Au mois d'avril, l'URSSAF demande aux artistes-auteurs dont c'est la première année d'activité de déclarer une estimation de revenus pour l'année en cours. Il est ainsi possible d'entrer plusieurs estimations pour se faire une idée. L'URSSAF envoie ensuite les sommes à payer en format PDF dans la messagerie. Il faut faire attention, car le premier versement aux URSSAF doit être vite effectué, avant le 14 avril. Pour cet article, j'ai donc pris un exemple précis parmi ces estimations. Cela me permet d'obtenir une réponse plus précise et officielle que celle de mon article précédent sur le sujet, basée sur un forfait de début d'activité.
Pour cet essai, j'ai indiqué la somme de 9500 € de bénéfices net sur l'année entière. Aussi ma surprise a-t-elle été très grande quand le document URSSAF est arrivé. Celui-ci indique ainsi des revenus estimés en bnc (bénéfices non commerciaux) de 10 925 €, soit une forte majoration par rapport à ce que j'ai indiqué. J'en ignore la raison.
Selon le principe du versement à l'URSSAF des cotisations dès le premier euro gagné, la somme totale à verser en un an est de 1770 €.
Ce sont donc les fameuses cotisations vieillesse, maladie, contribution sociale généralisée, contribution au remboursement de la dette sociale et contribution à la formation professionnelle.
Quand j'étais salarié, je me souviens, je n'étais pas soumis à l'impôt sur le revenu en travaillant pour Pôle emploi, car mes revenus étaient trop faibles, de l'ordre de 1300 € par mois.
En me mettant à mon compte, si je touche environ 11 000 € dans l'année, je dois verser environ 1800 € de cotisations. Vous voyez la différence?
"Mais Alan," me direz-vous, "Pôle Emploi reversait à l'URSSAF l'équivalent de ton salaire en cotisations! Toi, en tant qu'indépendant, tu es favorisé, tu dois reverser beaucoup moins!"
Une grande faveur en effet que celle-ci. Une grande fierté aussi pour certains, de participer eux-mêmes à cette grande et glorieuse machine française de l'assurance vieillesse, et en particulier de l'assurance vieillesse dédiée aux auteurs, j'ai nommé la magnifique Agessa, qui bien sûr n'a jamais fait l'objet du moindre scandale financier.
A condition bien sûr que cet argent que l'on vous prend ne vous serve pas à vivre. A manger, à vous vêtir, à vous soigner, à vous transporter d'un lieu à l'autre... A condition de ne pas toucher au vital.
En admettant que Pôle Emploi ne puisse plus payer les cotisations URSSAF. En admettant que ce soient aux salariés de les payer. Vous pensez qu'ils le feront?
Non, bien sûr, parce qu'ils ne pourraient plus vivre. Ce serait ou bien la révolte, ou le suicide collectif. Qu'est-ce que cela signifie? Que les entreprises paient de grosses cotisations parce qu'elles le peuvent. Elles dégagent des chiffres suffisants pour le faire. C'est ce qu'on appelle se baser sur la réalité, et non sur une théorie ou un dogme.
Pourquoi y a-t-il un deux poids deux mesures par rapport aux gens qui n'ont pas à payer l'impôt sur le revenu en raison de revenus trop faibles, et les gens à leur compte qui doivent payer des charges contributives, quel que soit leur revenu? Parce que les gens à leur compte sont des indépendants? Trop indépendants? Et que l'indépendance, ça se paye?
Parce que là j'ai pris l'exemple de 9500 € en un an, mais imaginons une année où ça se passe plus mal que ça au niveau des ventes. Genre, une année covid. Imaginons une année où le bénéfice net sur l'année soit de 4750 €, soit moins qu'un RSA. Eh bien dans ce cas de figure, les cotisations seront aussi divisées par deux, avec 885 € à payer.
Allez dire à quelqu'un au RSA de verser 885 € de cotisations à l'Etat sur une année, vous allez voir comment vous allez être reçu...
Nous sommes donc dans une formule dogmatique qui ne pourra évoquer aux médiévistes parmi nous qu'une époque: les temps féodaux. Des temps où le seigneur envoyait son percepteur vous prendre deux sacs de farine, même si vous n'aviez que douze sacs de farine pour tenir l'année entière. Même si, en cas de mauvaise récolte, vous n'en aviez que six...
A croire qu'il y aurait pour les gens du gouvernement différentes catégories de personnes. Les actionnaires majoritaires qui appartiendraient à la grande bourgeoisie ou à la noblesse, les salariés qui appartiendraient à la classe moyenne, et le bas peuple des artisans et gens au RSA.
Une catégorisation qui ne fait bien sûr que renforcer, dans mon esprit, l'impératif d'un revenu universel inconditionnel, tant les différences peuvent se creuser dans notre société de manière tout à fait dogmatique, par la perversion d'un système qui, à l'origine, se voulait généreux et solidaire.
[EDIT 24 avril 2023] : si vous êtes dans le statut artiste-auteur, attention aux arnaques sur l'enregistrement de votre société. Celle-ci ne coûte rien, comme le stipule le site officiel, dans le cadre d'une micro-entreprise comme une entreprise d'autoédition. La requinerie étant ce qu'elle est, vous risquez de recevoir par courrier postal une demande annuelle de cotisations de 275 € d'une soi-disant société indépendante d'enregistrement qui vous permet de recevoir une newsletter trimestrielle.
Article précédent sur le même sujet : Combien ça coûte un n° de SIRET d'artiste-auteur?