Quel
rapport entre le meurtre d’une relation d’enfance de Vick
Lempereur, le procès d’un célèbre laboratoire pharmaceutique, et
l’association AlimAgrobio ? Vick va devoir mener l’enquête
sous couverture dans le milieu de l’agro-industrie.
Malheureusement, un inexplicable décès dans le manoir de
l’association où il a trouvé refuge menace de tout compromettre.
  1. La prison de Fresnes
« Ça m’est arrivé souvent... de rêver que tu te retrouves là, tu sais. »
L’homme
 de l’autre côté de la vitre avait nettement plus de cheveux gris que 
dans son souvenir. Son visage hirsute, piqueté de noir et de gris au 
niveau des joues et du menton, avait ce teint blafard propre aux 
individus qui ne voient que rarement la lumière du jour. Les tatouages 
qui devaient recouvrir son corps affleuraient au-delà du col de sa 
chemise sur sa gorge. Pour un peu, son haleine chargée d’alcool 
viendrait l’assaillir comme cela avait été si souvent le cas — sauf que 
l’alcool était interdit ici, bien sûr.
« Quand tu as fini par t’y retrouver, il était... trop tard. Trop tard, pour elle. »
Sous
 les paupières gonflées, les yeux globuleux le fixaient d’un air de 
reproche — le monde à l’envers. Un rictus déforma ses lèvres. « Je 
serais censé t’apporter du réconfort, comme un bon fils. C’est ça ? » Il
 secoua la tête tout en maintenant le combiné du téléphone contre son 
oreille. « J’ai si longtemps vécu la peur au ventre. Et ensuite ça a été
 la haine. Là, tu vois, fit-il en plaquant la main gauche contre ses 
entrailles. Comme un poing refermé dans mon bide. Et ça, le vieux, va 
donc chercher à t’en débarrasser ! » Il s’absorba un instant dans la 
contemplation de la table du parloir, striée de rainures, avant de 
relever les paupières. « Tu te souviens de la fois où t’es revenu du bar
 tellement bourré que tu marchais en te cognant contre les murs du 
couloir de l’appart ? » Il marqua une courte pause. « Non, ça te dit 
rien à c’que j’vois. Faut dire que ça t’est arrivé tellement souvent... 
J’avais pris l’habitude de me prendre ma raclée en voulant défendre 
maman, mais cette fois-là, tu m’as loupé avec ta droite. Et j’ai réussi à
 te faire tomber en te faisant un croche-pied — tu ne tenais plus sur 
tes guiboles, faut dire. C’est moi qui t’ai roué de coups cette nuit-là.
 Je t’ai pris à coups de pieds dans la tête, et t’as même pas été 
capable de te relever. J’avais quoi ? Treize ans ? Le lendemain, ton 
visage était complètement tuméfié, et après que t’aies dessoûlé, on t’a 
raconté avec maman qu’on t’avait retrouvé comme ça dans la rue. Que tu 
t’étais fait passer à tabac par un inconnu. Et devine quoi ? Tu nous as 
crus. Tu te souvenais de rien. » Il sourit. Une partie de la tension 
qu’il ressentait s’évacua.
Pour
 la première fois, l’expression de son père se modifia. Il retrouva 
cette crispation sur chaque coin de la bouche, cette mâchoire serrée qui
 avait été si souvent le prélude a des explosions de colère. Mais cette 
fois, l’homme en face de lui fit effort pour se maîtriser, effaçant 
toute trace d’émotion de son visage.
« Après
 ça, reprit Vick, j’ai compris qu’il fallait que je me forme aux 
techniques de combat. Du coup, souvent depuis, mon corps percute plus 
vite que mon esprit. M’est arrivé de faire des conneries, ouais... » Il 
eut une esquisse de sourire sans joie. « Tu vois, tu m’as plus défait 
que tu ne m’as fait. » Il s’éclaircit la gorge. Son père avait 
décidément le masque livide d’un spectre. De tous les fantômes de son 
passé, il était celui qui l’avait le plus torturé. « J’ai lu quelques 
bouquins, là-bas, en Afrique. Ouais, je sais, un truc de tafiole. 
N’empêche, j’ai appris des tas de choses sur les gens comme toi. Ça m’a 
aidé à ouvrir les yeux. A me poser les bonnes questions. Comme, par 
exemple, où s’arrête ta putain de responsabilité et où commence la 
mienne... rapport à tout ce que j’ai fait. »
Il
 soupesa son père du regard. La respiration de celui-ci était rauque 
dans le combiné. « Pas le genre de trucs qui te soucierait, pas vrai ? 
La faute, ça a toujours été celle des autres, pas la tienne. Celle de 
maman. La mienne. J’me goure ? »
Un
 silence de plomb tomba, seulement troublé par cette lourde respiration,
 toujours. Le détenu Bertrand Lempereur gardait la bouche ouverte, mais 
sa voix était aux abonnés absents. Il y avait dans son regard un air de 
vague tristesse et de mépris. Vick se prit à se demander pourquoi il 
faisait la conversation à cet étranger. « Ne me dis pas, reprit-il, les 
dents serrées, que tu n’as pas eu le temps de te bricoler une 
conscience, ici. Est-ce que tu regrettes... d’avoir buté maman ? »
Il
 eut envie de se maudire. Sa voix s’était brisée sur la dernière 
question, on aurait dit de nouveau le morveux de tout juste quatorze 
ans.
L’homme,
 en face, avait à peine cillé. Du moins n’était-il pas en train de se 
foutre de sa gueule. Un roc, un dur à cuire. Les couloirs interminables 
et glaciaux de cette prison de merde, ses murs trop exigus, la 
promiscuité, la compagnie de criminels pires encore que lui avaient fini
 par l’insensibiliser tout à fait. Par tuer ce qui restait de l’être 
humain. La main de Vick agrippant le combiné tremblait presque.
Il respira lentement. Lui qui pensait s’être forgé une vraie armure au fil de ses années en tant que mercenaire...
« Qu’est-ce... qu’est-ce que tu fais de tes journées ? » finit-il par demander.
Son
 géniteur le regarda une nouvelle fois, les paupières mi-closes, sans 
répondre. Si sa haine pour lui avait été plus complète... si l’ivrogne à
 la main si lourde avait été entièrement dépourvu de qualités, les 
choses auraient été tellement plus faciles. Sur un signe de tête 
négatif, le détenu raccrocha pour lui tourner le dos sans autre forme de
 procès.
« Emouvantes
 retrouvailles », marmonna Vick. Il avait le détestable goût de la 
défaite dans la bouche, qu’il tordit sur un nouveau rictus. Il se leva 
brusquement.
Raccompagné
 par un gardien, Vick Lempereur remonta le déprimant couloir de la 
prison de Fresnes par lequel il était venu. Pas une bonne idée, de se 
pointer ici. Si les murs n’étaient pas aussi miteux qu’on pouvait si 
attendre — ils avaient été repeints récemment, et le bleu ciel alternait
 avec le beige —, en revanche, le fait que l’on retrouve 
occasionnellement par-ci par-là l’un des taulards, pendu ou les veines 
tailladées, n’avait rien d’étonnant. Combien de peines de prison 
transformées en peine de mort par la simple surpopulation ? Ils vivaient
 ici comme des rats — et avec pour compagnons de véritables rats, à ce 
qu’on disait.
Vick
 prenait garde à éviter tout contact. Ces murs avaient beau avoir été 
repeints, ils étaient anciens. De ténébreuses histoires exsudaient en 
permanence des lieux, le passé pesant sur le présent plus qu’en tout 
autre endroit qu’il avait visité.
Quel
 que fût le salaire des matons de ces oubliettes modernes, ce n’était 
pas assez. Vick ne se sentit mieux qu’une fois l’enceinte franchie.
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DATE DE SORTIE : 31 décembre 2017 : 
8 janvier 2018 : 
Version papier sur la Fnac et autres distributeurs
PRIX DE LANCEMENT EBOOK : 0,99 € le 31 décembre et 1er janvier 2018 seulement 
Prix habituel: 2,99 €
Disponibilité 31 décembre sur Amazon 
Autres distributeurs: 8 janvier 2018 
Joyeux réveillon à tous ! 
[EDIT 1er janvier 2018] : Bonne année à tous! Pour bien la commencer, le recueil Le Vagabond et quatre autres thrillers est en promo à 0,99€ pendant tout ce mois de janvier! Il s'agit du premier livre dans lequel apparaît Vick Lempereur. Il n'est pas indispensable d'avoir lu Le Vagabond pour lire Passager clandestin, mais je souhaitais ainsi permettre à toute personne intéressée de faire plus ample connaissance avec Vick!
[EDIT 1er janvier 2018] : Bonne année à tous! Pour bien la commencer, le recueil Le Vagabond et quatre autres thrillers est en promo à 0,99€ pendant tout ce mois de janvier! Il s'agit du premier livre dans lequel apparaît Vick Lempereur. Il n'est pas indispensable d'avoir lu Le Vagabond pour lire Passager clandestin, mais je souhaitais ainsi permettre à toute personne intéressée de faire plus ample connaissance avec Vick!








