Cadre dans le privé, on connaît: une activité mieux rémunérée que les simples employés, mais aussi souvent plus exposée, avec un risque de burnout, ou effondrement professionnel en bon français, plus prononcé.
Mais j'ai été surpris, en me rendant sur le site officiel de l'Assemblée Nationale, d'apprendre que, sur les 577 députés qui siègent à l'Assemblée Nationale, 390 sont des cadres, anciens cadres ou chefs d'entreprise.
La répartition est la suivante:
- 61 anciens cadres et professions intermédiaires
- 126 cadres d'entreprise
- 176 cadres de la fonction publique, professions intellectuelles et artistiques
- 27 chefs d'entreprise de dix salariés ou plus
Par comparaison, on va trouver un seul artisan (bravo à l'heureuse élue, Fanny Dombre Costes!), un ouvrier agricole, Jean Lassalle, 15 agriculteurs exploitants, un employé de la fonction publique, 6 commerçants... La liste complète est ici.
On peut dès lors se demander, il me semble, si le peuple français est bien représenté. Par exemple, si je suis auteur, lequel de ces députés va pouvoir me concocter un statut d'auteur indépendant digne de ce nom, et aura-t-il seulement le poids politique pour faire voter ce nouveau statut?
Pourquoi autant de cadres, me direz-vous? On peut au moins trouver un point commun entre les cadres du privé et ceux de l'Assemblée Nationale: une bonne rémunération. Député, c'est plus de 6700 €/mois + 6100 de remboursement de frais + 8500 pour embaucher un ou plusieurs collaborateurs.
N'importe qui peut devenir député à condition d'être Français âgé d'au moins 18 ans, de jouir de ses droits civils et politiques et de n’être dans aucun cas d’incapacité prévu par la loi. Il ne faut pas non plus être dans un cas d'inéligibilité prévu par le code électoral.
Et bien sûr, à condition d'arriver à se faire élire!
C'est sans doute là que le bât blesse: pour se faire élire, il faut pouvoir financer une campagne à cet effet, mais aussi, je pense, être soutenu par l'un des partis en place.
On peut penser que les cadres, qui ont vocation à exercer des responsabilités, sont naturellement attirés vers ces postes de pouvoir. Ils ont aussi un réseau souvent plus développé qu'un simple employé.
Je reviens sur le problème de la représentativité: il y a plus de trois millions de chômeurs en France, et de nombreux chômeurs longue durée, ne devrait-on pas avoir au moins une personne pour les représenter? Voire peut-être davantage?
Est-ce qu'en faisant en sorte qu'on ne puisse devenir député que sur la base du volontariat, on ne favorise pas la domination des cadres?
Autre problème: les députés sont élus pour 5 ans, mais peuvent être réélus et faire carrière. Est-ce une bonne chose pour la société d'envisager le poste de député comme une profession?
Je veux dire, quand on occupe un emploi, on se doit d'être productif, non? Mais si on se met en tête de produire des lois, est-ce qu'on ne va pas se retrouver avec un maquis de lois inapplicables, car trop complexes?
Ah bon, c'est déjà le cas?
Bien que je n'adhère pas du tout à l'idée de ne pas voter, et que je trouve qu'il serait extrêmement complexe de revenir vers une démocratie directe, la vidéo ci-dessous (45 minutes) pose très bien le problème, il me semble:
C'est pourquoi j'étais heureux d'avoir deux candidats à l'élection de cette année, Benoît Hamon et Jean-Luc Mélenchon, qui proposaient d'écrire une nouvelle constitution plus adaptée.
Les propositions de Jean-Luc Mélenchon pour rendre du pouvoir au peuple, quoique manquant encore de précision, me semblent intéressantes, et de nature à alimenter le débat.
En revanche, l'idée de ne pas aller voter pour montrer que le système est pourri et le saper me paraît mauvaise et dangereuse. Le vote blanc (4 millions lors de l'élection de Macron, ce qui est considérable) me semble plus pertinent, mais personnellement, je ne le garderais que comme une mesure de dernier recours: pas question pour moi d'y avoir recours si l'un des deux candidats dans la dernière ligne droite a des positions trop extrêmes.
Essayons de nous montrer un peu logique. Nous avions deux candidats qui se proposaient de changer de constitution cette année. Malgré cela, au premier tour, l'abstention s'est établie à 22,23%.
Ces gens qui se sont abstenus au premier tour, l'ont-ils fait par simple paresse, parce qu'ils n'en ont rien à faire de la politique, par militantisme anti-système, parce qu'ils avaient d'autres obligations ou une impossibilité physique? Sans doute un peu de tout cela, et davantage.
S'ils avaient voulu un changement des règles démocratiques, ils seraient allé voter Mélenchon ou Hamon. Ce n'est donc pas le cas. Ou s'ils veulent du changement, ils ne souhaitent pas que celui-ci se produise dans le cadre d'un processus démocratique.
On peut donc penser, l'abstention ayant été en hausse au second tour, à 25,38%, que ceux qui, à cette occasion, ont refusé de voter dans le but de lutter contre le système se sont retrouvés noyés dans la masse de tous les autres.
Chacun agit, ou s'abstient, bien entendu, selon ses convictions. Mais faire s'effondrer le système, selon moi, donnera naissance à une période de chaos qui ne permettra pas forcément de le remplacer par quelque chose de meilleur.
Prenez la Révolution culturelle de Mao. Les élites ont été détruites, certes, mais au final on se retrouve avec quoi? Avec une nouvelle élite et de nouveaux riches oppressant le peuple. Eh oui.
Je pense qu'il faut être un peu plus subtil que cela. Je suis convaincu qu'il faut réformer notre démocratie, et sans doute aller vers une VIème République. Encore faut-il se donner les moyens de le faire dans les meilleures conditions.
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