mardi 14 mars 2017

Auteurs autoédités et syndicalisme

Un article très complet sur la problématique actuelle des auteurs autoédités vient d'être publié par Chris Simon sur son blog. Le titre, Est-il souhaitable de rassembler les autoédités dans un pôle unique?, constitue déjà une réponse en soi. Chris développe une thématique que j'avais à peine effleurée dans mon article Nous sommes nos propres labels, le syndicalisme des auteurs autoédités. Elle pointe aussi vers un autre article intéressant sur le sujet, celui de la romancière Lizzie Crowdagger. 

L’autoédition grâce à la technologie (numérique, POD, réseaux sociaux) est une irruption dans le système éditorial. Elle fonctionne bien en système de cellules indépendantes, en réseaux car elle est plus proche de l’ADN d’une guérilla que d’une corporation. Je ne suis pas sûre qu’elle fonctionnerait en une structure qui engloberait entièrement. De plus l’autoédition me semble plus gérable en petites unités qui communiquent, car le bénévolat à ses limites et ne peut être érigé en un système quand le temps de chacun est limité - Chris Simon

Voilà une citation importante. J'ajouterais une chose: est-il raisonnable de penser parvenir à fédérer tous les auteurs autoédités? La Fédération des auteurs indépendants d'Elen Brig Koridwen, que Chris et moi soutenons, rassemble peut-être 200 auteurs indés, alors qu'il existe aujourd'hui des milliers d'auteurs indés en France! 

Je dirais, vraiment à vue de nez, que les indés sont au bas mot 2000 à s'autopublier sur Amazon, la plate-forme la plus populaire.

Et au niveau des syndicats à proprement parler? Il faut bien sûr, comme le dit Chris dans son article, regarder du côté de l'existant. En France, le SNAC, Syndicat National des Auteurs Compositeurs, peut-il réellement prétendre avoir pour adhérents inscrits l'intégralité des auteurs et compositeurs qui touchent des droits d'auteur de manière traditionnelle? 

J'en doute.

Quand je regarde aussi du côté de l'Authors Guild aux Etats-Unis, je peux vous affirmer que ce syndicat ne comporte qu'une infime minorité d'auteurs traditionnellement publiés - sans même tenir compte, bien sûr des "indies"!

Donc, côté représentativité, il ne faut pas se leurrer, un syndicat des auteurs indépendants ne sera qu'un groupe de pression comme un autre. 

Je reconnais, bien sûr, l'utilité théorique d'un tel groupe, pour avancer notamment sur le statut des auteurs indépendants. Si un candidat élu à la Présidence de la République cherchait à demander conseil à ce sujet, il se tournerait vers l'instance la plus représentative des indés... même si elle ne devait compter que 200 auteurs.

Mais d'un autre côté, je mets aussi en garde contre les dérives possibles. On l'a vu avec l'Authors Guild aux Etats-Unis, qui a joué à fond le jeu du groupe des auteurs traditionnellement édités ayant le plus de pouvoir. On peut citer par exemple le soutien de l'Authors Guild au Mandat d'Agence dans l'affaire Amazon/Hachette (impossibilité pour Amazon d'abaisser le prix des ebooks les plus chers par des promos, afin de rendre l'ebook plus attrayant). Et, surtout, le soutien par ce même syndicat des grosses agences littéraires, lesquelles servent bien davantage les intérêts des gros éditeurs que des auteurs pourtant censés être représentés par ces agences! 

Un syndicat est un contre-pouvoir, ce qui est une bonne chance parce que c'est indispensable d'en avoir. 

Mais en étant un contre-pouvoir, le syndicat qui réussit devient aussi un lieu de pouvoir, et court le risque intrinsèque de ne représenter les intérêts, non seulement que des adhérents, mais bien plus encore, du petit groupe d'adhérents ayant le plus d'influence au sein du syndicat.

Autre risque possible, être repris en sous-main par certaines puissances financières: je ne voudrais pas d'un syndicat qui s'aligne systématiquement sur Amazon, par exemple. 

Donc, assez rapidement, le syndicat risque de ne plus représenter ni les idées du plus grand nombre d'auteurs ni même de la majorité de ses adhérents.

Je ne fais, on l'a compris, pas une panacée de l'idée de syndicat, et c'est là mon opinion strictement personnelle. C'est pourtant, je dirais, un mal nécessaire, à partir du moment où les intérêts économiques d'une catégorie d'auteurs convergent. La part de marché de ces intérêts étant bien sûr en augmentation avec l'ebook, mais surtout très mal connue du fait de son caractère officieux. Nous restons une industrie de l'ombre.

C'est un peu moins le cas aux Etats-Unis, grâce au site Author earnings.

Je pense donc qu'il devrait exister quelque chose de très basique, un syndicat des indés, tout en ayant conscience de la fragilité intrinsèque d'une telle structure, qui dépendrait de la bonne volonté de quelques-uns. Je sais, je me répète par rapport à mon article sur les labels, mais c'est un point important.

Relisez l'article de Chris Simon, et vous constaterez la précarité d'existence des structures mises en place par les indés. Je sais de quoi je parle, moi qui avais mis en place à l'époque un site appelé Babelpocket, destiné à vendre les ebooks des auteurs indépendants.

Il m'a demandé énormément d'heures de travail, qui auraient mieux été employées à écrire. Je plaide coupable!

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