mardi 28 novembre 2023

L'Etat de Palestine

Comment est-ce que j'imagine le futur Etat de Palestine? Ma vision est évidemment celle d'un Occidental qui n'est pas un expert sur le sujet. Elle se base sur la logique, ce qui est contradictoire dans une région où règnent les passions. Mais justement, une solution viable, durable aussi bien pour les Israéliens que pour les Palestiniens ne pourra intervenir qu'en rejetant les passions. Ce qui signifie qu'il faudra aussi rejeter certaines traditions, si elles aboutissent aux passions. 

Le monde est régi par des rapports de force. Les guerres du passé nous apprennent qu'Israël est en position de force dans la région qu'elle occupe au Proche-Orient. Son étroite alliance avec les Etats-Unis y est pour beaucoup. Mais l'Histoire nous apprend aussi que la seule domination militaire est loin de pouvoir garantir la paix. Pour garantir la paix, il faut faire des compromis. 

Je ne vois pas le pays le plus puissant de la région, Israël, accepter à ses portes la création d'un Etat Palestinien doté d'une armée, si cet Etat a pour principe la destruction d'Israël. Nétanyahou a déjà commis cette erreur avec le Hamas, et je ne vois pas Israël commettre de nouveau cette erreur. C'est ce que dicte la logique.

J'irais même plus loin. Israël n'acceptera sans doute que la Palestine soit dotée d'une armée que s'il s'agit d'un Etat frère. 

Et étant donné l'influence de pays comme la Russie, l'Iran et la Syrie, la Palestine aura besoin d'une armée pour se prémunir des influences étrangères. En fait, ce sont ces influences étrangères qui empêchent la paix dans la région, allié à la volonté de colonisation d'une partie des Israéliens. Ce sont donc les deux tendances qu'il faut réprimer. 

Je vois également un troisième travers à éliminer, qui est la corruption. Il faudra que la constitution palestinienne prévoie de solides garde-fous contre la corruption .

Ce futur Etat palestinien, je le vois s'étendre de la bande de Gaza à la Cisjordanie. La constitution palestinienne devra prévoir un Etat laïc, allié avec Israël. Mais attention, la création de l'Etat palestinien devra aller de pair avec une refonte de la constitution israélienne. Israël deviendra ainsi également un Etat laïc, qui aura pour principe l'interdiction de toute colonisation des pays voisins, et en particulier la Palestine. Dans la constitution israélienne figurera le principe non seulement de paix, mais de vie en harmonie, et même d'alliance avec l'Etat palestinien. 

La constitution du futur Etat palestinien devra prévoir des garde-fous interdisant les influences étrangères à partir du moment où elles mettent en danger l'alliance avec l'Etat d'Israël. 

La grande concession de la part de l'Etat palestinien viendra des terres volées par les colons israéliens: les colons pourront y rester, à condition de prendre la nationalité palestinienne. S'ils refusent, ils devront rentrer en Israël. 

La grande concession de la part d'Israël sera que le pays perdra 200 000 citoyens, appelés à devenir Palestiniens s'ils ne rentrent pas en Israël

L'Etat palestinien sera indépendant et autonome, dans les limites de son alliance avec l'Etat d'Israël. Même chose pour Israël. 

En cas d'attaque des pays voisins, Israël se portera au secours de l'Etat de Palestine. La réciproque sera également vraie. 

Vous comprenez maintenant pourquoi je parle de rejet des traditions. La tradition des Palestiniens est la guerre et la résistance à Israël. Parfois avec une dose d'antisémitisme, il faut être clair. La tradition israélienne est la conquête de nouveaux territoires et la colonisation aux dépens des Palestiniens. Souvent avec une fausse impression de supériorité civilisationnelle, il faut le dire. Ce sont ces deux traditions qu'il faut abolir. 

La seule réponse est la laïcité, car la religion, dans des contextes de tension, est ce qui fanatise les gens. Laïcité ne veut pas dire absence de religion ni de foi dans chaque pays. Cela signifie juste que la religion ne doit plus rien avoir à faire avec le pouvoir et la guerre, que ce soit en Israël ou en Palestine. 

C'est un immense changement. Et même si l'on imagine ce changement arriver, il y aura sans doute d'autres guerres à venir, l'alliance des Israéliens et Palestiniens devant faire face à des pays arabes qui ne manqueront pas d'être hostiles dans un premier temps. C'est le double prix à payer pour parvenir à une stabilité future, voire à la paix et la prospérité dans la région. Ce que je souhaite de tout cœur.

[EDIT 29/05/2024] Ma position a évolué quant à cet Etat de Palestine. Je vous livre ici mes dernières réflexions.
Au sujet de la Palestine, se poser les bonnes questions est impératif. En particulier, les Palestiniens eux-mêmes veulent-ils d'un Etat palestinien? Trois fois dans l'Histoire, ils ont eu l'occasion d'accepter d'avoir un Etat. Et notamment en 1948, dès le début d'Israël. Trois fois ils ont refusé.
Alors, les Palestiniens n'ayant jamais été en démocratie, ça ne reflétait peut-être pas la volonté du peuple, ces refus. Mais demandons-nous si le fait, pour des pays occidentaux, de vouloir absolument un Etat palestinien ne signifie pas surtout que nous voulons que les Palestiniens reconnaissent l'Etat d'Israël.
Est-ce que les Palestiniens, s'ils acceptaient à la fois la création d'un Etat palestinien et la reconnaissance d'Israël, ne seraient pas dénoncés comme des traîtres par tous les pays arabes environnants, et par l'Iran? Ne subissent-ils pas une pression permanente pour les maintenir dans le combat contre Israël? Ne serait-ce pas cette pression-là qu'il faudrait combattre?
Qu'est-ce qui a changé pour que des Etats occidentaux comme l'Espagne reconnaissent tout à coup la Palestine?
Réponse: depuis le 7 octobre 2023, les Palestiniens ont subi d'énormes pertes, humaines mais aussi matérielles, avec la destruction de leurs logements.
En reconnaissant l'Etat de Palestine, certains pays européens mettent la pression sur les Palestiniens pour qu'ils aillent vers cette solution, tout en s'efforçant symboliquement de s'excuser pour les morts et la destruction des logements. Le rapport de force, estiment-ils, va en la faveur de la création de cet Etat.
Mais que vaudrait l'engagement d'un pays forcé par les armes à en reconnaître un autre? 

Ça ne vaudrait rien du tout, à mon avis.
Pour notre bonne conscience, nous avons besoin de voir se dessiner une solution qui permettrait la paix dans la région. Mais rien ne dit que c'est ce que veulent les Palestiniens. Aussi gênant cela soit-il pour les Occidentaux, les Palestiniens veulent peut-être une guerre éternelle, jusqu'à la destruction de l'Etat d'Israël. Même en ayant subi des pertes aussi considérables qu'à l'heure actuelle.
Nous autres Occidentaux souhaiterions que ce soit la logique et la rationalité qui règnent en Palestine. Mais ça n'arrivera pas si tous les pays arabes aux alentours ne reconnaissent pas Israël. Ça n'arrivera pas si les enfants palestiniens sont élevés dans la haine d'Israël.
Pour que la rationalité et la paix l'emportent, il faut que les conditions soient réunies. Il faut que ces peuples apprennent à vivre ensemble. Il faut que les leaders palestiniens apprennent la démocratie, c'est à dire à écouter leur peuple. Il faut que le régime iranien change radicalement de visage. Le chemin a accomplir est encore immense avant de pouvoir parler de la création d'un Etat palestinien. Là, tout ce qu'on fait, c'est de mettre la charrue avant les bœufs.

mardi 21 novembre 2023

Gouverner, c'est aimer

Les mères de famille sont, à leur niveau, des gouvernantes. Les pères de famille sont, à leur niveau, des gouvernants. Nous faisons de la politique quand nous élevons nos enfants. Nous prenons les décisions. Nous sommes ministres de l'éducation (y compris sexuelle), de la culture, de la justice, du travail, de l'intérieur, de la défense, du sport. Nous sommes présidents. Et si nous ne pouvons pas avoir d'enfants? Nous devenons ministres de l'immigration en adoptant un ou plusieurs enfants.

Un chef d'Etat qui n'a pas eu d'enfants ne devrait pas, à mon sens, être autorisé à gouverner. Il n'a pas la maturité nécessaire. L'expérience de vie. N'est-ce pas, Macron?

Si l'on y réfléchit, on ne juge pas assez nos hommes et femmes politique selon leur vie privée. En France, nous n'avons eu que des chefs d'Etat masculins. Le seul critère appartenant à la vie privée selon lequel nous jugeons nos présidents, c'est: est-il un homme fidèle? Un certain François Hollande, qui avait une maîtresse, a ainsi vu sa popularité dégringoler durant son quinquennat.

Associer la fidélité d'un homme à sa fiabilité, c'est un bon critère. Mais si c'est le seul, ça reste simpliste. Trop limité. Que pensent les enfants de nos chefs d'Etat de leurs parents? De la manière dont ils ont été gouvernés, élevés, éduqués durant l'enfance? Voilà un vrai critère. 

Il est vrai qu'un chef d'Etat n'a pas à élever sa population. Ce serait infantilisant, abêtissant. Ce n'est pas ce qu'on leur demande. On leur demande de faire ce qu'il faut pour l'intérêt commun.

Mon avis personnel, c'est que ce sont nos enfants qui nous indiquent comment les élever au mieux. De la même manière qu'un bon conseiller emploi sait écouter son client en recherche d'emploi, parce que c'est souvent lui qui a la clé de son retour vers l'emploi, un bon parent sait écouter ses enfants. Il a de l'empathie, de la sensibilité, cette forme d'intelligence particulière qui permettra à l'enfant de donner le meilleur de lui-même sans être contraint, mais volontairement. 

L'intérêt commun, c'est le peuple qui sait en quoi il consiste. Un bon gouvernant saura le détecter en écoutant son peuple. Pas toujours, vous me direz. L'enfant refuse parfois de manger des légumes, ou de la soupe. Le peuple refuse de faire tout ce qui est nécessaire pour lutter contre le réchauffement climatique. Alors, il faut trouver des compromis. Il faut aussi mener par l'exemple, montrer l'exemple. 

Un parent va-t-il obtenir les meilleurs résultats avec son enfant s'il lui témoigne du mépris? Ou va-t-il le faire grandir en lui faisant confiance? 

Il ne s'agit pas, je le répète, pour un chef d'Etat, de materner sa population. Aimer n'est pas forcément materner. Aimer, c'est rendre plus indépendant, donner du pouvoir. Décentraliser. 

Et Science-Po, me direz-vous? Et l'ENA? Utiles pour apprendre le cadre dans lequel on gouverne, les institutions, les lois. L'essentiel est pourtant ailleurs. L'essentiel vient de la manière dont nos gouvernants se sont comportés en tant que parents. Il y a fort à parier qu'ils réagiront de la même manière en gouvernant, avec les mêmes travers et les mêmes qualités.

Un chef d'Etat prometteur pourrait être une mère qui a eu un enfant juif, un musulman, un catholique, un animiste, un agnostique et un athée, et qui les aura élevé dans l'harmonie, pour leur meilleur bénéfice, avec un souci d'équité dans la répartition de son amour. 

A ce stade, ce n'est plus une question de parti, de droite ou de gauche, d'extrême-droite ou d'extrême-gauche. C'est une question d'avoir été un bon parent.

dimanche 12 novembre 2023

L'auteur et le réalisateur

Ce n'est pas possible, pour un auteur de Science-Fiction, d'avoir autant de chance. Dans la vraie vie, ça n'existe pas. Et pourtant...

Imaginez, vous êtes auteur de Science-Fiction, avec à votre actif trois romans, des nouvelles de SF, et des articles pour Time/Life. Un jeune réalisateur non seulement génial, mais bankable auprès de Hollywood vous contacte. Il a eu tellement de succès avec son dernier long métrage qu'il est sûr de pouvoir imposer son film de SF.

C'est déjà une double chance extraordinaire d'être contacté par un réalisateur doué, mais en plus bankable. Mieux encore, le réalisateur en question n'a pas vraiment d'idée pour son film, et va accepter de s'appuyer sur l'une de vos nouvelles de SF pour le scénario. Il vous propose carrément d'écrire le roman tout en participant à l'écriture du script.

Vous vous rendez compte de la chance que ça représente, au niveau liberté créatrice, pour l'auteur? L'écriture conjointe d'un roman qui va devenir un film, ça n'existe pas dans le milieu du cinéma. J'ai déjà rencontré en séance de dédicace des gens qui travaillaient pour Netflix, mais qui avaient déjà leur propre univers, leurs propres idées et qui vous embauchent pour travailler dessus. C'est ça, ou bien des adaptations de roman déjà écrits. Mais travailler dans la dimension créative sur l'écriture d'un roman inspiré d'une de vos nouvelles en parallèle avec l'écriture d'un script tout en ayant l'assurance que le film sortira, le tout en collaborant avec un réalisateur surdoué, ça n'arrive jamais pour les auteurs. 

Alors certes, l'écriture d'un scénario est contraignante, et le script va aussi contraindre le roman pour homogénéiser les deux. La liberté de création est donc loin d'être totale, mais tout de même. Ce qui arrive à cet auteur de SF a tout d'un rêve. 

Mais ça ne s'arrête pas là. Imaginez que ce réalisateur vous ait contacté en 1964. Et que vous terminiez avec lui l'écriture du script et du roman en 1968. Juste avant le lancement de la mission Apollo où les premiers hommes vont marcher sur la lune! Ce serait une coïncidence historique absolument fabuleuse, de nature à vous faire penser que les étoiles s'alignent vraiment pour vous.

Imaginez aussi que vous ayez écrit ceci au début de votre roman: It was a vague and diffuse sense of envy - of dissatisfaction with his life. He had no idea of its cause, still less of its cure; but discontent had come into his soul, and he had taken one small step towards humanity. Traduction : "C'était un sentiment vague et diffus d'envie - d'insatisfaction à l'égard de sa vie. Il n'avait aucune idée de sa cause, encore moins de son remède ; mais le mécontentement était entré dans son âme, et il avait fait un petit pas vers l'humanité.

Imaginez maintenant qu'un astronaute du nom de Neil Armstrong ait lu votre roman. Et qu'il ait décidé de modifier quelque peu ce que vous avez dit tout en le prolongeant. Bref, de s'en inspirer. Un petit pas pour l'homme, un grand bond pour l'humanité. Et au moment le plus critique! Juste avant de commencer à marcher sur la Lune!

Ce serait vraiment du délire, n'est-ce pas?

Mais ça ne s'arrête toujours pas là. Imaginez maintenant que les critiques fassent du film coécrit avec ce brillant réalisateur l'un des dix meilleurs films de tous les temps. Parce que, encore une chance dans la chance, la collaboration s'est bien passée et a été très productive.

Je veux dire, un cul bordé d'autant de nouilles, ça n'existe pas, non? Ça ne peut pas arriver? 

Eh bien si. Cet auteur de Science-Fiction, c'est Arthur C. Clarke, et ce réalisateur, c'est Stanley Kubrick. Ce film encensé par la critique, c'est 2001, l'Odyssée de l'Espace. 

A un certain niveau, la chance, c'est comme une poupée russe. La plus grosse de ces poupées, c'est d'être né dans un pays de privilégiés par rapport à la majorité des humains. La seconde de ces poupées, c'est de bénéficier de gènes propres à garantir votre santé et votre longévité tout en vous faisant disposer de bonnes facultés mentales dès le jeune âge. La troisième, ce sont les parents. Une autre de ces poupées, c'est votre éducation. Une autre encore, votre aptitude au bonheur. 

En ce qui concerne Arthur C. Clarke, on a l'impression que l'emboîtement des poupées a été beaucoup plus long que la normale.