jeudi 27 octobre 2016

Le Produit National de Livres par habitant

Je me pose ces derniers temps la question de savoir quelle est la tendance dans les maisons d'édition, notamment en France: reçoivent-elles plus ou moins de manuscrits ces dernières années? L'essor de l'autoédition est-il un frein à l'envoi de manuscrits aux éditeurs? Et plus généralement, combien de manuscrits inédits sont envoyés aux éditeurs, et combien sont autopubliés chaque année? Enfin, quel est le Produit National de Livres par habitant en France sur une année? 

Ce terme précis de Produit National de Livres par habitant, je ne l'ai pas trouvé lors d'une recherche rapide sur le net. Il est donc possible que j'en sois l'inventeur - en tout cas, je ne crois pas en avoir entendu parler avant.

De même, la notion de mesure de l'activité créatrice d'un pays dès lors qu'il s'agit de livres ou même d'art et de culture me semble aussi assez innovante, en toute modestie. Je pense que cette notion peut revêtir un grand attrait au niveau sociologique.

L'une des particularités du mouvement des auteurs autoédités dans lequel je m'inscris, c'est que nous sommes attachés à la mesure de notre activité. Le site Author Earnings nous permet ainsi de mesurer l'impact en termes de ventes des auteurs autoédités et auteurs publiés traditionnellement, principalement d'ebooks, et principalement publiés sur Amazon Etats-Unis. On peut ainsi comparer.

Le dernier rapport Author Earnings, celui d'octobre 2016, signale d'ailleurs une baisse importante de ventes des auteurs autoédités aux Etats-Unis, principalement au profit des maisons d'édition (ME) Amazon et des petites et moyennes ME. Rien de catastrophique cependant, le choix de l'autoédition restant selon moi le meilleur, et de loin. 

La question de savoir combien de manuscrits sont envoyés aux maisons d'édition s'est posée pour moi avec plus d'acuité lorsqu'une amie romancière et éditrice d'une petite ME orientée SF/Fantasy/Fantastique a annoncé sur Facebook autoéditer son prochain livre (en dehors de sa maison d'édition, donc). Tout en continuant son activité d'éditrice.

Cette romancière a ensuite annoncé sur Facebook de très bons chiffres de ventes pour son livre autoédité. Vous avez dit changement de mentalité?

A ce sujet, je pense qu'il est légitime de se demander combien de maisons d'édition sont en réalité adossées à des auteurs autoédités ayant connu un certain succès et qui ont fait le choix de transformer leur activité en une maison d'édition. Selon moi, il y en a plus qu'on ne le croit. 

J'ai conscience, cela dit, que cette amie éditrice, c'est mon petit bout de la lorgnette à moi. De même, les auteurs, illustrateurs ou blogueurs qui me disent que l'autoédition a gagné en respectabilité, c'est aussi mon petit bout de lorgnette, parce que je n'ai pas de vision statistique ni globale, uniquement celui de mon petit morceau d'internet et de Facebook. 

Un site comme Author Earnings permet d'avoir des données statistiques nettement plus étendues.

En revanche, le site ne comptabilise pas les manuscrits envoyés aux ME. 

Une rapide recherche sur le net m'a tout de même révélé des données intéressantes, qui pourraient nous permettre de nous faire une idée des évolutions en cours. 

Un article de l'Express de février 2012 révèle les données suivantes pour les grosses maisons d'édition suivantes: 

- Gallimard: 6000 manuscrits par an
- Le Seuil: 5000/an
- Robert Laffont: 4000/an
- Fayard: 4000/an
- Grasset: 3000/an

J'ignore de quand datent exactement ces données, mais il me paraît évident qu'elles sont postérieures à l'an 2000, mais antérieures à 2012.

Je lance donc un appel aux pro travaillant dans ces maisons, ou à toute personne ayant accès à des données officielles sur le sujet: y a-t-il eu évolution ces dernières années? De quelle nature? N'hésitez pas à venir témoigner en commentaire, si les données sont suffisamment fiables, je réactualiserais l'article. 

De même, si quelqu'un travaillant chez Amazon ou Kobo peut faire une estimation du nombre de livres autoédités publiés sur ces différents sites en un an, ce serait précieux!

Pour info, on sait en allant sur le site Amazon, que de manière globale, tout store confondu, on est aux alentours de deux millons six cent quatre-vingt quinze mille ebooks et des poussières publiés uniquement par des auteurs indépendants ou autoédités, au moment où j'écris ces lignes. 


L'un des facteurs cruciaux, à mon avis, qui va jouer sur le nombre de manuscrits reçus en ME, c'est l'acceptation ou non de manuscrits sous la forme électronique, pour une bête question budgétaire: les frais d'impression et d'envoi d'un manuscrit à une maison d'édition, c'est à mon avis au bas mot 15€ si l'on passe par la Poste pour l'envoi. 

Je l'avoue, cela fait tellement d'années que je n'ai pas envoyé de manuscrit à une maison d'édition que j'ignore si les pratiques ont changé: faut-il toujours envoyer les versions papier chez les grosses ME? 

La simplicité de l'autoédition via des plates-formes comme Kobo Writing Life ou KDP Publishing, la facilité pour trouver ces sites via Internet me semble devoir concurrencer très rudement les envois de manuscrits par la poste. 

Si en revanche, ces envois se font par voie électronique, c'est une autre affaire: un auteur pourrait très bien envisager de publier son roman sous un autre nom et un autre titre et de manière directe, sur Amazon et Kobo/la Fnac, voire Google et Apple, tout en envoyant le manuscrit titré différemment, avec son vrai nom, sous format électronique à la maison d'édition. 

Quitte à retirer ensuite le roman publié sous un autre nom de la vente, si son manuscrit devait être retenu. 

Et oui, je sais, vous allez me dire qu'un manuscrit doit être inédit pour être envoyé à un éditeur. Mais il ne me semble pas outrancier de dire qu'un ebook vendu à zéro exemplaire sur Amazon reste une œuvre inédite pour le public, surtout si l'auteur n'a pas cherché outre mesure à la faire connaître.  

Donc, ces auteurs jouant sur les deux tableaux doivent nécessairement fausser les statistiques s'il est possible d'envoyer son manuscrit sous format électronique: ce n'est pas parce que le nombre de manuscrits envoyés aux ME est stable, ou même en augmentation, qu'il n'y a pas d'essor de l'autoédition.

En revanche, si envoyer sous format électronique est toujours mal vu parmi les grosses ME, alors, on devrait noter un vrai fossé se creuser entre le nombre de livres autoédités directement et le nombre de manuscrits envoyés, car il y aura forcément un impact économique du prix des envois.

C'est en tout cas ma théorie.

En cumulant les deux chiffres, manuscrits envoyés aux ME et livres autoédités, puis en divisant par deux les titres doublonnés, et en le rapportant à l'ensemble de la population active, on devrait obtenir le Produit National de Livres par habitant. Ce qui permettrait ensuite une comparaison entre les différents pays. :)

5 commentaires:

Kaitlynn Plinhe a dit…

"Pour info, on sait en allant sur le site Amazon, que de manière globale, tout store confondu, on est aux alentours de deux millons six cent quatre-vingt quinze mille ebooks et des poussières publiés uniquement par des auteurs indépendants ou autoédités, au moment où j'écris ces lignes."

J'aurais cru que le terme "Kindle ebooks" sur amazon comptabilisait aussi les ebooks publiés par les maisons d'édition...

Ceci dit, le point de vu de l'article est intéressant.

Alan Spade a dit…

Il faut regarder juste au-dessus de "Kindle ebooks", Kaitlynn: il est bien noté: "Kindle Indie Books". "Kindle ebooks est une sous-catégorie du groupe des livres d'auteurs indépendants, mais la plus importante et de loin, c'est pourquoi c'est elle qui est cerclée de rouge sur l'image.

Alan Spade a dit…

Pour les personnes qui se demanderaient, au-delà de la comparaison de la créativité entre pays, quel serait l'intérêt d'un produit national de livres par habitant, c'est qu'à partir du moment où l'on crée un indice pour mesurer une richesse produite par les hommes et femmes, il paraîtrait logique d'y associer une contrepartie financière.

Sachant que le système économique actuel au niveau artistique (comme ailleurs) crée un effet entonnoir avec beaucoup d'argent dévolu à seulement quelques uns, argent qui n'est réinjecté que très partiellement dans l'économie.

Si l'on veut aller plus loin que les simples livres, on peut aussi parler de contenu généré sur Internet. On rejoint alors le débat actuel qui anime la Silicon Valley, où beaucoup estiment que le dynamisme publicitaire crée par les utilisateurs de réseaux sociaux et en particulier Facebook, à l'intérieur duquel de nombreux utilisateurs relaient du contenu, ce dynamisme devrait être rémunéré à l'aide d'un revenu universel inconditionnel.

Bref, le PNL pourrait être un indice sur lequel baser le revenu universel inconditionnel, et donc, un outil de partage des richesses. Ou l'un des indices.

Kazar a dit…

Les maisons d'édition tradi de nos jours indiquent souvent sur leur site web le format sous lequel elles souhaitent recevoir (ou pas!) des manuscrits. Certaines en restent au papier, d'autres désirent du digital. Je n'ai pas tout exploré mais je dirais moitié/moitié à peu près. Et si on connaît l'éditeur personnellement, la tendance est quand même au digital. Ils ont été parmi les premiers en France à acquérir des tablettes. Leurs week-ends de lecture de MS s'en sont trouvés allégés...

Alan Spade a dit…

Merci de l'info, Nila. On a maintenant des liseuses électroniques 8 pouces (je pense à la Kobo Aura) avec une qualité similaire au papier: les éditeurs n'ont donc plus aucune excuse!

Ce qu'il faut voir aussi, c'est que même des éditeurs prestigieux (ou censés l'être) emploient des stagiaires dans les comités de lecture. Leur fournir des liseuses serait une dépense à leurs yeux inutile, à partir du moment où ils pratiquent une politique à courte vue.

Concernant l'envoi de manuscrits, il faut lire l'article de Marjorie Moulineuf qui analyse très bien l'une des raisons de la non professionnalisation des maisons d'édition: si ces maisons demandaient aux auteurs d'être plus pro, elles devraient les payer davantage!

http://www.marjoriemoulineuf.com/envoyer-un-manuscrit-par-la-poste-pratiques-archaiques/