreprises automobiles de cette taille à ne pas s'être cassée la figure ces quarante dernières années.
Saviez-vous par exemple que le modèle 3 de Tesla, entièrement électrique et avec 345 km d'autonomie, vendu à 35 000 dollars, et qui devrait arriver en 2018 en France, a obtenu 10 milliards de dollars de précommande dès les premiers jours?
Ça non plus, ça n'a pas fait les gros titres des journaux...
EDIT 31 mars 2017 : TF1 a enfin parlé dans son 20h00, très brièvement, de l'atterrissage avec succès du premier étage d'une fusée Space X. Cinq mois après mon article... Mais il faut effectivement saluer l'exploit, puisque le jeudi 30 mars 2017 marque la date où Space X parvient à réutiliser avec succès le premier étage d'une fusée pour un lancement, puis à reposer de nouveau ce premier étage! C'est historique.
2 commentaires:
A mon sens, Musk est l'un des seuls "grands" de ce monde a avoir la capacité de le changer, mais aussi la volonté. Il commence à être partout: le photovoltaïque, la voiture électrique, la colonisation martienne... Et à chaque fois, il bouscule toutes les conventions, allant bien souvent à l'encontre des intérêts de grosses puissances. J'ai toujours cru que si quelqu'un commençait à œuvrer en ce sens, il finirait assassiné ou mort dans un accident. Au final, ça me donne espoir.
Je suis bien de ton avis. Musk peut être comparé à Edison ou à Henry Ford, et le nombrilisme franco-français qui empêche les médias de parler de lui a quelque chose de révoltant.
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