Le site IDBOOX relaie les résultats d'une étude publiée par Book on Demand (BOD) en association avec Edilivre auprès de 926 auteurs indépendants, 338 lecteurs, et 88 libraires. J'ai souhaité réagir sur une partie de ces résultats, que je reprends en italique. Cliquez sur ce lien pour accéder à la totalité des résultats.
Ma première réaction concernera le volume du sondage, qui déjà, pose problème: le nombre de personnes sondées n'est pas suffisamment élevé pour autoriser une représentativité vraiment fiable.
Ma première réaction concernera le volume du sondage, qui déjà, pose problème: le nombre de personnes sondées n'est pas suffisamment élevé pour autoriser une représentativité vraiment fiable.
On relèvera aussi que les commanditaires du sondage sont deux sociétés d'édition à compte d'auteur, et qu'il ne s'agit donc pas d'un sondage indépendant, loin s'en faut.
Je ne suis pas statisticien, mais il me semble qu'il faudrait une population minimale de 3000 personnes pour chaque sondage pour fiabiliser chaque partie.
A ce sujet, la lecture de Thinking, fast and slow de Daniel Kahneman, Les deux vitesses de la pensée en français, me semble essentielle, à la fois pour les sondeurs, les auteurs et le grand public.
L'ouvrage démonte (et dénonce) en effet pas mal de biais de la pensée humaine. C'est pourquoi je ne commenterai pas les réactions des 338 lecteurs, car même si celles-ci sont très favorables aux auteurs indépendants, ces réactions ne sont pas assez représentatives.
Je reviendrai malgré tout sur certaines questions posées aux libraires, et leurs réponses, en raison de problèmes de formulation.
Pour 87% des répondants l’écriture est un loisir,
57% annoncent que c’est leur occupation principale et 31% considèrent
que l’écriture est une source de revenus. 77% sont des « auteurs
loisirs » et 23% des auteurs « experts »
Des auteurs comme Jacques Vandroux et Charlie Bregman ont pointé, en commentaire sur Facebook, cet étonnant contraste entre les 87% qui considèrent que l'écriture est un loisir et les 57% qui annoncent que c'est leur activité principale.
On pourrait même y voir un paradoxe. La seule explication qui me vient à l'esprit est que les 57% correspondent majoritairement à une population de
retraités qui ne désirent pas vivre de leurs ventes, mais font
néanmoins de l'écriture, et de l'autoédition simplifiée, leur activité principale.
Il ne faut pas oublier que pour une personne à la retraite, le processus de publication: sélection d'un manuscrit puis publication dans les deux ans, est trop long. Nombreuses sont les personnes qui ignorent si elles vivront encore lorsque leur manuscrit aura enfin été accepté, puis publié.
92% estiment que l’autoédition est un processus simple.
Quel format ?
55% des indépendants publient en version papier et ebook, 40%
uniquement en papier et 5% qu’en numérique (ce dernier chiffre est assez
étonnant car bien évidemment les auteurs passant par KDP ou Kobo ne
sont pas ou peu pris en compte étant donné le panel).
Le chiffre de 92% qui estiment que l'autoédition est un processus simple me paraît en contradiction avec avec les 5% qui publie uniquement en numérique (ebook), et les 40% uniquement en papier.
Si
l'autoédition n'avait consisté qu'à publier en version ebook, oui,
j'aurais pu reconnaître que le processus de mise à disposition du public
d'un livre s'est considérablement simplifié.
Mais à partir du
moment où l'on cherche à s'autoéditer en faisant des livres papier
correctement maquettés et typographiés, l'autoédition est déjà loin
d'être si simple.
Sans parler
bien sûr de la recherche de couvertures de qualité professionnelle et du
travail adéquat de relecture/correction/réécriture, travail qui est
tellement exigeant que même les "professionnels de la profession" ne
rendent pas des copies parfaites.
Sans parler non plus du secteur clé de la diffusion/distribution.
Il faut donc savoir ce qu'on entend par autoédition.
S'il s'agit d'une comparaison entre l'autoédition et l'édition traditionnelle, toujours pour ce qui est du processus de mise à disposition du public d'un livre, je peux comprendre que l'on trouve l'autoédition plus simple.
S'il s'agit d'une comparaison entre l'autoédition et l'édition traditionnelle, toujours pour ce qui est du processus de mise à disposition du public d'un livre, je peux comprendre que l'on trouve l'autoédition plus simple.
51% pensent qu’ils gagnent plus que s’ils passaient par un éditeur traditionnel.
Voilà une
réponse qui me paraît mal formulée et incomplète. Dans mon esprit, la
réponse complète devrait être "51% pensent qu'ils gagnent plus que si
leur livre avait été publié et mis en rayon par un éditeur
traditionnel".
Ou alors, les personnes qui ont répondu n'ont pas
conscience que le taux d'acceptation des manuscrits n'est au maximum que de 1 sur 600 ou 700 dans les maisons d'édition bénéficiant de solides réseaux de
distribution/diffusion, d'après mon expérience personnelle.
Et encore... Cet article de 2012, qui semble bien documenté, de l'Express, fait état du nombre total de manuscrits envoyés par an en maison d'édition, et toutes maisons confondues, on serait à 1 manuscrit publié sur 6000 en moyenne (merci à Nila Kazar pour le lien).
Et encore... Cet article de 2012, qui semble bien documenté, de l'Express, fait état du nombre total de manuscrits envoyés par an en maison d'édition, et toutes maisons confondues, on serait à 1 manuscrit publié sur 6000 en moyenne (merci à Nila Kazar pour le lien).
Ces personnes ne
réalisent pas que leur livre aurait selon toute vraisemblance été recalé et que donc, forcément,
ils ne peuvent gagner que beaucoup plus qu'en passant par un éditeur
traditionnel (et notamment s'ils optent pour une autoédition avec prise
de risque financière minimale, comme semblent le démontrer les réponses à
certaines autres questions).
Il semble en tout cas évident que dans l'esprit des personnes qui ont répondu, la comparaison ne se fait pas seulement en termes de pourcentage de revenus d'auteurs de services d'impression à la demande comme BoD, et de pourcentage de droits d'auteurs perçu en maison d'édition traditionnelle: si une telle comparaison avait été faite, on serait bien au-dessus de 51%.
Il semble en tout cas évident que dans l'esprit des personnes qui ont répondu, la comparaison ne se fait pas seulement en termes de pourcentage de revenus d'auteurs de services d'impression à la demande comme BoD, et de pourcentage de droits d'auteurs perçu en maison d'édition traditionnelle: si une telle comparaison avait été faite, on serait bien au-dessus de 51%.
Ce que gagne un auteur :
les auteurs publiant des romans gagnent en moyenne 100 euros (l’étude
ne précise pas si c’est par mois, par an ou sur toute la durée de vie du
livre)
Ceux qui publient des livres spécialisés gagnent en moyenne 400 euros (même restrictions que ci-dessus).
J'espère qu'on ne dira pas que j'ai l'égo trop boursouflé, mais quand
je vois que les auteurs publiant un livre gagnent en moyenne 100 euros,
j'ai l'impression de ne pas être sur la même planète.
Evidemment, si c'est 100 euros par livre et par mois, c'est déjà autre chose, mais ce n'est pas l'impression que ça me donne.
Une statistique qui conforte l'impression de départ: l'écrasante majorité des répondants considèrent en effet l'écriture comme un loisir.
Du côté des libraires (88 répondants) 75% déclarent proposer des livres autoédités. (pas de précision s’il s’agit de librairies en ligne ou physiques).
Outre le problème de fiabilité statistique mentionné en début d'article, les 75% qui déclarent proposer des livres autoédités me paraissent un chiffre trop vague. Les proposer comment? S'il sagit de livres papier en dépôt-vente, j'ai déjà expliqué que lorsque l'objectif est d'en vivre, ce ne pouvait pas être un système viable pour les auteurs.
Dans mon expérience, il est extrêmement rare que des libraires prennent des exemplaires d'auteurs indépendants à compte ferme, sans condition de retour, parce qu'ils estiment connaître suffisamment le livre et leur clientèle, et pouvoir mettre les deux en relation.
S'il s'agit d'ebooks en vente sur un site, alors, même un auteur autoédité comme moi peut se dire libraire, puisque je vends mes ebooks sur mon site.
Dans mon expérience, il est extrêmement rare que des libraires prennent des exemplaires d'auteurs indépendants à compte ferme, sans condition de retour, parce qu'ils estiment connaître suffisamment le livre et leur clientèle, et pouvoir mettre les deux en relation.
S'il s'agit d'ebooks en vente sur un site, alors, même un auteur autoédité comme moi peut se dire libraire, puisque je vends mes ebooks sur mon site.
43% auraient déjà organisé des séances de dédicaces avec des auteurs indépendants.
Apparemment une bonne chose, mais si ces 43%, parce qu'ils reçoivent des indés, estiment proposer des livres autoédités, cela réduit d'autant le premier chiffre de 75%.
Apparemment une bonne chose, mais si ces 43%, parce qu'ils reçoivent des indés, estiment proposer des livres autoédités, cela réduit d'autant le premier chiffre de 75%.
En conclusion, je dirais que si ce sondage est assez intéressant, c'est un peu à contre-sens, parce qu'il démontre, de par les réponses des participants, la méconnaissance d'un secteur dans lequel on n'a fait que tremper un orteil.
De la part des organisateurs, BoD et Edilivre, la vision du secteur, de par l'imprécision des questions, me semble également schématique.