L'école républicaine est censée être laïque. On n'est pas censé éviter l'enseignement de telle ou telle particularité pour ménager telle ou telle religion. Or, au collège, en biologie, un organe du corps féminin est totalement ignoré : le clitoris. L'organe du plaisir féminin. Ou s'il est mentionné, ce n'est qu'en passant. Cela pourrait être dans le but de ne pas distraire les collégiennes par rapport au travail et à la discipline que cela requiert. Mais moi, je formule ici l'hypothèse que c'est surtout pour ne pas faire de vagues par rapport à la religion, et en particulier à la religion qui décourage le plus le plaisir des femmes, l'islam. Ce qui n'est évidemment pas normal dans un pays laïque.
"Elles le découvriront bien assez tôt" diront certains. "Il y a suffisamment de sexe sur Internet sans encore en parler au collège." Ou encore, "mieux vaut ne pas les distraire avec ça, et en faire de bonnes travailleuses bien disciplinées". Certains diront aussi que ce n'est pas à l'école d'enseigner cela, qu'ils s'en chargent eux-mêmes. Mais le font-ils vraiment? Et comment?
Comme on le voit, il y a d'autres raisons que la raison religieuse pour éviter de parler du clitoris en classe. Je pense néanmoins qu'une grande majorité de professeurs a reçu une éducation religieuse, et que le tabou du sexe, que j'évoquais dans cet autre article, joue dans la décision de ne pas aborder le sujet.
Et il y a aussi la crainte, bien sûr, que les parents de confession musulmane ne retirent leur fille du collège sous prétexte que cet enseignement heurte leur morale. Sous-entendu, il est décadent d'évoquer ce sujet.
Le truc, voyez-vous, c'est que le plaisir féminin, c'est important. Parce que ça dit beaucoup de notre manière de traiter les femmes dans notre société. Cet enseignement du rôle du clitoris, je le juge nécessaire non seulement pour les adolescentes, mais aussi pour les adolescents. Parce que dans un rapport librement consenti, cet organe est fondamental dans la stimulation du désir féminin, et dans ce que l'on appelle les préliminaires. Une femme insuffisamment stimulée va éprouver de la douleur lors du rapport. Pour que les choses se passent bien, il faut donc que les deux partenaires soient au courant du mode d'emploi du clitoris.
Certains professeurs pourraient craindre de se voir traiter de pédophile parce qu'ils dispensent cet enseignement. Pour moi, c'est le contraire. Un pédophile va tenter de profiter de la naïveté de l'adolescente par rapport à son corps. Une ado avertie en vaut donc deux, d'autant que ce type de cours peut justement être l'occasion de discuter de la pédophilie. Vous pensez peut-être que l'inceste est inexistant dans les familles? Ce genre de cours peut aussi aider à détecter cela.
Il y a aussi le reproche d'introduire de la pornographie à l'école. Là encore, pour moi, c'est le contraire. Ce type de cours peut être l'occasion d'enseigner aux garçons que la fellation, s'ils la réclament à une fille sans contrepartie, équivaut à une demande de soumission. Ce sera le moment d'évoquer le symbolisme du nombre 69, qui est le nombre de la réciprocité et de l'égalité sexuelle.
Sans aller jusqu'aux travaux pratiques, ce type d'enseignement serait l'occasion de mettre nos ados, en quelque sorte, "sur les bons rails" par rapport au respect que chacun doit avoir pour son partenaire. La même empathie que l'on enseigne à la maternelle aux bambins doit être réenseignée au collège. Avoir de l'empathie au moment du rapport, c'est prendre soin du plaisir de sa partenaire, ou de son partenaire.
Que faire si cela contrevient à l'enseignement de l'islam, et que des élèves s'y opposent? Je pense qu'il faudrait présenter ce cours comme un cours de biologie, de découverte d'une partie importante du corps féminin, et un cours d'éducation sexuelle. Dans un second temps seulement, le professeur pourrait dire qu'il autorise les personnes heurtées par le contenu du cours à sortir, mais en leur demandant d'écouter malgré tout le début pour se faire une idée.
Nous vivons en république. Nous devons vivre tous ensemble en tenant compte des sensibilités des uns et des autres. Mais un enseignement le plus complet possible ne saurait en aucun cas être dicté par la peur d'aborder tel ou tel sujet. J'ajouterais que l'école n'est pas forcément là pour ne former que des futurs travailleurs et travailleuses. Elle est là aussi pour former des êtres humains avec un sens de leur responsabilité d'être humain, et avec une conscience éveillée.
La religion elle-même devrait être un sujet d'étude, comme je l'évoquais dans un autre article, au titre qui pourrait vous paraître paradoxal par rapport à celui-ci, L'école est-elle trop laïque? Et il y aurait beaucoup à dire sur l'idée selon laquelle le paradis, et donc la notion de plaisir intense, ne saurait exister qu'après la mort. Alors que le clitoris, n'est-ce pas, peut provoquer un plaisir divin de manière tout à fait naturelle, à condition de déculpabiliser les ados, notamment par rapport à la masturbation...