mardi 9 juillet 2019

Obsolescence institutionnelle programmée

On n'est pas encore tout à fait au 14 juillet, mais c'est un véritable feu d'artifice. C'en serait presque réjouissant si ce n'était aussi désastreux. Ecologie, santé, liberté de la presse, éducation, transports routiers, SNCF, aéroports, énergie, police, prestige de la France à l'étranger : où que l'on tourne le regard, le bilan du gouvernement Macron est désastreux. Désastreux comme je ne l'avais jamais constaté avec aucun autre gouvernement auparavant. Il faut dire que ce gouvernement récolte les fruits de la politique d'obsolescence institutionnelle programmée, mise au point et appliquée par ses prédécesseurs (Hollande, Sarkozy, et j'en passe). Mais il amplifie encore et accélère cette pratique qui vise à tuer le service public. Ce qu'il y a d'amusant, c'est que si ce gouvernement, qui pratique le dogme du privé au point d'en être allergique au service public, n'était pas employé par les grandes entreprises françaises et les oligarques, s'il était soumis aux règles des petites entreprises privées, il aurait déjà été viré à grands coups de pieds aux fesses depuis longtemps pour incompétence et fautes graves.

"Le service public n'a aucun avenir. Ce sont les losers qui y travaillent." Je m'en voudrais d'accuser mon chien d'avoir la rage, mais comment ne pas penser que cette déclaration par rapport au service public résume bien la pensée des patrons et cadres dirigeants des plus grandes entreprises en France?

Pour avoir travaillé moi-même dans un service public directement lié à la politique de l'emploi du gouvernement, Pôle emploi, dans une période qui a vu se succéder Sarkozy et Hollande, je peux vous dire mon ressenti. Il était clair qu'aux yeux des cadres dirigeants de Pôle emploi, nous autres conseillers étions les "petites mains". Des pions, si vous préférez. La politique de non remplacement d'un fonctionnaire sur deux s'est poursuivie sous Hollande, et c'est cette même politique qui me donnait le sentiment, à chaque jour de la semaine, que notre service public, aux yeux du gouvernement, n'avait aucun avenir. J'avais l'impression de travailler dans une morgue.

Le fait d'être devenu auteur à temps plein m'a permis de prendre du recul par rapport aux différents métiers du service public: policier, enseignant, métiers de la santé, j'ai l'impression que c'est le même mépris à l'égard de tous les fonctionnaires, le même message qui leur est envoyé. Un message selon lequel les services publics n'ont pas d'avenir. 

Quand on en vient au point où les femmes sont obligées d'accoucher sur le bord de la route pour cause de raréfaction des maternités, on se demande non seulement dans quel monde on vit, mais à quel point l'humanité n'est pas en train de se tirer une balle dans le pied. D'hypothéquer son avenir en se focalisant, pour les personnes qui ont le pouvoir, uniquement sur le pouvoir et le profit. 

Dans l'histoire de l'humanité, ce sont souvent de grands personnages féminins ou masculins qui nous ont tirés vers telle ou telle direction: Newton, Jeanne d'Arc, Einstein, Hugo, Balzac, Marie Curie, Pasteur, Simone Veil... Quand on joue la carte de l'apauvrissement généralisé de la population, quand on se retrouve avec des mouvements de protestation aussi forts que les gilets jaunes et qu'on n'en tient pas compte, quand on tue les services publics pour aller vers plus de profits, on se prive sans doute de l'opportunité de faire éclore et de faire croître les prochains génies qui seront les locomotives de l'humanité. 

On se tire une balle dans le pied, alors que l'on sait très bien que le privé ne peut pas tout résoudre, et est, par définition, incapable de mener à bien des opérations de service public, c'est à dire bénéficiant à tous. Le privé ne sert que des intérêts privés. Ben oui, c'est bête, mais c'est son rôle. 

Il serait donc temps, une bonne fois pour toutes, de sortir de cette politique d'obsolescence programmée du service public. De l'idée que le service public soit "inférieur" aux intérêts privés. Prétendre cela, c'est prétendre qu'une pomme est inférieure à une orange. Je ne me fais pas d'illusion, je sais bien que c'est avant tout une question de rapport de force, et que ce genre de choses ne tient aucun compte de la logique ni des intérêts à court, moyen ou long terme de l'humanité. Mais un rapport de force, cela peut se modifier au cours du temps. 


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