lundi 18 novembre 2024

L'Essence des Sens : chapitre 21

A titre expérimental, j'ai décidé de faire paraître un nouveau chapitre de mon dernier roman, L'Essence des Sens (Science-Fiction), sur ce blog chaque semaine. Voici le vingt-et-unième.

21. L’impasse 

L’appartement était tel que Jaynak l’avait laissé. Sa sœur avait eu recours à un service de nettoyage robotisé, qui était intervenu la veille pour enlever la poussière accumulée. C’est en passant d’une pièce à l’autre que Jaynak se demanda une fois de plus comment sa vie avait pu basculer à ce point. A chaque fois qu’il se posait la question, il était confronté à son trou de mémoire. Celui-ci partageait son existence en deux — chercher à faire appel à ses souvenirs ne faisait qu’augmenter sa frustration. Il ne pouvait que s’en tenir à son hypothèse selon laquelle le simple hasard avait été cause de sa capture. Car si Grendchko avait obtenu la preuve concrète d’une éventuelle implication auprès des Réfractaires, par exemple en fouillant son appartement ou ses données, il ne se serait pas contenté de lui infliger ce Stage de Remise sur la Voie. 

Jaynak balaya le mobilier du regard. Où les sbires de Grendchko pouvaient-ils avoir caché un micro ? La question était évidemment futile — la miniaturisation avait atteint un tel degré que seuls des appareils de contre-mesure calibrés au niveau quantique pouvaient déceler une quelconque surveillance. Et le fait de s’équiper de ce type d’outil, ou d’un brouilleur, serait bien sûr vu comme un signe de défiance, voire de trahison vis-à-vis du Premier Coordonnateur. 

Comme il pénétrait dans sa chambre, Jaynak se figea. Le cube marron sur sa table de nuit semblait l’attendre patiemment. La connexion avec un cubar personnel se faisait plus facilement qu’avec de l’argelen indifférencié. Ce cubar, en particulier, recelait les données mémorielles de Jaynak. Lui seul pouvait accéder à son contenu. Il allait peut-être enfin savoir ce qui s’était passé avant ce moment crucial où il avait été capturé. Sa main tremblante s’approcha du cube d’argelen. Sa paume s’y colla. Sensation de picotement. 

L’espace d’un instant, il crut que l’image familière indiquant une connexion allait s’imprimer dans son esprit. La sensation s’évanouit aussitôt. Seule la réalité extérieure était présente, et l’enserrait comme dans un carcan. Jaynak cria de frustration. Le voile rouge de la colère recouvrit tout, lui faisant perdre le contact avec son environnement. Son cœur battait tumultueusement, son souffle était court, le monde tournoyait. Son épaule lui renvoya une onde de douleur en percutant un mur, ce qui interrompit ses déplacements aléatoires. Il s’aperçut qu’il avait la main posée sur son front, à l’endroit où il ressentait de temps en temps une démangeaison depuis qu’il avait été capturé. 

Depuis qu’il avait été capturé… Que lui avait donc fait Grendchko ? 

Jaynak s’efforça de glisser son doigt sous sa plaque pour atteindre l’origine précise de la démangeaison. Peine perdue — c’était trop étroit. Il n’osait essayer avec une aiguille. D’après ses cours d’anatomie, les terminaisons nerveuses étaient trop fragiles à cet endroit. 

En admettant qu’on lui ait implanté un dispositif de contrôle, celui-ci l’empêchait probablement de se connecter à la matrice. Mais dans ce cas, pourquoi vouloir mettre à profit son aptitude avec l’argelen ? Cela n’avait aucun sens. 

A moins bien sûr que cet outil de contrôle n’ait pour conséquence secondaire imprévue d’interdire l’accès à la matrice. Cela n’aurait rien d’étonnant. Comme Jaynak avait pu le constater, les stagiaires étaient considérés comme des sortes de cobayes sur lesquels on pouvait tout se permettre. Les autres avaient dû bénéficier du même traitement, et s’il ne les avait jamais vus se gratter le front, c’est tout simplement que leur corps réagissait différemment à l’implant. Si seulement il pouvait aborder le sujet avec Naldeia… Mais non, c’était trop risqué. Non seulement il n’était pas sûr de lui faire confiance, mais en plus, le dispositif de contrôle donnerait l’alerte. 

Jaynak secoua la tête. Pendant quelques instants, il s’efforça de trouver une solution à son problème, avant de se rendre à l’évidence. Il était coincé. Sa seule option était de continuer comme si de rien n’était, jusqu’au moment où son incompétence avec le cubar éclaterait au grand jour. Ce qui ne saurait tarder. 

Les trois jours suivants donnèrent tort aux inquiétudes de Jaynak. En dehors de délivrer des instructions, Ymeo n’exerçait pas de surveillance spécifique. Il passait donc l’essentiel de ses journées à se morfondre dans le bureau du cubar, rongé par la crainte du moment où on lui demanderait de rendre des comptes. L’entraînement physique et aux armes diverses se poursuivait en salle holo, mais c’était un dérivatif qui se terminait toujours trop vite. A partir de la deuxième journée, Jaynak prétexta le besoin de « recouper des informations » pour gagner de temps à autre le centre d’opération, la pièce ovale à la vaste baie de vitriglass partagée par l’androïde Beyl et Naldeia. Quand sa compagne de stage posait sur lui ses yeux si expressifs, il avait l’impression qu’elle pénétrait le masque de son impassibilité et de sa concentration pour mettre à nu son impuissance, son désarroi et le sentiment de son inutilité absolue. Dans ces moments où il avait accès aux consoles développées par les Fengirs, il rassemblait pourtant tout ce qu’il pouvait au sujet des mouvements et conversations de Zeldev. Jaynak espérait contre tout espoir que l’étudiant en archéologie qu’il traquait commettrait une erreur en laissant échapper une information cruciale par les réseaux de communication non traditionnels. 

Dans les premiers temps, toute l’équipe partageait sa poudre primordiale dans une pièce dédiée. Dès le quatrième jour après leur prise de fonction, Yrkel et Nejb allèrent se restaurer à l’extérieur — Jaynak ne les regretta pas, lui qui n’appréciait guère leurs centres d’intérêt, et en particulier leur addiction aux sports de combat violents. Lui-même s’était remis à pratiquer l’escalade en soirée, et c’était comme s’il s’était réapproprié une partie de sa personnalité dont il n’aurait jamais cru qu’elle lui avait autant manqué. Il se retrouva à s’alimenter en compagnie de Naldeia dans la cafétéria de l’ORG. Sa compagnie lui fut agréable, malgré les banalités qu’ils échangèrent. Le lendemain, elle l’invita à déjeuner dans un établissement du noyau d’Eglev. Intrigué, il accepta. Les murs du restaurant figuraient des tableaux avec pour sujet la colonisation d’Oblan. Les images ne s’animaient que lorsqu’on les regardait directement. Les colons Naldariens étaient représentés dans toute leur majesté, dominant les Oblanites à la peau blafarde sans pour autant les écraser, leur apportant leur sagesse immémoriale. « Qu’est-ce qui est vrai là-dedans, on se le demande, commenta Naldeia. 

– Ma sœur pourrait te renseigner. Elle est historienne. 

– Tiens donc. Intéressant. » 

Ils se mirent à absorber leur poudre, qui avait une saveur plus subtile que Jaynak ne s’y serait attendu dans un établissement du noyau dédié aux industries. 

« Tu as dû deviner pourquoi j’avais été affectée à l’ORG, dit Naldeia au bout d’un moment. 

– Tu es douée pour le renseignement, je suppose. 

– J’étais gestionnaire de données avant notre fameux stage. J’ai une mémoire instantanée qui me permet de jongler avec des millions d’informations. Je ne suis peut-être pas aussi performante que Beyl, mais on se complète bien. 

– Félicitations. » 

Naldeia accepta le compliment en hochant la tête. Son visage était plus grave qu’à l’accoutumée. « Je me suis permis de passer en revue ton travail, quand tu viens nous rejoindre. Toutes les données auxquelles tu as accédé avaient déjà été analysées par Beyl ou moi-même. Ton travail est parfaitement redondant. Et donc inutile, j’en ai peur. » 

Jaynak la fixa, sentant le sang lui monter à la figure. Il n’y avait aucune trace de satisfaction ni de mépris chez Naldeia. Au contraire, son regard paraissait s’efforcer d’atténuer la dureté de ses paroles. « C’est… c’est juste que j’essaie d’obtenir confirmation de ce que m’apprend l’argelen, bredouilla-t-il. 

 – Ah bon ? Et que t’as donc appris la matrice exactement ? » 

Devant l’intensité du regard de la jeune femme, Jaynak détourna les yeux. Son silence était pire qu’un aveu, mais en cet instant, rien ne lui venait. Il sentit un contact — elle avait posé ses doigts sur le dos de sa main. 

« Ecoute, dit Naldeia. Je crois savoir ce qui t’arrive. C’est ce stage qui nous a fait ça. Moi-même, je n’avais plus aucun lien avec la matrice à notre retour. Mais je suis allé voir un Guide Communiant qui m’a aidé à réapprivoiser l’argelen. Tu devrais en faire autant. » 

Jaynak pâlit. Elle savait. Elle avait percé à jour son point le plus vulnérable, ce qui la mettait en position de toute puissance à son égard. Si elle révélait ce qu’elle savait à Ymeo… « Je ne peux pas faire ça, répondit-il. Je suis censé être un spécialiste des cubars. Si je suis surveillé, s’ils apprennent que je vois un Guide Communiant… Tu sais ce qu’Ymeo pense de ces gens-là. Qui sait si on ne nous espionne pas en ce moment même, d’ailleurs. Dans ce cas... » 

Elle lui posa l’index sur ses lèvres. « On va te demander des résultats tôt ou tard, tu le sais. Tu ne pourras pas toujours esquiver. 

– Je sais. 

– Laisse-moi t’aider. J’ai un cubar, chez moi. Je vais essayer de récupérer les informations qui nous manquent, chaque soir. 

– C’est la même chose. Ils en concluront qu’ils n’ont pas besoin de moi. 

– Non ! J’enregistrerai tout sur ma tablette. On continuera de déjeuner à l’extérieur, et tu apprendras le contenu sous hypnose à chaque fois. On peut donner le change, tous les deux. Jusqu’à ce que ça aille mieux pour toi. » 

Naldeia n’avait pas retiré sa main, mais lui pressait à présent les doigts. Il se sentit terriblement troublé. Pouvait-il se raccrocher ainsi à elle comme il l’aurait fait à une prise particulièrement ténue ? Au risque de l’entraîner dans sa chute... Mais avait-il vraiment le choix ? Ce qu’il vit dans les yeux à l’éclat ardent finit par le convaincre. Il y avait là davantage que de la compassion — une ferveur qui n’était pas destinée à Grendchko, il en était persuadé. « D’accord », lâcha-t-il. Il pressa à son tour sa main, et le sourire qu’elle lui adressa le fit tout à coup se sentir beaucoup plus léger. 

Naldeia tint parole. Ils se voyaient pour déjeuner, et elle lui remettait alors les données qu’il mémorisait grâce à un logiciel d’hypnose. La jeune femme était de toute évidence aussi douée avec un cubar qu’avec les consoles de la base. « Comment as-tu fait pour retrouver sa trace si rapidement ? s’étonna-t-il. 

– J’étais un peu frustrée par la lenteur de nos progrès, admit-elle. C’est pour ça que j’ai fait appel à un Guide Communiant. J’utilise en fait le cubar depuis deux jours déjà, et comme je passe toutes mes journées à traquer notre cible, mon esprit est parfaitement concentré sur le sujet. 

– Tu n’as pas demandé au Guide de t’aider, quand même ? 

– Pour qui me prends-tu ? Non, bien sûr. Je n’ai réussi à localiser Zeldev dans Nlendr qu’hier. » 

Ils parlaient tout bas, mais Jaynak n’en jeta pas moins un coup d’œil nerveux aux alentours. Tout était calme. La faible fréquentation de l’établissement, et leur emplacement dans une table du fond étaient des garanties de discrétion. « Il n’y a pas grand-chose de très intéressant pour le moment. On va devoir se montrer patients. Maintenant que j’ai pu l’identifier dans l’argelen, ça sera plus facile de recommencer. 

– Il ne risque pas de te repérer ? 

– Ce serait surprenant. On ne s’attend pas à être espionné quand on utilise nos cubars. 

– Fais attention, quand même. » Cette fois, ce fut à son tour de lui prendre la main. Elle eut un sourire incertain, mais ne chercha pas à esquiver le contact. Il eut envie d’aller plus loin avec elle. Malgré tout, il secoua la tête, résigné, et retira sa main. Ils ne pouvaient pas se permettre de laisser naître quelque chose entre eux en étant des Fervents de Grendchko. Et Jaynak était sûr de ne pouvoir nouer une relation superficielle avec Naldeia — ils avaient vécu trop de choses intenses ensemble. Il soupira. 

Elle parut un peu surprise, mais hocha la tête. 

Plusieurs jours s’écoulèrent encore sans événement notable. Jaynak venait de sortir de la douche sonique, l’entraînement en salle holo s’étant montré éprouvant. Il vit Beyl se diriger vers l’entrée avec une concentration si intense sur le visage que, sur une impulsion, il le suivit. La double porte du hall n’était opaque que de l’extérieur. Ce Naldarien corpulent qui se trouvait derrière, ses lèvres boudinées pincées en l’expression intransigeante dont il avait le secret ne pouvait être que Grendchko. La double porte n’avait pas fini de glisser que déjà, Beyl s’inclinait profondément. Jaynak l’imita avec plus de raideur. 

« Bienvenue dans les locaux de l’ORG, Maître. Puis-je me permettre d’être votre guide ? 

– Dégage, le synthé. Je ne veux pas voir ta sale gueule aujourd’hui. » 

Beyl s’inclina encore un peu plus, puis tourna rapidement les talons. Si la réponse de son maître l’avait blessé, il n’en montrait rien. 

« Toi, fit Grendchko, conduis-moi auprès d’Ymeo. » Rien dans l’expression du Premier Coordonnateur n’indiquait qu’il reconnaissait Jaynak, mais rien n’indiquait non plus le contraire. La dureté sur ses traits était le signe indiscutable qu’il se considérait chez lui et ne tolérerait pas la moindre hésitation. 

 Jaynak fit un geste du bras, invitant le Premier Coordonnateur à le suivre. Ils traversaient l’embranchement menant au centre de commande, quand Jaynak aperçut Ymeo sortir de son bureau à l’extrémité du couloir. 

Elle s’immobilisa, et c’est à peine s’il la reconnut. La jeune femme en temps normal si autoritaire se tenait la tête inclinée et les paupières baissées, dans une position d’une telle humilité et vulnérabilité qu’on pouvait croire qu’elle venait d’être battue. Jaynak eut le réflexe de s’effacer en percevant le pas de Grendchko s’accélérer. Le Premier coordonnateur fondit sur sa proie et la plaqua si fort contre la paroi que le crâne d’Ymeo rebondit dessus en produisant un son mat. Elle poussa un petit cri qui provoqua un gloussement de l’agresseur. 

Jaynak fit un pas en direction de l’homme qu’il était censé vénérer, mais se figea en réalisant que Grendchko venait de coller sa bouche contre celle de l’Adepte. Ymeo acceptait ses baisers et les lui rendait. Jaynak eut un mouvement de recul. Il s’efforça d’effacer l’expression de répulsion de son visage. Le plus difficile était de faire semblant de ne pas voir les palpations obscènes de l’individu.

 « Fais-moi faire le tour, dit Grendchko d’une voix rauque. 

– Par ici, Maître », dit-elle d’une petite voix. 

Il lui administra une claque retentissante sur le fessier. « J’ai toujours rêvé de visiter l’intérieur de mes oreilles ! » 

Son rire tonitruant avait quelque chose d’aussi sinistre que grotesque. Ne sachant quelle attitude adopter, Jaynak se décida à les suivre à quelques pas. Il avait déjà joué le rôle de garde du corps de Grendchko, l’exercice lui était donc familier. Grendchko pénétrait dans chacune des pièces, écoutait les explications d’Ymeo puis hochait la tête. Une fois dans la salle de commande où se trouvaient Beyl, Naldeia, Nejb et Yrkel, le maître des lieux demanda à tout le monde de quitter les locaux de l’ORG. « Sauf toi, dit-il en se tournant vers Ymeo, en s’emparant de sa main et en la lui écrabouillant. Et toi. » Il pointait le doigt sur Naldeia. Celle-ci avait jusqu’à présent fait la preuve de son sang-froid en ne laissant rien paraître de ses émotions. Jaynak eut un regain d’admiration pour la jeune femme en entendant sa réponse. 

« Heureuse de pouvoir vous honorer, Premier Coordonnateur. » Elle y avait mis un ton si solennel en bombant la poitrine qu’on aurait pu croire que c’était là le devoir le plus sacré qu’elle pouvait accomplir. Ce n’était pourtant pas l’attitude qu’avait dû espérer Grendchko, car il s’adressa à elle en serrant les mâchoires. « Toi, la pimbêche, tu es trop sérieuse, tu dégages. » 

Jaynak fit volte-face pour masquer sa satisfaction, mais se permit tout de même un sourire un instant plus tard, en se retournant en direction de Naldeia dans le couloir — qui le lui rendit.

 

vendredi 15 novembre 2024

Comment Elon Musk est passé du côté obscur

L'expression "passer du côté obscur", ou "basculer du côté obscur de la Force" est l'une des plus galvaudées et stéréotypée que l'on puisse utiliser de nos jours. Et pourtant, elle va comme un gant à Elon Musk.


Dans l'Empire contre-attaque de George Lucas, réalisé par Irvin Kershner, Dark Vador (Darth Vader) révèle à Luke Skywalker qu'il est son père et s'efforce de l'attirer du côté obscur de la Force.
Imaginons que Dark Vador ait réussi dans son entreprise.
 

Eh bien, dans la vraie vie, c'est ce qui s'est produit avec Elon Musk. J'irais même plus loin: à l'instar de Luke qui combat Dark Vador dans la grotte de Dagobah, Elon Musk est devenu son père. 

Oui, vous avez compris. Il m'est impossible de parler du passage du côté obscur d'Elon Musk sans parler de l'intime et du familial à son sujet. Voire de l'aspect psychanalytique. C'est la seule manière, à mon sens, d'aborder le pourquoi et le comment, en allant un peu plus loin qu'une simple discussion de comptoir. 

Cela étant, si vous êtes un ancien employé d'Elon Musk, vous allez peut-être déclarer : "il a toujours été du côté obscur". Et quelque part, ça se tient. Musk a toujours eu des méthodes brutales de management à l'égard de ses employés. Je veux dire, relisez juste mon article sur la biographie d'Elon Musk par Ashlee Vance, et la manière dont Elon a traité une certaine Marie Beth Brown.

Il est tout à fait possible d'envisager l'idée que Musk, en bon manipulateur, n'ait voté Obama et Biden que pour mieux masquer son jeu. Qu'il ne se soit marié avec une romancière de Fantasy progressiste, Justine Wilson, en l'an 2000, que pour donner le change. Même si à ce stade, reconnaissez que ça paraît un peu tiré par les cheveux. 

On peut aussi estimer que l'engagement climatique de Musk n'est pas réel. Qu'il n'a décidé de remettre en jeu sa fortune d'une centaine de millions de dollars dans les voitures électriques (en 2008) et dans Space X que parce qu'il percevait là, en excellent entrepreneur, des opportunités futures de marché, et non pour réaliser ses rêves d'enfance. Qu'il ne s'est servi des aspirations et rêves des gens progressistes autour de lui que pour mieux les piéger. Parce que son but à lui, depuis le début, ce n'était que le pouvoir. Pouvoir de l'argent et de la célébrité.

Bref, il est sans doute possible de brosser un tableau d'Elon Musk encore plus noir qu'il ne l'est réellement.

Mais cela signifierait oublier un élément crucial nommé Errol Musk. Le père d'Elon. Errol Musk est lui-même un entrepreneur et un ingénieur. Un grand partisan de Donald Trump. 

Ce qui devrait vous mettre la puce à l'oreille, cela dit, c'est qu'Errol Musk dit que celui de ses fils qui a vraiment réussi dans la vie est Kimbal et non Elon. 

Elon n'était pas le fils préféré, et c'est sans doute un euphémisme. On sait qu'il est parti de manière précoce du nid familial en Afrique du Sud pour migrer au Canada, puis aux Etats-Unis. Le fils a donc mis un océan entre lui et son père.

Dans les interviews de Musk où il relate son enfance et adolescence, on comprend qu'il détestait son père et a cherché à s'en éloigner. Ce qui me fait dire qu'Elon Musk n'a pas toujours été du côté obscur, et que ses élans progressistes n'étaient pas seulement des façades, c'est qu'il a été capable de reconnaître le côté malsain de son père et de le combattre, dans une certaine mesure.

Mais, à l'instar de Luke Skywalker dans sa grotte, tout en combattant son père, comme il en adoptait toutes les méthodes, Elon est devenu son père.

Le fait, par exemple, qu'il ait choisi le même métier qu'Errol et qu'il ait été attiré par le management montre l'aspect ambivalent du jeune Elon. Pour son métier, il a choisi de marcher dans les pas de son père. Tout en faisant preuve de résilience dans son jeune âge en s'éloignant de ce père peu aimant, il en a repris les méthodes de management et les valeurs... ou l'absence de valeurs, puisqu'il ne faut pas oublier qu'une société comme Tesla a eu à faire face à un procès pour racisme, que l'entreprise a perdu. 

Elon Musk s'est mis à répéter le schéma familial, avec le même attrait pour le pouvoir et la richesse que son père. 

Et c'est allé plus loin que ces méthodes de management ultra brutales. C'est allé plus loin que l'hyper agressivité que je décrivais déjà dans cet article de 2019, et qui est l'un des moteurs d'Elon Musk. 

Le moment où le manager aux multiples casquettes a commencé à basculer "officiellement" du côté obscur a sans doute correspondu à la pandémie de covid 19 en 2020. La maladie a déboussolé pas mal de monde, dont Elon. Mais l'esprit analytique de Musk a par la suite perçu qu'il y avait de véritables bénéfices politiques à retirer de cette perte soudaine de repères des gens. Les gens devenaient d'un seul coup beaucoup plus vulnérables aux fake news.

Le bond technologique auquel participe pleinement Musk, avec l'accélération folle de l'informatique et des sciences, est secondé de modifications profondes au niveau sociologique. Une bien plus grande importance accordée aux femmes dans la société. La reconnaissance des minorités sexuelles aussi bien qu'ethniques, qui a pris le nom de wokisme aux Etats-Unis, a elle-même été propulsée par le phénomène metoo.

Le wokisme, pour moi, c'est le droit du plus faible. Un descendant des droits de l'homme d'essentiel pour la société. Le fait que ce terme n'ait été forgé qu'au XXème siècle par Martin Luther King en dit long sur l'espèce humaine. Mais le wokisme existe depuis toujours, et n'est propre ni aux Etats-Unis ni au communautarisme. Il fallait juste mettre un nom sur le concept.

La lutte des minorités est bien sûr une lutte des pouvoirs. Elle peut entraîner des excès, des travers, et notamment une manière absolument détestable de vouloir policer le langage, et d'instruire une sorte de police de la pensée, de "politiquement correct" permanent. 

Ces excès ont donné une teinte très négative au wokisme chez la plupart des Américains. C'est une partie de ce qui a porté en germe la défaite de Kamala Harris contre Donald Trump en cette année 2024. Mais entendons-nous bien, seulement une partie. Pour moi, les gens qui ont voté Trump l'ont d'abord fait de manière égoïste, pour que l'on baisse leurs taxes et impôts. Ils l'ont ensuite fait pour rejeter l'immigration de masse. Troisièmement, ils l'ont fait par dégagisme du précédent gouvernement, et seulement à un quatrième niveau par rejet du wokisme et des évolutions sociétales. 

La perte de repères généralisée, aussi bien sociologique que technologique, a bien sûr favorisé un élan conservateur.

Il est donc très fortement ironique que l'un des plus grands propagateurs du changement, Elon Musk lui-même, après le rachat de Twitter en 2022, le transforme en X l'année suivante avant, en 2024, d'en faire un instrument de propagande au service de son nouveau maître, l'empereur du conservatisme Trump. Musk a posté des centaines de tweets par jour en faveur de Trump pour sa campagne, et a donné 100 millions de dollars.

Celui que nombre de ses employés surnomment sans doute Dark Vador, Musk, est allé jusqu'à faire modifier les algorithmes de l'ex Twitter pour favoriser les discours pro-Trump. Le PDG a sans doute conçu une jubilation malsaine à transformer Twitter, un instrument anciennement progressiste et modéré, en un gros virus informatique disséminateur de fake news et de propagande. Souvenez-vous : la même jubilation de sociopathe qu'il éprouvait en se baladant dans les locaux de Twitter en transportant un évier.

Pour prendre une autre métaphore, si Trump est le joueur de flûte maléfique qui entraîne son peuple dans l'abîme, la flûte, c'est X.

L'anti-wokisme d'Elon n'est pas seulement politique. Au contraire, il est fortement rattaché à sa famille. A la détestation du lycée dans lequel a évolué son fils Xavier, où il aurait contracté "le virus woke". Pour moi, le jour où Elon a signé du sang familial son passage du côté obscur a été celui où il a dit que le virus woke avait tué son fils Xavier, en 2022. Le jour où il a rejeté son propre fils en raison de sa transition vers le sexe féminin. Le jour où il a rejeté définitivement Vivian Jenna Wilson. 

C'est à ce moment-là qu'Elon Musk a fusionné avec son père Errol.

Et Vivian Jenna Wilson a réagi, en 2024, de la même manière que son géniteur à l'époque où il avait quitté le nid familial pour migrer vers un autre pays. A la suite de l'élection de Donald Trump, Vivian a en effet annoncé sa décision de quitter les Etats-Unis. 

Vous commencez à me croire, quand je parle de schémas familiaux? 

Il faut savoir que les personnes qui effectuent en toute bonne foi des transitions vers le sexe opposé, et vont au bout, physiquement, de la démarche, sont souvent des personnes autistes. 

Elon Musk est lui-même autiste Asperger. Il y a fort à parier que Vivian Jenna Wilson soit aussi dans le spectre du trouble autistique. Ce qui signifie que Musk a peut-être rejeté celui des membres de sa famille qui était le plus proche de lui. Par ignorance. Par folie.

Et voilà qu'en 2024, Elon Musk et son père Errol s'unissent pour chanter les louanges d'un homme, Donald Trump. Donald Trump, qui va bénéficier des bons conseils d'Elon, puisqu'il se lance dans le business des cryptomonnaies. Un business d'autant plus juteux quand on devient président des Etats-Unis. Non, non, pas de conflit d'intérêt bien sûr... 

Trump n'est pas, bien sûr, qu'un père de substitution pour Musk. Le fait de se rallier à lui va lui permettre de bénéficier d'exemption de taxes à partir de 2025. Son ralliement, c'est avant tout du business, comme l'a montré le bond des entreprises muskiennes à la bourse une fois "Dumpy Trumpy" élu.

J'avais évoqué Donald Trump dans mon article sur les maladies mentales, au sujet des sociopathes. Mais j'y parlais aussi des mères fusionnelles possessives et des mères peu aimantes. 

En examinant le cas de la famille d'Elon Musk, je pense pouvoir dire qu'il y a un aspect fusionnel de type "père peu aimant", aussi bien dans la relation d'Errol avec son fils, que dans la relation d'Elon avec Vivian Jenna Wilson. 

Mon hypothèse est que le gène de la schizophrénie a des dérivés parmi lesquels l'autisme, et notamment l'autisme de type Asperger. L'autisme et la schizophrénie paranoïde sont évidemment des affections très différentes. Mais à mon sens, ce qui les relie, c'est l'aspect fusionnel. Dans ce cas, le passage du côté obscur d'Elon Musk signifierait une régression sur le plan mental dans laquelle l'individualité psychique d'Elon se confondrait avec celle de son père. 

Le père d'Elon, Errol, a 81 ans. Le moyen de vérifier ma théorie serait d'examiner dans quel état se retrouve Elon à la mort de son père. S'il se retrouve entièrement dévasté, dans un état de dépression profonde, ce sera le signe que mon hypothèse est correcte. 

Je n'ai bien sûr aucune compétence de psy, mais de par mon passé familial, je m'intéresse à des affections comme la schizophrénie et à ses gènes dérivés (je précise, je n'ai moi-même jamais été atteint de schizophrénie. Mais interrogez les auteurs autour de vous, et je suis sûr que vous retrouverez des cas de schizophrénie dans leur famille). 

Alors, maintenant, me direz-vous, que faut-il penser de Space X et de Tesla? Faut-il boycotter les entreprises de Musk comme on boycotterait Elon lui-même?

Ma réponse est non. Si j'avais à choisir aujourd'hui un nouveau véhicule en 2024, et non en 2020 comme je l'ai fait, il est probable que je ne voudrais pas mettre de l'argent dans la poche d'Elon Musk en achetant l'une de ses voitures. Je me tournerai sans doute vers la concurrence, vers une autre voiture électrique. Mais ce serait une réponse avant tout émotionnelle, parce que le meilleur réseau de recharge reste celui de Tesla. 

Et il faut bien le reconnaître, ma Tesla reste une voiture fantastique à mes yeux, même si les entreprises de Musk portent sa signature de manière indélébile, et même si mon opinion sur l'individu a fortement évolué. Comme vous pourrez vous en rendre compte en lisant les articles ci-dessous. 

Les employés de Tesla et de Space X restent à mon avis en grande majorité des progressistes. Ils veulent faire évoluer l'humanité dans le bon sens et non dans celui de la dictature trumpiste, dont on ne sait si les Etats-Unis se relèveront. 

Au sujet de Space X, le fait de vouloir industrialiser l'espace me semble toujours indispensable à la conquête de Mars. Mais il y aura des retombées écologiques qui peuvent être très lourdes au niveau de la couche d'ozone, et qu'il faut surveiller de très près. 

Le fait que les organismes de surveillance comme la FAA ou la FDA soient soumis, sous l'administration Trump à partir de 2025, au contrôle d'Elon Musk lui-même fait froid dans le dos. En revanche, le comité théodule décrété par Trump que coprésidera Elon Musk ressemble fort, d'ores et déjà, à une pantalonnade. Un comité chargé de tailler dans les dépenses publiques qui va rémunérer non pas un mais deux directeurs, cela ne me semble ni porter en son sein des valeurs de bonne gestion économique ni des valeurs d'efficacité.

Voilà donc pour mon très modeste éclairage sur les dernières évolutions du nouveau résident de Mar-a-Lago, Elon Musk. En espérant que vous en retirerez un peu plus de profit que d'une simple discussion de comptoir. 

Autres articles sur le même sujet: 

- Elon Musk sans langue de bois

- Elon Musk et l'hyper agressivité

- Elon groks the fullness? 

How Elon Musk turned to the dark side

The expression “going over to the dark side”, or “turning to the dark side of the Force”, is one of the most overused and stereotyped we hear these days. And yet, it fits Elon Musk like a glove.


In George Lucas' The Empire Strikes Back, directed by Irvin Kershner, Darth Vader reveals to Luke Skywalker that he is his father, and sets out to lure him to the dark side of the Force.
Let's imagine Darth Vader had succeeded in his endeavor.

Well, in real life, that's what happened with Elon Musk. I'd go even further: like Luke fighting Darth Vader in the cave of Dagobah, Elon Musk has become his father. 

Yes, you've got it. It's impossible for me to talk about Elon Musk's transition to the dark side without mentioning the intimate and familial aspects of his life. Even the psychoanalytical aspect. It's the only way, in my opinion, to tackle the whys and wherefores, going a little further than a simple counter discussion. 

That said, if you're a former employee of Elon Musk, you might say: “He's always been on the dark side”. And in a way, it makes sense. Musk has always had brutal management methods towards his employees. I mean, just reread my article on Ashlee Vance's biography of Elon Musk, and the way Elon treated a certain Marie Beth Brown.

It's quite possible to imagine that Musk, as a good manipulator, only voted for Obama and Biden to hide his game. That he married a progressive fantasy novelist, Justine Wilson, in the year 2000, just to keep up appearances. Although at this stage, you have to admit it sounds a bit far-fetched. 

It could also be argued that Musk's commitment to climate change is not real. That he only decided to put his fortune of a hundred million dollars on the line in electric cars (in 2008) and Space X because, as an excellent entrepreneur, he saw future market opportunities there, and not to realize his childhood dreams. That he only used the aspirations and dreams of the progressive people around him to trap them. Because his goal, right from the start, was power. The power of money and fame.

In short, it's probably possible to paint an even darker picture of Elon Musk than he really is.

But that would mean forgetting a crucial element named Errol Musk. Elon's father. Errol Musk is himself an entrepreneur and an engineer. A big supporter of Donald Trump. 

What should tip you off, though, is that Errol Musk says that the one of his sons who has really made it in life is Kimbal, not Elon. 

Elon was not the favorite son, to put it mildly. We know that he left the family nest in South Africa at an early age to migrate to Canada and then the United States. The son thus put an ocean between him and his father.

In Musk's interviews about his childhood and adolescence, we understand that he hated his father and sought to distance himself from him. What makes me think that Elon Musk wasn't always on the dark side, and that his progressive impulses weren't just facades, is that he was able to recognize his father's unhealthy side and fight it, to a certain extent.

But, like Luke Skywalker in his cave, while fighting his father, as he adopted all his father's methods, Elon became his father. 

The fact, for example, that he chose the same profession as Errol and was attracted to management shows the ambivalent aspect of young Elon. In his profession, he has chosen to follow in his father's footsteps. While he showed resilience at a young age by distancing himself from this unloving father, he took on his father's management methods and values... or lack of values, since we shouldn't forget that a company like Tesla had to face a racism lawsuit, which the company lost. 

Elon Musk began to repeat the family pattern, with the same drive for power and wealth as his father. 

And it's gone further than those ultra brutal management methods. It's gone further than the hyper-aggressiveness I already described in this 2019 article, and which is one of Elon Musk's driving forces. 

The moment when the multi-hatted manager began to “officially” switch to the dark side was undoubtedly the covid 19 pandemic in 2020. The disease confused a lot of people, including Elon. But Musk's analytical mind subsequently perceived that there were real political benefits to be gained from this sudden loss of people's bearings. People were suddenly much more vulnerable to fake news.

The technological leap in which Musk is fully involved, with the insane acceleration of computing and science, is accompanied by profound changes on the sociological level. A much greater emphasis on women in society. The recognition of sexual as well as ethnic minorities, which has taken the name of wokism in the USA, has itself been propelled by the metoo phenomenon.

For me, wokism is the right of the weakest. A descendant of the human rights essential to society. The fact that this term was only coined in the 20th century by Martin Luther King speaks volumes about the human species. But wokism has always existed, and is not peculiar to the United States or to communitarianism. We just had to put a name to the concept.

The struggle of minorities is, of course, a struggle for power. It can lead to excesses and shortcomings, and in particular to an absolutely detestable attempt to police language, and to instruct a kind of thought police, of permanent “political correctness”. 

These excesses have given a very negative tinge to wokism among most Americans. It's part of what sowed the seeds of Kamala Harris's defeat of Donald Trump in the year 2024. But let's be clear, only part of it. As I see it, the people who voted for Trump did so first of all selfishly, to have their taxes lowered. Second, they did it to reject mass immigration. Thirdly, they did it out of disgust with the previous government, and only on a fourth level out of rejection of wokism and societal evolutions. 

The widespread loss of reference points, both sociological and technological, has naturally encouraged a conservative impulse.

So it's highly ironic that one of the greatest propagators of change, Elon Musk himself, after buying Twitter in 2022, turned it into X the following year before, in 2024, turning it into a propaganda tool in the service of his new master, the emperor of conservatism Trump. Musk posted hundreds of tweets a day in support of Trump's campaign, and donated $100 million.

The man many of his employees no doubt nickname Darth Vader, Musk, has gone so far as to have the algorithms of the former Twitter modified to favor pro-Trump rhetoric. The CEO undoubtedly conceived an unhealthy glee in transforming Twitter, a formerly progressive and moderate instrument, into a big computer virus disseminating fake news and propaganda. Remember: the same sociopathic glee he used to feel when walking around Twitter's premises carrying a sink.

To take another metaphor, if Trump is the evil Pied Piper dragging his people into the abyss, the flute is X. 

Elon's anti-Wokism isn't just political. On the contrary, it's strongly linked to his family. A detestation of the high school his son Xavier attended, where he is said to have contracted “the woke virus”. For me, the day Elon signed his passage to the dark side with his family's blood was the day he said that the woke virus had killed his son Xavier, in 2022. The day he rejected his own son because of his transition to female. The day he rejected Vivian Jenna Wilson for good.

That's when Elon Musk merged with his father Errol. 

And Vivian Jenna Wilson reacted, in 2024, in the same way as her progenitor did when he left the family nest to migrate to another country. Following the election of Donald Trump, Vivian in fact announced her decision to leave the United States.

Are you starting to believe me when I talk about family patterns?

It's worth noting that people who make transitions to the opposite sex in good faith, and go through with it physically, are often autistic. 

Elon Musk himself has Asperger's autism. It's a safe bet that Vivian Jenna Wilson is also on the autism spectrum. Which means Musk may have rejected the family member closest to him. Out of ignorance. Out of insanity. 

And now, in 2024, Elon Musk and his father Errol are joining forces to sing the praises of one man, Donald Trump. Donald Trump, who will benefit from Elon's good advice, as he enters the cryptocurrency business. A business all the more juicy when you become President of the United States. No, no, no conflict of interest, of course... 

Trump is not, of course, just a surrogate father to Musk. Rallying behind him will allow him to benefit from tax exemptions from 2025 onwards. His rallying is first and foremost about business, as demonstrated by the surge in Musk companies on the stock market once “Dumpy Trumpy” was elected. 

I mentioned Donald Trump in my article on mental illness, about sociopaths. But I also talked about possessive mothers and unloving mothers.

Looking at the case of Elon Musk's family, I think it's fair to say that there's an “unloving father” fusion aspect to both Errol's relationship with his son, and Elon's relationship with Vivian Jenna Wilson.

My hypothesis is that the schizophrenia gene has derivatives, including autism, and in particular Asperger's autism. Autism and paranoid schizophrenia are obviously very different conditions. But to my mind, what links them is the fusional aspect. In this case, Elon Musk's passage to the dark side would mean a mental regression in which his psychic individuality would merge with that of his father. 

Elon's father, Errol, is 81. The way to test my theory would be to examine the state Elon finds himself in when his father dies. If he finds himself completely devastated, in a state of deep depression, that would be a sign that my hypothesis is correct. 

I'm not a qualified psychologist, of course, but because of my family background, I'm interested in conditions such as schizophrenia and its gene derivatives (to be clear, I've never suffered from schizophrenia myself. But ask the authors around you, and I'm sure you'll find cases of schizophrenia in their families).

So now, you may ask, what are we to think of Space X and Tesla? Should we boycott Musk's companies as we would boycott Elon himself? 

My answer is no. If I had to choose a new vehicle today in 2024, and not in 2020 as I did, I probably wouldn't want to put money in Elon Musk's pocket by buying one of his cars. I'd probably turn to the competition, to another electric car. But that would be an emotional response above all, because the best charging network is still Tesla's. 

And let's face it, my Tesla is still a fantastic car in my eyes, even if Musk's ventures bear his signature indelibly, and even if my opinion of the individual has greatly evolved. As you can see from the articles below. 

In my opinion, the vast majority of Tesla and Space X employees are still progressives. They want humanity to evolve in the right direction, not in the direction of the Trumpist dictatorship, from which we don't know if the United States will recover. 

On the subject of Space X, the desire to industrialize space still seems essential to the conquest of Mars. But there will be ecological repercussions that could have a serious impact on the ozone layer, and which we need to monitor very closely. 

The fact that oversight bodies such as the FAA and FDA will be subject to the control of Elon Musk himself from 2025 under the Trump administration is chilling. On the other hand, the theodule committee decreed by Trump, which Elon Musk will co-chair, already looks like a pantalonnade. A committee tasked with slashing public spending that is going to pay not one but two directors doesn't seem to me to embody the values of sound economic management or efficiency.

The fact that oversight bodies such as the FAA and FDA will be subject to the control of Elon Musk himself from 2025 under the Trump administration is chilling. On the other hand, the theodule committee decreed by Trump, which Elon Musk will co-chair, already looks like a farce. A committee tasked with slashing public spending that is going to pay not one but two directors doesn't seem to me to embody the values of sound economic management or efficiency.

So much for my very modest insight into the latest developments from Mar-a-Lago's new resident, Elon Musk. Hopefully, you'll get a bit more out of it than just a chat over the counter.

Other articles on the same subject:

- Elon Musk's straight to the point

- Elon Musk and hyper-aggressiveness

- Elon groks the fullness?

mardi 12 novembre 2024

L'Essence des Sens : chapitre 20

A titre expérimental, j'ai décidé de faire paraître un nouveau chapitre de mon dernier roman, L'Essence des Sens (Science-Fiction), sur ce blog chaque semaine. Voici le vingtième.

20. Une mauvaise surprise 

Le retour en jetbus à Argea fut l’un de ces moments hors du temps. Par la suite, Jaynak ne put s’en souvenir sans avoir la gorge serrée. Le sol s’éloignait et avec lui, les bâtiments oblongs de la base. Pendant un instant, on put encore apercevoir quelques Fervents en compétition sur l’un des parcours du combattant. Une puissante accélération se fit ressentir. Alors même qu’ils laissaient derrière eux l’île maudite qui avait vu périr Glenk et où la personnalité de Lorkcho s’était dissoute dans les vapeurs de sengré, Jaynak devait se composer un visage de marbre. En plus de Naldeia, Ymeo l’accompagnait en effet dans le jetbus. Les deux autres, Yrkel et Nejb, étaient les Fervents qui les avaient précédés dans le bureau d’affectation, des gaillards bien bâtis. L’absence de drone SR aux côtés d’Ymeo était l’exemple le plus frappant de la confiance accordée aux Fervents. Naldeia et lui auraient pu se jeter sur elle pour exercer leur vengeance, lui faire payer les épreuves subies. Si leur ancienne guide-instructrice se tenait là si nonchalamment, c’est que Naldeia et lui-même avaient donné mille preuves de leur dévouement à la cause de son maître. Sauraient-ils briser leur conditionnement s’il le fallait ? Jaynak avait quelques doutes. Ymeo s’était certes montrée parfois impitoyable envers ses stagiaires. Elle ne s’était pourtant pas rendue coupable de cruauté gratuite à leur encontre, se contentant, d’après ce que Jaynak avait pu en juger, d’exécuter les ordres. Les yeux de la jeune femme s’enfiévraient dès qu’il était question de Grendhcko, il ne fallait pas attendre d’elle une once de rationalité à son sujet. Pour le reste, cependant, elle était assez prévisible. 

Jaynak réprima un sourire amer. Le fait de se retrouver choisi par elle dans son service, puis invité à monter dans le même jetbus, pouvait être vu comme une distinction honorifique. Bien décidé à survivre, il en avait peut-être trop fait pour montrer sa valeur. A moins que ses prédispositions avec l’argelen soient réellement la cause de sa sélection, comme l’avait laissé entendre la jeune femme. Dans ce cas, il devait y avoir une raison bien précise pour que Naldeia ait également été prise. Il l’interrogerait peut-être plus tard à ce sujet. 

L’intéressée ne lui avait pas adressé un regard depuis qu’ils étaient montés dans le jetbus. Jaynak aurait pu croire avoir rêvé ce moment où elle lui avait exprimé sa satisfaction de se voir transférée au même endroit que lui. C’était là un rappel utile. Jaynak ne devait pas sortir de ce rôle qu’il s’était choisi, dont il se demandait parfois si c’en était bien un tant la déférence envers ses maîtres lui venait facilement. Afficher une approbation sans réserve pour les idées de ses supérieurs, guetter ce qu’on attendait de lui et s’exécuter au maximum de ses capacités sans une arrière-pensée, tel avait été son quotidien ces derniers mois. Lorsqu’on se transformait à ce point en instrument de la volonté des autres, pouvait-on encore faire preuve d’esprit critique ? 

Jaynak reporta son attention vers le hublot à polarisation adaptative du jetbus. Comme ils s’élevaient graduellement, son regard se fit plus avide. Ils traversèrent plusieurs couches nuageuses avant que ne se profilent les silhouettes des titans de basalte. Bientôt, Jaynak fut en mesure de discerner la forme particulière et la disposition des noyaux et superstructures des immenses arbres minéraux. Aucun doute, c’était bien Argea, l’orgueilleuse cité qu’il avait cru ne jamais revoir. Conscient de l’émotion qui lui étreignait la poitrine et menaçait de le faire chavirer, Jaynak maintint obstinément le regard rivé au travers du hublot. Le secteur duquel ils s’approchaient se signalait par le nombre de ses bâtiments issus de l’architecture fengirienne. Ces derniers faisaient figure de pièces rapportées, mais leur caractère ostentatoire et leur importance désignaient bien le noyau des nouveaux riches, Megeal. 

Le jetbus se posa. Naldeia avait le visage neutre. Jaynak s’efforça de copier la détermination qu’il lisait sur les traits d’Yrkel et Nejb. Ymeo le scruta un instant avant de hocher la tête et de sortir la première. « Je vais vous montrer vos bureaux, dit-elle quand chacun l’eut rejointe sur la plate-forme. Suivez-moi. » 

L’entrée se constituait d’une arche de vitriglass dont la polarisation ne laissait rien deviner de l’intérieur. La large porte à double battant se confondait dans le même matériau, elle glissa silencieusement devant eux. « Bienvenue au sein de l’ORG, dit Ymeo — les Oreilles de Grendchko. » 

Les locaux étaient aseptisés mais confortables, et équipés de terminaux dernier cri. Il y avait même une salle holo, et dans l’une des pièces Jaynak eut la surprise de découvrir une paire de cubars. Un androïde nommé Beyl leur détailla les multiples instruments. « Nous avons bien sûr des Intelligences Synthétiques pour tout ce qui concerne le renseignement, dit l’androïde, mais notre maître Grendchko pense que des individus dotés d’intuition peuvent recouper des informations selon des paramètres différents. 

– Vous allez donc devoir prouver votre utilité, dit Ymeo. Beyl va déjà vous initier à certaines de vos tâches, et à la fin de la journée, vous serez libres de retourner chez vous. Vous serez convoqués chaque matin par votre système domotique, et vous arriverez à l’heure. Ne croyez pas qu’il s’agisse d’une activité comme une autre. Les enjeux sont beaucoup plus élevés ici, et la punition en cas de faute ou de manquement, immédiate. Elle peut frapper autant vous-même que vos familles. Vous devez vous montrer hermétiques au sujet de votre travail ici. Rien ne doit sortir. Je me fais bien comprendre ? 

 – Oui, Adepte Ymeo, répondirent les quatre Fervents. 

– Qui dit exigences élevées dit aussi récompenses à la hauteur. Je ne le mentionne d’ailleurs qu’en passant. Je sais que vous n’êtes pas ici pour les récompenses, mais pour servir notre maître. 

– Gloire à Grendchko ! » clamèrent en chœur les nouvelles recrues. 

Jaynak passa le restant de la journée à s’efforcer d’absorber des dossiers concernant les activités suspectes de différents groupes de Nadariens sur Argea. Il avait pour tâche de mémoriser le profil de certains individus, puis d’utiliser le cubar pour tenter de repérer leur trace dans l’argelen. De la même manière que par le passé, il se connectait au nœud de partage et de connaissance du savoir des anciens, Nelder, pour y obtenir des intuitions sur les technologies à développer, il devait parcourir différents points de rencontre des connexions neuro-télépathiques — les nœuds — pour y retrouver l’empreinte des suspects et y surveiller leurs faits et gestes. Nprim, le plus vaste centre de communication, était l’un des plus accessibles mais pas le seul, loin de là. En fait, il y avait de quoi se sentir submergé par l’ampleur de la tâche. Il fallait resserrer le maillage en tenant compte des caractéristiques du sujet, de ses besoins et aspirations. Même ainsi, le travail était presque insurmontable. Un Guide Communiant aurait sans doute été beaucoup plus compétent en la matière que Jaynak, mais ces Guides étaient précisément le type de personnes qui ne risquaient pas de faire partie des Fervents de Grendchko. 

Jaynak approcha la main du cubar en gardant à l’esprit le visage de sa cible, un étudiant ayant tenu des propos déviants sur un forum de la Ruche. L’individu avait pour spécialité l’archéologie, et Jaynak espérait pouvoir se connecter à Nlendr, le nœud dédié à ce champ de connaissance. 

La surface demeura lisse et froide sous la paume — la connexion ne se faisait pas. Jaynak redoubla de concentration, se remémora les techniques qu’on lui avait enseignées, enfant, et fit preuve de patience. Rien n’y fit. Il fut pris d’un frisson. C’était à croire que sa transformation en Fervent l’avait pour de bon coupé du lien primitif avec l’argelen, dont il avait été si fier autrefois. Chacune de ses tentatives était une pelletée de terre de plus sur le cercueil de ses espoirs. Comment pourrait-il être utile dans ces conditions ? Et qu’allait-on faire de lui si l’on découvrait ses échecs ? 

Il inspira profondément et leva les yeux au plafond. Paniquer était pire que contre-productif. Ses employeurs devaient bien se douter de la difficulté de la tâche. Ils ne pourraient constater son inaptitude que si l’un d’eux se connectait au cubar simultanément avec Jaynak, en parallèle. En attendant, il n’avait d’autre choix que de gagner du temps. Pour cela, il devait passer sous silence sa déconfiture. Et surtout, ne rien laisser paraître. 

Il revint vers son bureau en prenant garde à ne pas traîner des pieds. Nejb se dirigeait en compagnie d’autres employés vers la sortie. C’était la fin de la journée. Jaynak utilisa un terminal pour contacter sa sœur et lui demander de venir le chercher. A son tour, il sortit du bâtiment, s’étonnant de cette liberté incroyable, s’attendant à tout moment à se voir interpellé et de nouveau emprisonné. Adossé au parapet de la passerelle communiquant avec les plates-formes des flotteurs, il fut rejoint par Naldeia. « Tu as l’air bien pâle, lui glissa-t-elle. Est-ce que ça va ? 

– L’émotion de retrouver ma sœur, dit-il. Et mon chez-moi. 

– Je connais ça. Moi aussi je croyais avoir tout perdu. » Elle dirigea vers lui les paumes de ses mains.

Les yeux de Jaynak s’arrondirent. Passée la première stupeur, il avança ses propres paumes et établit le contact. Joie, douleur, nostalgie, apaisement. La communion était la première depuis des mois, et des larmes lui montèrent aux yeux. 

Naldeia le dévisageait avec intensité, et paraissait sur le point de lui poser une question. Avait-elle deviné sa terrible déconvenue avec l’argelen ? Peut-être lut-elle la crainte sur le visage de Jaynak, car elle se détourna en fin de compte. Ils partagèrent un moment de quiétude, le vent balayant leurs plaques. Ce fut elle qui rompit le silence. « Comment vois-tu ce travail ? demanda-t-elle. 

– Comme le prolongement de notre stage de Remise sur la Voie. 

– Je suis d’accord. Avec plus de liberté. Ce qui veut dire plus d’opportunités, mais aussi plus de dangers. 

– Plus d’opportunités de servir notre maître Grendchko, bien sûr, pointa Jaynak. 

– Absolument. Et donc, de faire carrière à son service. » 

Jaynak la considéra un instant. Elle se tenait droite et fière en observant l’horizon, et une fois de plus, il ne put s’empêcher de l’admirer. Il y avait entre eux cette complicité de ceux qui ont traversé des épreuves et triomphé de l’adversité ensemble. Ce lien étroit pouvait lui-même être source de danger, s’il était vu comme susceptible de faire concurrence à la dévotion envers Grendchko. Ils avaient déjà été testés à ce sujet, et peut-être le seraient-ils de nouveau à l’avenir. Les convictions pouvaient-elles se dresser contre l’élan naturel entre deux êtres ? 

Mais pouvait-on parler de réelles convictions là où il y avait eu endoctrinement ? C’était là un terrain trop glissant pour Jaynak. Il préférait repousser toute pensée qui aurait pu être interprétée comme séditieuse. Quelques instants passèrent encore avant que le chuintement d’un flotteur ne se fasse entendre. Jaynak se tourna vers l’appareil, et son cœur fit un bond en reconnaissant Niducia. « Je dois y aller, dit-il à Naldeia. A demain. 

– A demain. » 

Les retrouvailles furent chaleureuses, le contact entre leurs paumes bien plus prolongé que le bref échange avec Naldeia. La sœur de Jaynak enclencha la conduite automatique à destination de son domicile, et ils se mirent à discuter à bâtons rompus. Jaynak prit des nouvelles plus détaillées de chacun des membres de sa famille qu’il ne l’avait fait jusqu’à présent, et Naldeia lui raconta tout ce qu’il avait manqué. 

Son frère Merek allait bien, mais ses missions l’emmenaient de plus en plus loin dans l’espace oblanite. Ses parents avaient mené des démarches officielles pour retrouver Jaynak, mais n’avaient pu aller jusqu’au bout, sous peine d’être mis eux-mêmes sur la sellette. Des Guides Communiants s’étaient fait l’écho des protestations des familles qui avaient vu ceux de leurs membres arrêtés et séquestrés au moment de la rafle des Cavernes d’Ambre. Ils avaient utilisé l’ensemble des moyens légaux à leur disposition. Grendchko s’était montré sourd à toutes les requêtes, et comme il bénéficiait de l’appui des Fengirs, nul n’osait questionner son pouvoir. Niducia elle-même avait dû dissuader son oncle Irkouk de franchir les limites en faisant appel à des réseaux parallèles proches des Réfractaires. 

Jaynak eut un frisson en se disant que son boulot au sein du service de renseignement consistait précisément à surveiller des gens comme son oncle, puis à obtenir le minimum de preuves nécessaires pour les faire incarcérer. 

« J’ai vu que les bureaux où tu travaillais avaient l’air très classe, commenta Niducia en dévisageant son frère. Qu’est-ce que tu fais exactement pour notre Premier Coordonnateur ? 

– Désolé. Pas le droit d’en parler. Juste… si tu apprends certaines choses au sujet des activités d’Irkouk, il vaudra mieux que tu évites de m’en faire part. » 

Niducia abaissa lentement les paupières. Après cela, la conversation retomba, et ce fut dans un morne silence qu’ils se séparèrent. 


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Retrouvez les cinq premiers chapitres en cliquant sur ce lien. 

 

lundi 4 novembre 2024

L'Essence des Sens : chapitre 19

A titre expérimental, j'ai décidé de faire paraître un nouveau chapitre de mon dernier roman, L'Essence des Sens (Science-Fiction), sur ce blog chaque semaine. Voici le dix-neuvième.

19. L’affectation 

Ymeo signifia à Jaynak, Naldeia, Lendev et Pechko leur changement de quartiers. « Vous occuperez dorénavant le dortoir de la Vème brigade des Fervents. Vous aurez accès aux mêmes endroits comme le centre de loisirs, aux mêmes équipements d’entraînement, et vous avez la possibilité de joindre vos familles et vos proches. Vous ne pourrez en revanche pas rejoindre vos domiciles jusqu’à nouvel ordre. » 

C’était une nouvelle étape décisive après le retrait du bandeau. Les quatre anciens stagiaires avaient cependant subi trop de tests pour se réjouir de manière démonstrative. Instinctivement, ils considérèrent ce regain de liberté comme une épreuve supplémentaire. De la même manière qu’ils n’avaient pas cru en l’absence de surveillance après le retrait des bandeaux et en ne voyant plus l’ombre des drones planer sur eux, de façon similaire ils tâtèrent le terrain avec précaution. Ils continuèrent ainsi à limiter leurs conversations aux aspects purement pragmatiques, sans jamais se confier sur leurs états d’âme et sentiments, et réfléchirent à deux fois avant d’appeler des membres de leur famille. Quand ils s’y décidèrent, ils n’hésitèrent pas à mentir, louant les conditions de leur accueil, allant jusqu’à faire l’éloge de ce Stage de Remise sur la Voie qui leur avait permis d’apprécier la vie sous un autre angle. 

« Donc, tu ne regrettes pas ton métier de responsable technique des réacteurs à la Transpulsion ? demanda Niducia sans chercher à dissimuler son incrédulité. Tu trouves que Grendchko a bien agi en faisant de toi l’un de ses Fervents ? » 

Jaynak s’était mentalement préparé à ce genre de question. Il savait qu’il ne devait laisser passer aucun blanc, et répondit avec assurance. « Notre premier Coordonnateur est un grand homme. Je l’ai vu en personne, tu sais. Il m’a montré de quelle manière je pouvais me rendre réellement utile. Tu vois, il a une vision, et en l’aidant à l’accomplir, je fais bien plus pour notre société qu’avec mon boulot quotidien à la Transpulsion. 

– J’ai du mal à en croire mes oreilles. Donc, tu es heureux ? 

– Je ne pourrais l’être davantage. 

– Tu as quand même maigri. Fais bien attention à toi, petit frère. Et maintenant que tu en as la possibilité, donne de tes nouvelles plus souvent. » 

Quand l’image holo de sa sœur s’estompa avant de s’évanouir complètement, Jaynak se fit l’effet d’être devenu un sacré menteur — une dangereuse idée, qu’il étouffa aussitôt. Ses échanges avec ses proches revêtaient l’apparence de l’une de ces holosims qui s’efforçaient de le prendre au piège afin de tester son conditionnement. Parler, penser, agir comme un Fervent lui était à présent une seconde nature, un costume toujours plus facile à endosser. Après tout, qui lui disait qu’il avait affaire à sa véritable sœur ? Ou à son oncle Irkouk ? Il avait conscience que la remise en cause systématique de la réalité autour de lui était un chemin dangereux, qui menait probablement droit à la folie. A cela, il devait bien exister une alternative, ou un refuge. 

Ce ne pouvait pas être le sengré, en tout cas. A grand renfort de volonté, il avait réussi à en repousser l’attrait. Glenk et Lorkcho étaient toujours présents dans un recoin de son esprit, gardiens vigilants ne demandant qu’à corriger sa trajectoire au moindre écart. Les Fervents de la base n’y étaient de toute façon pas aussi exposés que les stagiaires l’avaient été, et d’après l’odeur, leurs feuilles de sengré n’étaient pas trafiquées. L’attitude des nouveaux camarades de Jaynak qui en fumaient confirmait que leur sengré était beaucoup moins addictif. 

Les pensées de Jaynak, en revanche, revenaient se fixer avec insistance sur l’argelen. La communion lui manquait tant ! L’argelen ne mentait pas, il faisait partie d’une portion de réalité issue de la tradition, ne pouvant être manipulée par la technologie. Les Fervents la prétendaient corrompue, pourtant Jaynak avait un avis bien différent. Hélas, il n’y avait pas d’argelen sur la base. Et à chaque fois que l’idée lui venait de mettre la paume de sa main sur un cubar, cela lui renouvelait les irritations au niveau du front. Il n’avait pas trouvé la cause de ces démangeaisons. Plutôt que d’en parler à quiconque et d’éveiller des soupçons, il gardait cela secret, comme l’une de ses faiblesses inavouables. Comme tant d’autres choses qu’il fallait taire aussi longtemps qu’il aurait l’impression de se sentir vulnérable. 

Deux mois passèrent. Jaynak expérimenta les exercices à bord des CMA, les chars modulaires antigrav. Très versatiles, les engins pouvaient se transformer en pièces d’artillerie à courte, moyenne ou longue portée le cas échéant. Il eut également accès aux salles de loisirs où étaient diffusés les flashs infos des médias comme Nadaria, l’un des principaux groupes de la planète. Visionner ces flashs ne laissait aucune trace sur les réseaux. Cela se faisait à plusieurs en général, dans une pièce dédiée. En revanche, hors de question pour Jaynak d’utiliser l’un des terminaux de connexion à la Ruche mis à disposition dans la salle de loisirs. Il ne voulait pas le moindre indice d’une activité personnelle qu’on aurait pu interpréter dans un sens ou dans l’autre. 

C’est ainsi que Jaynak connut le dénouement des circonstances ayant mené à son emprisonnement. Grendchko avait tout simplement été contraint de lever le siège des Cavernes d’Ambre. Ce n’étaient pas les pertes, pourtant nombreuses, qui avaient précipité la décision mais la pression grandissante du peuple et des notables. Les Argéens n’ayant plus accès aux Cavernes d’Ambre avaient protesté en masse. Grendchko s’était d’abord montré sourd aux revendications. Puis il avait contre-attaqué, accusant ses concitoyens de ringardise. Devant la multiplication des dysfonctionnements, et notamment les perturbations dans la gestion si complexe des systèmes d’assistance gravitationnelle de la capitale planétaire, il n’avait eu d’autre option que d’interrompre l’assaut, et de retirer ses forces. 

Lorsqu’il prit connaissance de l’information, Jaynak eut le sentiment d’avoir manqué un épisode important de l’histoire récente de sa planète. En élisant Grendchko, ses concitoyens avaient donné le signal qu’ils étaient prêts, sinon à faire table rase du passé, du moins à remettre celui-ci sérieusement en question. L’alliance avec les Fengirs permettait d’envisager un développement technologique très différent de ce que les Nadariens avaient connu jusqu’alors. Or, avec cette sorte de soulèvement passif d’une partie de la population d’Argea, l’importance de l’accès à l’argelen d’ambre, et donc à la tradition, sautait aux yeux. Une vraie contradiction, qui révélait des courants souterrains de la société nadarienne — aussi labyrinthiques que les endroits où se terraient les Réfractaires. 

Quoiqu’il en fût, c’était la première fois que l’ascension irrésistible du Premier Coordonnateur avait été contrariée. Jaynak devina à quel point l’ego fragile du nouveau leader suprême avait dû en pâtir. En conséquence, Grendchko avait jeté son dévolu sur la conquête d’Oblan, planète dont il présentait l’occupation historique comme un jalon de l’âge d’or de Nadar. Il exhortait son peuple à s’engager dans la marine interstellaire ou l’armée, et multipliait les exercices militaires. Dans la base, Oblan était un sujet de conversation récurrent. 

Ce matin-là, c’était jour de répartition des affectations pour ceux des Fervents ayant terminé le socle de formation commune. Les apprentissages accélérés et les techniques avancées de détection des aptitudes individuelles permettaient en effet une initiation restreinte dans le temps, menant à une première spécialisation qui se verrait sans doute affinée dans le futur. Jaynak eut la surprise d’être appelé par le chef de strate. Dans les rangs des sélectionnés, aux côtés d’autres Fervents, il repéra Naldeia, Pechkov et Lendev. Il eut un pincement au cœur. Depuis qu’ils avaient intégré la Vème brigade, il n’avait eu que très peu d’échanges avec ses camarades. Et eux aussi avaient pris leurs distances les uns avec les autres, comme si leur vécu commun était une tare qu’il fallait au plus tôt ensevelir dans l’oubli. Seules les performances d’ordinaire supérieures à leurs concurrents de la Vème avaient eu tendance à rapprocher les quatre ex-stagiaires au cours des différents parcours et exercices. Mais une fois au repos, ils prenaient bien soin de rester séparés. 

On fit emprunter aux sélectionnés différents couloirs, et on les mena dans un hall où on leur demanda de patienter. Des portes étaient surmontées des initiales A à J. Les noms des Fervents apparaissaient les uns après les autres, associés à l’initiale de leur porte et un numéro correspondant à un bureau. Ils furent quatre à être appelés au F8, parmi lesquels Jaynak et, à sa surprise, Naldeia. Dans un silence religieux, ils franchirent la porte et s’avancèrent jusqu’à la salle d’attente. Les deux Fervents aux côtés de Naldeia et Jaynak, qu’ils connaissaient vaguement, furent convoqués les premiers, à tour de rôle. 

Pour la première fois depuis qu’il l’avait rencontrée, Naldeia sourit franchement à son camarade. L’éclat d’Altanis sembla traverser les plaques de Jaynak pour l’atteindre jusqu’au cœur, tant ce sourire était inhabituel. Les paroles qui suivirent le furent tout autant. « Je suis contente que nous soyons affectés au même endroit. » 

Devant la bouche ouverte de son compagnon et ses yeux écarquillés, elle eut un petit rire. Là encore, une nouveauté. La terre se serait-elle entrouverte devant Jaynak qu’il n’aurait sans doute pas été aussi surpris. Un courant lui parcourait le corps et réveillait chacune de ses cellules en le traversant. Même l’idée qu’il puisse s’agir d’un piège de plus qu’on lui tendait ne parvenait pas à diminuer l’intensité des émotions qu’il ressentait en cet instant. Tous deux s’étaient jusque là interdit tout attachement synonyme pour eux de faiblesse, et voilà que Naldeia entrebâillait une porte qui aurait dû rester close. Une ouverture vers un avenir si lumineux, cependant, que l’éclat en était à peine soutenable. En sondant la lueur bleue des yeux de l’ancienne stagiaire, il n’arrivait pas à douter de la sincérité de la jeune femme. Se détacher de ce regard pour surveiller l’inscription qui pouvait apparaître à tout moment sur la porte lui était pénible. 

Il n’avait pas encore tout à fait repris ses esprits lorsqu’il eut l’idée de lui demander où ils allaient être affectés. Heureusement, il se retint à temps. Comment aurait-elle eu l’information ? Elle avait simplement déduit de leur présence dans un même bureau qu’ils seraient envoyés au même endroit. Cela faisait sens, en y réfléchissant. Pourquoi, sinon, les Fervents auraient-ils été triés, regroupés et convoqués dans des bureaux différents ? 

Naldeia avait repris son sérieux. Jaynak lui répondit du ton le plus neutre possible. « On verra bien où on nous enverra. 

– C’est toute la question, en effet », dit-elle en hochant la tête. 

L’attente se prolongea. Jaynak jetait encore parfois un coup d’œil en direction de Naldeia, mais ses pensées s’assombrissaient. Il savait avoir fait tout ce qui était en son pouvoir pour ne pas se retrouver dans les mines d’Ulicron. Son avenir — leur avenir — allait se jouer d’un instant à l’autre. Une fois de plus, il ne serait qu’un pion allant là où on le transporterait. Durant les deux derniers mois, il était parvenu à se mentir de temps à autre, à se faire croire qu’il se trouvait sur cette base de sa propre volonté avec les autres Fervents. C’était à présent impossible. 

Il avait baissé la tête et voûté les épaules sans s’en apercevoir. Quand il entendit le glissement de porte, il réalisa que Naldeia avait été appelée la première — l’image holo de son nom était apparue devant l’ouverture, et la jeune femme la traversa pour entrer. Jaynak ne distingua rien par l’embrasure, sinon l’extrémité d’un bureau. Il demeura seul à ruminer ses pensées. Par réflexe, il redressa les épaules et fit de son mieux pour évacuer toute trace d’angoisse de sa figure. Un Fervent ne pouvait douter de l’avenir glorieux que lui réservaient son maître, ou ceux qui le servaient. Il revit les visages de ses collègues de travail à la Transpulsion, et son cœur se serra. Très vite, toutefois, il se reprocha cet élan nostalgique. Les dés avaient roulé, et il suivait un chemin radicalement différent. Regarder en arrière était une autre faiblesse. 

Son nom apparut enfin, et Jaynak bondit sur ses pieds. La porte glissa, et il s’avança. Au bout de quelques pas, la pièce s’élargissait. Il y avait une seconde porte, par laquelle devaient sortir les Fervents après leur entretien. En tournant la tête, il reconnut un visage familier. 

« Heureuse de vous voir, Fervent Jaynak, fit Ymeo. 

– Guide-instructrice. 

– Vous pouvez m’appeler du nom d’Adepte Ymeo, à présent. Je viens d’en recevoir le titre. » 

Jaynak ne cacha pas sa surprise. « Vous suivez donc la voie de l’argelen. 

– Disons plutôt que je m’en sers comme d’un outil. Et vous allez m’aider dans ma tâche. Vous verrez que les Adeptes nommés par notre Premier Coordonnateur n’ont plus grand-chose à voir avec les Adeptes à l’ancienne mode. De grandes réformes sont en cours. » 

Jaynak se contenta d’opiner, ne sachant que dire. Les Adeptes constituaient le rang inférieur par rapport à celui de Guide Communiant. Cependant, le fait pour un Nadarien d’être nommé Adepte impliquait qu’il deviendrait tôt ou tard Guide Communiant. Que cette fonction puisse un jour échoir à Ymeo était pour le moins incongru. La jeune femme n’avait jamais montré beaucoup de respect pour la tradition. Toute sa dévotion allait à son maître, Grendchko. 

« Votre dossier à la Transpulsion indique que vous vous serviez de l’argelen pour formuler des suggestions d’amélioration des moteurs ? » 

En quelques mots, Ymeo venait de réimprimer dans l’esprit de Jaynak un passé issu d’une autre vie. Sa lèvre trembla un instant, avant qu’il ne se reprenne. « C’est exact. 

– Vous avez donc une maîtrise de l’argelen supérieure à de nombreux collègues. 

– J’ai quelques facilités, on va dire. 

– C’est exactement ce qu’il nous faut. Je vous confirme votre affectation sous ma direction au service Renseignements-Intervention d’Argea. En plus de quelques autres Fervents, vous y retrouverez votre camarade Naldeia. Vous vous entendez bien avec elle ? 

– Son dévouement à notre maître est sans faille. 

– Ce n’est pas ce que je vous demande, dit Ymeo. 

– Nous travaillons bien ensemble. 

– C’est ce qu’il me semblait. Vous allez très bientôt avoir l’occasion de nous prouver votre efficacité. »

 

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