mardi 24 septembre 2024

Carrefour, au secours !

Coup dur pour les auteurs d'Ile de France, Carrefour, LA chaîne de magasins qui ne reçoit jamais d'auteurs à l'occasion de dédicaces, a racheté Cora. Bien que je ne travaillais qu'avec deux magasins Cora en Ile de France, ceux de Massy et Val d'Yerres (Boussy-Saint-Antoine), il s'agissait d'une collaboration ancienne et fructueuse. Ce sont donc deux possibilités en moins, pour moi. On aurait pu croire que la forte densité de commerces en Ile-de-France procurerait de nombreux débouchés aux auteurs désireux de rencontrer leurs lecteurs "dans la vraie vie". Dans mon expérience, c'est de moins en moins le cas. 

Mon record de ventes s'établit à 42 ventes dans la journée, et il a été réalisé il y a plusieurs années, avant le covid, au Cora Massy. Cela ne risque plus d'arriver là-bas, puisque Carrefour, pour d'obscures raisons de comptabilité, refuse de recevoir des auteurs. Une politique qui pourrait être assimilée à de la discrimination culturelle. C'est ainsi que ma dernière séance de dédicace au Cora Val d'Yerres, le week-end dernier, a été annulée par le magasin.

Les grandes chaînes de distribution ont toujours été pour moi les meilleurs endroits où faire découvrir mes livres. Je leur dois une bonne partie des 14600 livres que j'ai dédicacé depuis mes débuts. Hélas, en 2024, ces chaînes se portent mal, en général. 

Pourquoi privilégier ces grandes chaînes de distribution et non les librairies, par exemple? Parce qu'il y a davantage de passage en centre commercial qu'en librairie, même si c'est un public plus varié, moins porté directement sur les livres. Et puis, les librairies demandent 30 à 35% sur chaque livre vendu, là où les centres de distribution non focalisés sur la culture ne prennent que 20%.

Pour un auteur autoédité, c'est à dire dont les livres ne sont pas présents en rayon, la différence entre 20 et 35% de marge par livre vendu, c'est la différence entre la vie et la mort.

Mes chiffres de vente, ainsi que le fait que j'arrive à vivre à temps plein de ma passion depuis 2014, prouvent que je suis dans le vrai.

Cela explique aussi pourquoi je ne dédicace pas en Fnac, la marge réclamée par cette enseigne étant de 40%. Excusez du peu!

On pourrait croire qu'en 2024, l'autoédition aurait su se faire accepter de tous les professionnels. D'autant qu'une chaîne comme Auchan, par exemple, demande de montrer patte blanche aux auteurs, y compris autoédités, sous la forme d'un numéro SIRET obligatoire pour pouvoir dédicacer. 

Il n'en est rien. La facilité qu'il y a à se faire autoéditer, les escrocs qui tirent parti de l'autoédition pour publier des centaines de bouquins à coup de Chat GPT, tout cela fait que de trop nombreux libraires tordent encore le nez dès lors qu'il s'agit de recevoir un auteur assurant sa propre production. 

Notre indépendance elle-même est une cause de désapprobation parmi des professions habituées, pour ne pas dire soumises, à la domination des éditeurs traditionnels. Quand vous avez pour principaux clients de gros éditeurs, les ennemis de vos amis ont aussi tendance à devenir vos ennemis. La neutralité supposée, des chaînes culturelles comme des librairies, a vite fait de céder le pas face aux considérations économiques. 

C'est ainsi que sur la quinzaine de magasins Cultura qui opèrent en Ile de France et dans l'Oise, je ne travaille plus qu'avec un ou deux magasins. La méthode est simple: on ignore les emails, et on fait en sorte que les relances téléphoniques n'aboutissent pas. Même lorsque vous avez vendu des centaines de livres avec un magasin donné, on se contente d'obéir au nouveau directeur et à ses directives.

Quant aux Auchan, l'enseigne la plus volontariste à l'égard des auteurs (à condition que nous ayons un numéro de SIRET), sur plus d'une vingtaine de centres commerciaux, je ne travaille plus qu'avec huit d'entre eux. Là, on ne parle plus de pression des éditeurs ou d'élitisme mal placé. C'est davantage la volonté des chefs de rayon livre qui est en cause. Quand elle est présente, cette volonté peut donner des choses magnifiques, davantage même que ce à quoi je m'attendais dans certains centres. Certains chefs de rayon livre ont une vraie volonté de promouvoir la culture, et c'est tout à leur honneur.

Personnellement, je ne réclame d'ailleurs pas le tapis rouge. Juste une table, une chaise, le référencement des livres dans la base de données, et bien sûr, le paiement des factures dans les délais (deux mois maximum après la dédicace). Je ne prends pas la tête des gens. Je recherche une relation simple et fonctionnelle. Professionnelle.

C'est pourquoi, quand je constate que certains centres comme les Leclerc paient les auteurs systématiquement hors délai, j'ai tendance à les fuir.

Peut-être suis-je trop exigeant? "Les mendiants ne sont pas ceux qui choisissent", dit un proverbe anglo-saxon. 

Sauf que les mendiants, en général, ne proposent pas une dizaine de romans aux lecteurs. 

Compte tenu des commentaires que j'obtiens de mes lecteurs, compte tenu du nombre de livres que j'ai pu dédicacer dans ma carrière, je considère que les portes devraient s'ouvrir. Mais le contexte actuel n'est pas favorable, et elles ont tendance à se refermer. 

Que dire? Je ne regrette absolument pas d'avoir fait les choix qui sont les miens. J'ai profité des étapes du voyage. J'espère juste que les choses vont évoluer de manière plus positive dans les mois et années à venir. 

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