Les personnes de couleur peuvent-elles se sentir plus libres de parler entre elles, sans personnes blanches dans la pièce, de la même manière que des alcooliques seront plus libres de parler entre eux, sans non-alcooliques?
Il y a quelques années, j'aurais opposé un "non" de principe à ce que l'on pourrait appeler communautarisme, mais la question est plus complexe que ça.
Elle revient à se demander si les mouvements anti-ségrégation aux Etats-Unis ont réussi ou non à obtenir quelque chose pour les Noirs, précisément en se réunissant entre eux.
Et la réponse, il faut bien le constater, sera souvent affirmative. Oui, les personnes de couleur ont obtenu plus de choses en se réunissant entre elles et en agissant comme groupes de pression, y compris au niveau des votes. Regardez l'évolution historique des lois dans les Etats du Sud des Etats-Unis.
Regardez aussi le gouvernement Biden de 2021: les minorités ethniques y sont bien mieux représentées qu'en France. Et cela va forcément faire bouger les lignes là-bas.
En France, nous prêchons l'Etat jacobin et l'intégration. Mais on peut se demander à quel point cette intégration n'a pas gommé certains particularismes régionaux? Peut-être certains patois auraient-ils été mieux conservés si on avait eu plus de députés ou de ministres avec des sensibilités régionales? Peut-être aurait-on pu mieux maintenir notre héritage culturel, non pas global, mais fait de mille particularismes?
J'ai appris à être beaucoup moins affirmatif qu'auparavant avec tout ce qui est communautariste, parce que je me suis rendu compte d'une chose simple: ce n'est pas parce qu'on abolit le communautarisme qu'on abolit le racisme.
Bien sûr, on peut parler du prosélytisme de l'islam, par exemple. Mais en avoir peur ne revient-il pas à ne plus croire en la force et la pertinence du modèle laïc? Se dire que d'un seul coup, une majorité de Français vont se retrouver convertis à l'islam ne relève-t-il pas d'une peur fondamentale, irrationnelle, proche du racisme? Sans doute suscitée par le racisme, puisque, dans l'esprit des gens, religion et couleur de peau sont souvent des notions très voisines.
Et le racisme n'est que dans une faible mesure la conséquence du communautarisme. Les causes sont bien plus profondes.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire