J'aime bien, de temps en temps, déterrer de vieux articles de blog. Comme celui de Kristine Kathryn Rusch de 2011 sur les "piles de manuscrits" des maisons d'édition, les fameuses "slush piles".
Les auteurs sont souvent les plus virulents contre le fait qu'à l'ère du numérique et de l'ebook, la libre publication de livres, notamment sur Amazon, donne lieu à la publication de tout et n'importe quoi. Surtout n'importe quoi, à les en croire.
Il est naturel que les auteurs qui passent beaucoup de temps sur des manuscrits défendent la qualité de contenus.
La discussion sur les labels de qualité est récurrente parmi mes pairs.
On sait aussi que, notamment dans la catégorie des livres de non fiction, la libre publication permet à des escrocs d'utiliser des fermes de contenus pour générer du profit. C'est un vrai problème, qu'il ne faut pas minimiser.
Mais les auteurs, parfois même autoédités, donnent parfois l'impression schizophrénique de décrier une situation qui leur permet finalement d'exister, ou au moins d'essayer d'exister.
De faire connaître leurs écrits. De vendre. Et parfois même, comme l'auteur Cédric Charles Antoine, de vivre de leur plume.
Les auteurs, ils ne faut pas croire, ont parfois l'âme (ou la plume) trempée au vitriol: ils ne sont pas toujours tendres les uns envers les autres... Ils ont tendance à globaliser, à jeter le bébé avec l'eau du bain.
Kris Rusch a été directrice de collection (pour le prestigieux magazine Fantasy & Science-Fiction) et a eu affaire aux fameuses montagnes de manuscrits.
Voici ce qu'elle en dit dans son article: It’s a tower of hope, of dreams, of writers who want to do something with their lives.
Traduction: C'est une tour d'espoir, de rêves, d'écrivains qui veulent faire quelque chose de leur vie.
Moi, je dis, big respect.
Je n'ai évidemment pas l'expérience de Kris Rusch. Mais je n'oublie pas l'héritage des pulps, les revues de SF sans prétention littéraires des années 40, qui ont parfois donné naissance à de magnifiques sagas adaptées en films.
Comme La Faune de l'espace, de A.E. Van Vogt, dont est inspiré le film Alien. Car "sans prétention littéraire" ne veut pas dire sans ambition.
A mon modeste niveau, à mes débuts dans une maison d'édition québecoise qui a la particularité de ne pas pratiquer la sélection de manuscrits, j'ai été amené à réaliser des interviews d'auteurs québecois, et pour cela, je me suis documenté en lisant au moins une partie de leurs ouvrages.
Certes, on était dans le brut de décoffrage. Des romans pas toujours parfaitement polis, taillés, ni retravaillés pour devenir efficace et maîtrisés sur le fond, et pas toujours agréables dans la forme.
En y repensant, pourtant, certains de ces textes étaient de vraies pépites. La valeur humaine qui s'en dégageait, l'originalité des histoires avaient quelque chose de grisant, quand on laissait de côté les aspérités - comme les couvertures affreuses.
En tant qu'auteur formé à un certain classicisme, je pouvais estimer avoir un style plus abouti que certains de ces confrères québecois... confrères qui ne m'en remettaient pas moins à ma place, et m'apprenaient l'humilité, par leur talent brut de raconteurs d'histoire.
Alors oui, il peut être divertissant d'aller plonger dans les profondeurs des livres non visibles d'Amazon (et parfois bien visibles) pour se moquer de certaines œuvres et de leurs couvertures.
On a tous besoin de se défouler à certains moments.
Mais de temps en temps, il peut être bon de redescendre de son perchoir en laissant tomber le vitriol, le cynisme et l'ironie pour entrer vraiment dans des textes totalement inconnus et passés sous silence.
Mais de temps en temps, il peut être bon de redescendre de son perchoir en laissant tomber le vitriol, le cynisme et l'ironie pour entrer vraiment dans des textes totalement inconnus et passés sous silence.
Non seulement cela peut rendre plus humble, mais cela peut aussi permettre de s'améliorer en tant qu'auteur.