Beau discours de Mitterrand en 1992, à l'occasion du traité de Maastricht. J'apprécie tout particulièrement le passage ci-dessous. Mais en même temps, je trouve qu'il faut aller plus loin, tout en reconnaissant que les obstacles sont immenses.
« Allons-nous fabriquer, construire une Europe pour la guerre, au bénéfice du futur vainqueur (mais lequel?), ou pour la paix? Il arrive un moment où l’on se lasse des guerres, où l’on se lasse aussi des paroles toutes faites. D’une génération à l’autre, nous avons appris que la France avait des ennemis héréditaires; mais ce n’étaient pas les mêmes! La France a compté comme ennemis héréditaires à peu près tout le monde en Europe. Le temps de l’Angleterre est bien connu, mais celui de l’Espagne pas si lointain; et l’Empire austro-hongrois, la Prusse, l’Union Soviétique et l’Allemagne, disons le Reich, cela fait beaucoup d’ennemis héréditaires, et même un peu trop si l’on veut pouvoir s’y reconnaître. Je me souviens d’avoir fait le compte: en vérité, il n’y a qu’un seul pays en Europe avec lequel nous n’ayons jamais fait la guerre. Le seul pays avec lequel nous n’avons jamais été en guerre – c’est l’occasion de le rappeler, et on ne va pas la faire –, c’est le Danemark!
Bref, la France a été la plupart du temps un voisin incommode. On ne devrait pas le dire, eh bien moi, je m’autorise à le dire: un voisin incommode. Mais les autres aussi. »
Tiré de cet article du site Il faut sauver l'Europe, où vous pouvez retrouver l'intégralité du discours.
Dans ce discours, il apparaît en filigrane que l'Europe de Maastricht, bâtie pour la paix, reste une Europe conflictuelle en matière économique: c'est un rassemblement d'Etats dans le but de peser économiquement, de pouvoir résister aux grands blocs de l'Est, de l'Asie et des Amériques. C'est une communauté d'intérêts économiques.
On voit malheureusement de nos jours avec le conflit avec la Russie que l'économie n'est pas une île. L'économie ne peut être tout à fait dissociée des notions politiques, des notions de démocratie et de dictature ni même des notions militaires.
Le rapprochement des pays d'Europe au sein d'une même entité répond en premier lieu à des données d'emplacement géographique: des pays proches les uns des autres. Ensuite vient l'idée de ne plus se faire la guerre, corrélée aux intérêts économiques de compétitivité par rapport au reste du monde. Puis vient la culture et la religion. La condition de tout cela est que ce rapprochement d'un grand bloc qu'on appelle l'Europe se fasse sous un régime démocratique limitant la corruption.
C'est cette condition à laquelle ne répond pas la Russie post-soviétique ni vraisemblablement la Hongrie, malgré l'incongruité de sa présence dans l'Europe.
Ces grands blocs économiques sont souvent critiqués pour leur aspect technocratique, et ont quelque chose d'artificiel. Ce qui n'a rien d'artificiel, en revanche, c'est la différence entre pays démocratiques et autocratiques.
Comme on le voit avec la faiblesse de l'ONU, avec son conseil de sécurité qui ne sécurise pas grand-chose, les pays autocratiques sont aujourd'hui le principal obstacle à l'établissement d'un gouvernement mondial, où des notions finalement rétrogrades de domination économique, et de concurrence de grands blocs les uns par rapport aux autres, cèderaient la place à une plus grande coopération entre les peuples, sans pour autant étouffer les différentes cultures.
Le passé a aussi ses chaînes, dont il faut pouvoir se libérer. Cela prendra sans doute beaucoup de temps, malgré le facteur accélérant que peut constituer un outil comme Internet.
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